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dimanche 19 avril 2020

UNE CONTRIBUTION TRES INTERESSANTE SUR LES CHARS CHINOIS AU NIGERIA

Comme annoncé dans notre premier billet, les contributions extérieures sont les bienvenues sur le blog. Aujourd'hui, Blablachars est heureux d'accueillir son premier contributeur en la personne de Sylvain Rolet. Après une carrière d'officier partagée entre les blindés et les relations internationales, S.Rolet a quitté l’Institution pour rejoindre l'industrie de défense dans les domaines  de la numérisation, de la formation et de la commercialisation de systèmes d'armes terrestres.
Passionné de blindés et de relations internationales, S. Rolet livre à Blablachars son éclairage sur la livraison des chars chinois VT-4 au Nigéria. Merci à lui.  


Le 8 avril dernier, dans le cadre de l’accord de coopération liant le Nigéria à la Chine, cette dernière a livré aux forces terrestres nigérianes un premier lot de chars VT4 (ou MBT 3000). Le Nigéria devient ainsi le second pays, après la Thaïlande, à acquérir ce char de troisième génération que NORINCO a développé exclusivement pour l’exportation. 
Débarquement des VT 4
Officiellement destinés à renforcer les moyens consacrés à la lutte que le Nigéria, depuis plusieurs années, mène contre le mouvement terroriste Boko Haram, cette nouvelle livraison de matériels chinois à un pays africain démontre une fois encore l’importance que tient la Chine dans le domaine des ventes d’armes en Afrique: deux tiers des pays de ce continent utilisent des équipements militaires chinois et les commandes ne cessent de se multiplier. Grâce à des conditions de vente généralement très favorables, les contrats que signe Pékin s’inscrivent souvent dans un cadre économique et de développement plus large. C’est ainsi le cas pour le Nigéria qui, les années aidant, est devenu un partenaire incontournable de la Chine dont la générosité, rappelons-le, n’est pas le moteur principal de son action à l’étranger. La Chine agit en fonction d’intérêts bien compris et se donne les moyens financiers de sa politique. La Chine inonde ainsi ce continent de matériels de tout type, à la rusticité avérée mais dont la fiabilité est parfois douteuse. Avec le VT4, il semble maintenant que NORINCO soit en mesure d’offrir un produit de plus grande qualité. Ses caractéristiques, si elles sont avérées, permettront à l’arme blindée nigériane de réaliser un bond qualitatif certain par rapport à un parc composé de chars anciens (Vickers Mk3, T55, T72 d’occasion…) dont le niveau opérationnel et la disponibilité paraissent faibles.
T-72 nigérian
L’emploi de chars, dans certaines zones où se déroulent les combats, semble parfaitement justifié. La portée utile de leur armement principal, leur niveau de protection balistique et leur mobilité en tout terrain constituent autant d’atouts contre un ennemi ayant recourt à toute la panoplie des savoir-faire et modes d’action d’une techno guérilla traditionnelle et qui n’hésite pas à recourir, quand l’occasion se présente, à l’emploi de moyens lourds pris à l’armée nigériane.
Vickers MK3 capturé par Boko Haram

