Moins de deux jours avant la remise de la BAFO (Best And Final Offer) financière, Blablachars a voulu faire le point sur le marché de renouvellement des camions logistiques de l'armée de terre. Lancé dans le courant de l'été 2024, ce marché est attendu avec impatience par les militaires, confrontés au vieillissement de la flotte actuelle avec toutes les conséquences sur les couts de maintien en condition et de disponibilité. Le marché qui porte sur la fourniture en plusieurs tranches de 7000 camions, ouvert aux seules entreprises européennes est estimé à cinq milliards d'euros dans le cas où toutes les tranches prévues seraient contractualisées. Une hypothèse optimiste au regard des nombreux retards subis par ce marché devenu au fil du temps une véritable variable d'ajustement.
L'appel initial à candidature avait suscité l'intérêt de cinq constructeurs organisés dans des structures différentes. Le constructeur néerlandais DAF déjà vainqueur en Belgique qui était associé pour ce marché avec Tatra a rapidement retiré sa candidature laissant le champ libre Mercedes France, Scania, IVECO et SOFRAME regroupés au sein d'un GME (Groupement Momentané d'Entreprises), Renault trucks Defense associé à Arquus et MAN France en GME avec RMMV (Rheinmetall MAN Military Vehicles). Vainqueur du marché de Camions Citernes de Nouvelle génération (CCNG), Arquus a du composer avec la fin de son alliance avec Renault Truck Defense (RTD), en raison de son rachat par John Cockerill Defense. A la suite de cette opération, le Groupe Volvo propriétaire de RTD a donc instauré une relation de fournisseur à client pour la fourniture des équipements et en particulier des moteurs destinés aux camions. Au-delà du simple changement sémantique cette "nouvelle relation" a eu des conséquences importantes sur le prix des composants vendus par Volvo à Arquus. C'est probablement cette situation qui a motivé la firme de Satory à rechercher un partenaire "taillé" pour ce marché et disposant de solutions clés en main pour répondre aux besoins français. Cette quête s'est concrétisée par la conclusion au début de l'été d'un accord de partenariat avec Daimler Benz. Cette collaboration orientée autour de projets ciblés selon le site d'Arquus doit permettre de "proposer des solutions adaptées aux besoins des forces armées, notamment dans le cadre de la future modernisation de la flotte logistique de l’armée française". Ce partenariat stratégique s'est concrétisé ces derniers jours avec la présentation du "Zetros by Arquus", que l'on a pu voir sur le stand de la firme franco-belge à l'occasion du dernier Forum des Entreprises de Défense (FED) qui s'est tenu la semaine dernière. Aujourd'hui les candidats à ce marché sont donc : le GME IVECO SOFRAME ; le GME MAN France RMMV ; Arquus Mercedes Zetros et Scania.
Le ZETROS 6x6 avec cabine blindée.
L'analyse (assez simple) de cette liste au filtre de la souveraineté nationale permet de constater l'absence du moindre constructeur français parmi les candidats. Cette situation qui n'est pas spécifique au marché militaire s'accompagne de l'absence de tout motoriste national. Pour l'anecdote, on peut signaler que notre pays sera néanmoins représenté dans ce marché grâce à l'entreprise Regnault établie à Coutances (50) qui pourrait se voir confier la réalisation des plateaux multifonctions destinés à équiper les camions choisis. Au-delà de cette participation spécifique, l'absence de la France dans ce marché devrait interpeller la DGA, même si cette dernière ne dispose que de peu d'arguments pour remédier à cette situation, à moins de mettre en place des critères qui seraient probablement contraire aux dispositions européennes. Il est donc probable, voire certain que le critère déterminant pour l'attribution de ce marché soit le prix. Cette disposition pouvant s'expliquer par l'état des finances publiques mais aussi par l'importance de cet élément dans les critères de choix des marchés publics. L'importance du prix dans le choix pourrait favoriser des constructeurs réputés "bon marché" mais défavoriser les industriels dont les productions sont souvent réputées pour leur cout. Cependant un autre critère pourrait jouer un rôle important dans le choix français, qui pourrait favoriser un constructeur ayant déjà fourni en nombre des camions. On pense à IVECO qui déjà associé à SOFRAME a fourni le PPLOG (Porteur Polyvalent Logistique) décliné en différentes versions. Un tel choix aurait le mérite de constituer un parc cohérent et de mutualiser un certain nombre d'opérations autour de ces camions. La question de leur soutien et de leur maintien en condition est cruciale u moment où les armées cherchent à se réapproprier certaines des capacités perdues par l'externalisation. ARQUUS fournisseur des CCNG peut également prétendre à un statut identique, même si en proposant le Zetros, le constructeur franco-belge ne peut revendiquer aucune présence de ce véhicule dans le parc français. Scania qui fournit en nombre limité de camions spécialisés, des bennes, des citernes de 10m3, les tracteurs du PFM F2 (Pont Flottant Motorisé F2) ainsi que les tracteurs des camions CaRaPACE (Camion Ravitailleur Pétrolier de l'Avant à Capacité Étendue) du Service de l’Énergie Opérationnelle(SEO), pourrait dans une moindre mesure être concerné par ce critère.
Porteur Lourd Polyvalent de Dépannage
Il est également intéressant de noter que, fidèle a une tradition française solidement établie, aucune évaluation compétitive des camions proposés n'est prévue pour ce marché. L'enjeu pour notre armée est pourtant de taille, tant par son ampleur que par la place de ces futurs camions dans nos unités. Alors que de nombreux pays pratiquent cette évaluation pour choisir leurs équipements, la France va donc choisir un camion sans aucune expertise technique autre que documentaire. Il serait intéressant de confier les véhicules concernés à des entités désignées (STAT, Régiments,...) pour une durée déterminée avec un cahier des charges précis. Alors que l'expérience client est au coeur de la démarche commerciale, pourquoi se priver d'un retour des primo-utilisateurs, qui aurait le mérite de les impliquer dans le choix mais aussi de sélectionner le camion le plus adapté à leurs besoins. Aujourd'hui qui achète une voiture sans l'essayer ?
On attend donc l'ouverture de offres financières pour connaitre le vainqueur de ce marché, qui pourrait se voir attribuer la totalité des tranches selon le souhait initial des autorités françaises. Cette orientation pourrait cependant être assouplie pour permettre à plusieurs constructeurs de se voir attribuer une des tranches de ce marché qui devrait également permettre de renouveler nos porte chars. La première dont on connaitra l'attributaire est constituée de 1000 camions dont un volume estimé entre 10 et 30% devrait être équipé de cabines blindés. Ce marché représente un enjeu capital pour l'armée de terre, à l'heure où la logistique revient (à juste titre) au centre des préoccupations de l'état-major de l'armée de terre mais aussi dans le conflit ukrainien dont nous devons tirer les leçons pour se doter (enfin) de vecteurs logistiques modernes, capables de fournir un soutien devenu indispensable aux unités. Les paris sont ouverts !
L'homogénéité future du parc, c'était une thématique très à la mode chez les officiers il y a 15 ans et plus, mais plus personne n'en parle depuis, et pour cause, notre parc n'a jamais été aussi hétérogène.
RépondreSupprimerCe qui est normal quand on a pas ou peu de vison à long terme pour l'adt et qu'on achète constamment dans l'urgence.
Concernant les concurrents en lice, je n'ai aucun favoris.
Toujours aussi étonnant de constater que ces "marchés" éminemment régaliens, le cœur du régalien diront certains, de défense, ne soit préférentiellement dirigés vers des entreprises nationales, indépendance stratégique et opérative obligent en plus ? !!!
RépondreSupprimer(Puis européennes, si meilleures, puis enfin autres, si malheureusement rien en Europe...)
(Et encore à savoir qu'est ce qui est encore réellement français aussi : Si c'est construit en France, ce sera déjà une bonne chose.)
Pour le retard, il est devenu tellement habituel, "normal" (Tous les programmes de défense sont dans le même cas, c'est à dire qu'ils ont pris dix ou quinze ans de retard ; quand ce n'est pas vingt.), est ce encore utile de le faire remarqué en matière d'équipements militaires terrestres.
Les promesses seront-elles effectivement tenue, ça c'est une autre histoire ?
Sans revenir également sur le probléme de dimensionnement : 7000, alors qu'il en faudrait au moins le double, à minima, qui plus est pour un corps de projection extérieure.
Et enfin, "cerise sur le gâteau" (Le meilleure pour la fin.) : "Il est également intéressant de noter que, fidèle a une tradition française solidement établie, aucune évaluation compétitive des camions proposés n'est prévue pour ce marché."