Une chose est certaine : le Nigéria ne peut se permettre de laisser perdurer un conflit susceptible d’impacter sa stabilité. On peut donc s’attendre à un déploiement rapide de ces nouveaux chars qui ont été livrés avec des pièces d’artillerie (SH5) et des véhicules de reconnaissance à roue (ST1). Avec le VT4, les forces terrestres nigérianes acquièrent un char dont les capacités, au moins en théorie, pourront lui permettre de rivaliser avec le T90S, avec lequel il est d’ores et déjà en compétition sur certains marchés.
Présenté pour la première fois en 2014 lors de la China International Aviation & Aerospace Exhibition 2014 à Zhuhai, son développement s’inscrit dans la lignée des chars type 98, type 99, type 96 et MBT2000 (ou al Khalid), tous conçus à partir du T72. Sur la base d’une technologie datant du milieu des années 70, la Chine a eu recours au processus d’ingénierie inversée pour concevoir des chars qui reprendront tous l’architecture du T72 : équipage de trois hommes, système de chargement automatique à carrousel situé dans le puits de tourelle, canon de 125mm, train de roulement composé de six galets, suspension par barres de torsion. L’augmentation progressive de la masse (d’une quarantaine de tonnes à plus de 50) due à un accroissement du blindage et à l’installation d’équipements supplémentaires conduira les ingénieurs chinois à intégrer des groupes propulseurs plus puissants et plus gros, ce qui entrainera l’allongement du châssis de ces chars. Leur fiabilité en sera ainsi affectée, comme l’attesteront les nombreuses pannes dont les équipages de chars type 96 auront à souffrir lors des éditions 2015 et 2015 du biathlon de chars organisés par la Russie. Les Chinois n’ont néanmoins jamais cessé de travailler à l’amélioration de leurs chars et sont parvenu, avec le type 99, à approcher les capacités opérationnelles de l’ultime version du T72, voire celles du T90, dont le VT4 se veut être le concurrent à l’exportation. 
Char VT-4 thaïlandais
Véritable char de troisième génération de 52 tonnes, à la silhouette moderne et ramassée, le VT4 est mû par un moteur diesel de conception national développant 1300 chevaux qui lui assure une vitesse d’environ 70 km/h sur route, 50km/h en tout terrain. Son autonomie est de 500 km. Il est mis en œuvre par un équipage de trois hommes. Son armement principal consiste en un canon stabilisé de 125mm à âme lisse, de 50 calibres, dérivé du 2A46 russe, pouvant notamment tirer des munitions flèches au tungstène dont le pouvoir de pénétration est estimé à 700mm de blindage à 2000m. Les munitions sont en deux parties. Le projectile et sa douille semi-combustible sont stockés séparément et assemblés par le système de chargement automatique avant le tir. Une munition flèche à uranium appauvri est également disponible. Son pouvoir de pénétration est de 1000mm de blindage à 2000m. Ce canon peut aussi tirer des missiles AT11 « Sniper » ou 9K119 « Refleks » produits sous licence russe. Ils ont une portée de 5000m qu’ils peuvent atteindre en 16 secondes. La charge creuse en tandem permet de percer 900 mm de blindage. Quatre missiles sont stockés dans l’engin. Un système de chargement automatique situé en puits de tourelle, contenant 22 obus permet une cadence de tir de 6 à 8 coups à la minute. Le nombre total de munitions de 125mm est de 38.

Système de chargement automatique
L’armement secondaire est composé d’une mitrailleuse téléopérée de 12,7mm, de conception chinoise, installée sur le toit de tourelle. Une mitrailleuse coaxiale de 7,62mm complète l’armement.
Mitrailleuse téléopérée
La protection passive du VT4 repose sur un blindage d’acier, renforcé sur l’arc avant du châssis par du blindage composite. Au niveau de la tourelle, ce blindage se caractérise par un « V » très prononcé le faisant ressembler au Léopard 2A5. En option, un blindage réactif peut être rajouté sur la partie avant du châssis, portant l’épaisseur totale du blindage à 800mm.

Le VT4 est équipé d’un système de protection active de conception chinoise, le GL5. Ce système, intégrant quatre capteurs, peut détecter sur 360 degrés (20 degrés en site) des missiles ou des roquettes antichars à une distance de 100 mètres. Automatiquement, une charge est déclenchée à une distance d’environ 10 mètres, entrainant la destruction de la menace.

Sur chaque côté de la tourelle est implantée une rangée de lance-pots fumigène de 76mm couplés à un système de détection laser. Un dispositif de surpression protège l’équipage contre les agressions NBC.

Le VT4, à l’instar des chars de dernière génération, dispose d’une conduite de tir numérique et offre à son équipage une véritable capacité hunter-killer. Le chef, dont le poste situé à droite est équipé de six épiscopes permettant une observation sur 360 degrés, dispose d’un bloc optique de toit panoramique, stabilisé en site et en azimut, équipé d’une voie vidéo jour, d’une voie thermique (caméra thermique réfrigérée) et d’un télémètre laser. 
Poste Chef
Le tireur dispose d’un bloc optique de toit, stabilisé, et équipé lui aussi d’une voie vidéo jour, d’une voie thermique et d’un télémètre laser. Trois épiscopes complètent les capacités d’observation.
Bloc optique tireur 
Poste Tireur
Un emplacement est disponible au poste du chef de char pour l’installation d’un système de gestion du champ de bataille.
En conclusion, le VT4 semble se rapprocher des derniers standards occidentaux en matière de char de bataille. Il conserve néanmoins certains des défauts de conception du T72, notamment son système de chargement automatique situé dans le puits de tourelle, empêchant ainsi la séparation des munitions de l’équipage et provoquant en cas de perforation, la destruction complète du char. Même s’il n’est pas certain que la version acquise par le Nigéria soit une version toutes options, le VT4 se montrera certainement très supérieur aux chars actuellement en service au sein de l’arme blindée nigériane.

Quelles que soient les caractéristiques d’un char, c’est avant tout la qualité de l’instruction et de l’entraînement de son équipage qui fait la différence au combat. Gageons que le volet formation inclus dans le contrat passé avec la Chine permettra aux cavaliers nigérians de tirer tout le parti de leur nouvelle monture.




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