"No comment", à ce stade d'amateurisme (Ou de je-m'en-foutisme ?) il vaut mieux encore ne rien dire, malheureusement. (Que fait la DGA et tout le reste, réellement ? ! ...)
Idem, "adaptés à nos besoins", vain espoir pour l'instant (Au lieu de faire du moins disant bête et méchant. Surtout bête car on finit toujours par payer même assez largement plus sur tous les plans, au final.).
On a vraiment besoin d'une vraie nouvelle politique d'équipements militaires dans ce pays. Urgemment même.
Une nouvelle politique tout court!
Supprimer"Il serait intéressant de confier les véhicules concernés à des entités désignées (STAT, Régiments,...) pour une durée déterminée avec un cahier des charges précis. Alors que l'expérience client est au coeur de la démarche commerciale, pourquoi se priver d'un retour des primo-utilisateurs, qui aurait le mérite de les impliquer dans le choix mais aussi de sélectionner le camion le plus adapté à leurs besoins. Aujourd'hui qui achète une voiture sans l'essayer ?"
RépondreSupprimerVous mettez le doigt sur un élément fondamental de l'état de notre armée de terre aujourd'hui. Sur tous les sujets : l'utilisateur final n'est pas pris en compte.
Pour moi, l'utilisateur = le gars qui va très concrètement combattre/vivre/dormir/manger/mourir dans son équipement (ici le camion).
Le capitaine, le commandant ou le lieut-co de la STAT, la SIMMT ou autre organisme dit "de terrain", n'a aucune expérience de ce qu'il se passe très concrètement "sur le terrain".
La dernière fois qu'ils ont utilisé tel ou tel équipement en conditions d'entraînements (CENTAC, etc.) ou en opération (OPEX, etc.) c'était pendant leurs 3 ou 4 années de commandement d'une section ou d'un peloton. Soit il y a au moins 10 ans voir plus.
Un élément complémentaire :
Il est, pour moi, évident qu'il faut "obliger" (dans la limite de l'état de santé - visite médicale) les ingénieurs, chefs de projets, essayeurs, commerciaux de la BITD d'être sous contrat de réserve opérationnel (et pas industrielle, ni citoyenne...) et d'effectuer au moins 35 jours sous les drapeaux tous les ans en régiment des forces.
Ce dispositif aurait pour effet immédiat la connaissance réelle de son client et de ce qu'ils souhaitent ou ce dont ils ont réellement besoin.
Le client (pour les armées) n'est pas la DGA ou tout autre organisme X étatique.
Le client, c'est le caporal, chef d'engin qui va combattre/vivre/dormir/manger/mourir dans son engin pendant le temps de son contrat (pendant plus de 5 ans ...).
Tant qu'on aura pas piger ça : on claquera des millions d'euros sur des engins/matériels qui ne satisferont pas.
C'est comme ça que l'on définit un "besoin" dans le civil ... On va pas demander au PDG mais au technicien ce dont il a besoin.
Vous pensez vraiment que dans le civil le patron demande à ses chauffeurs ce qu'ils souhaitent comme camion et qu'il va accéder à tous leurs souhaits ?
SupprimerLe client n'est pas le chauffeur mais le payeur c'est à dire le patron.
Vous pensez qu'on va demander à un ingénieur de bureau d'étude PL civil de travailler 35 jours par an comme chauffeur afin de connaitre leur besoin ?
Quand votre raison d'être est de rendre un service contre rémunération, oui effectivement les acheteurs ont leurs mots à dire.
SupprimerQuand votre raison d'être est de donner la mort (ou la recevoir) sur ordre, les logiques budgétaires et financières doivent pouvoir trouver des solutions pour véritablement chercher à répondre au besoin de l'utilisateur final.
"Il est également intéressant de noter que, fidèle a une tradition française solidement établie, aucune évaluation compétitive des camions proposés n'est prévue pour ce marché."
RépondreSupprimerNous coupons les virages. C'est dommage au regard de la taille des enjeux financiers, opérationnelles et de la durée de couverture d'emploi de ces équipements.
Renault Truck n'est pas dans la boucle?
RépondreSupprimerRenault produits des camions militaires sans Arquus, le catalogue est disponible sur le web
Reanult truck a gagné un gros contrat avec l'armée espagnole voir le papier de blablachars
penandreff