UNE SURPRISE PEUT ELLE EN CACHER UNE AUTRE ?

Alors que la nouvelle gouvernance de KNDS vient juste d'être annoncée, l'industrie de défense allemande est à nouveau sous les feux de l'actualité avec l'annonce d'une possible commande en provenance de Doha. Cette commande porterait sur des véhicules Boxer, des PzH 2000 et des Dingos, qui viendraient s'ajouter aux 62 chars Leopards 2A7 et 24 PzH 2000 déjà détenus par l'émirat et que l'on peut voir évoluer dans une récente vidéo de l'armée qatarie. Même si l'on ignore encore les modalités exactes de ce potentiel succès allemand, son annonce confirme le dynamisme des entreprises d'outre-Rhin pour imposer leurs produits. 

 

Le Lynx à Doha le 18 décembre 2018

On se souvient qu'un Lynx (probablement en route vers l'Australie) avait participé au défilé de la Fête Nationale qatarie le 18 décembre 2018, alors que le VBCI était toujours en lice pour équiper les forces terrestres locales, dont les équipements majeurs proviendraient aujourd'hui presque exclusivement équipées de matériels Rheinmetall et KMW. La crise diplomatique qui secoue le Golfe Persique depuis 2017 et le soutien de la France à Abu Dhabi peuvent expliquer en partie le revers subi dont les racines se trouvent certainement entre Ankara et Berlin. Le VBCI était hors jeu depuis longtemps, la victoire du Boxer va-t-elle également tuer les espoirs italiens, qui ont multiplié ces derniers temps les messages en direction de Doha ? Le Centauro 2 en 120mm qui n'a pas d'équivalent dans la gamme allemande pourrait néanmoins tirer son épingle du jeu si le Qatar souhaitait acquérir un Assault Gun de dernière génération capable d'épauler les futurs Boxer. Concernant ces engins, si on ignore le volume de cette potentielle commande, on ne connait pas non plus les versions qui pourraient être concernées et quelle tourelle pourrait être sélectionnée pour une version musclée. On se souvient que le projet d’acquisition du VBCI prévoyait  le montage d'une tourelle MCT Protector 30 développée par Kongsberg. 

VBCI équipé d'une tourelle KONGSBERG Protector MCT 30

Au delà de cette "surprise" qatarie, RheinMetall et KMW pourraient nous réserver d'autres surprises comme pourraient le laisser penser les propos tenus par le Chief Finance Officer de Rheinmetall lors de la présentation des résultats du 3ème trimestre, en novembre 2020. A une question posée par S. Growe de la CommerzBank sur le secteur de la Défense et les relations avec KMW H. Merch a indiqué que "concernant la question plus politique à propos de KMW, je dois déclarer ici qu'il n' y a rien de nouveau. Et aussi que nous avons tous à l'esprit qu'à la fin de cette année, quelque chose devrait ou pourrait arriver entre les parties impliquées mais c'est uniquement une histoire entre les deux partenaires, donc pour le moment pas de nouvelle". Visiblement peu satisfait de la réponse, le banquier a renouvelé son interrogation en insistant sur la situation de KMW et l'existence d'éventuelles échéances à la fin de l'année, H.Merch a expliqué que chaque contrat avait une marge de renégociation potentielle, mais que Rheinmetall n'était pas un des partenaires, et que ceci devrait être fait entre les "family tribes" et l'état français. La Tribune indiquait en avril 2019 que Rheinmetall espère racheter la participation de 50% détenue par la famille Bode-Wegmann dans KNDS et intégrer ses activités défense à KNDS, ce qui pourrait porter la participation allemande dans KNDS à 75%. En 2019, la Tribune indiquait que le PDG de RheinMetall était prêt à céder 24% de ses parts à la France pour garder 51% des actions de KNDS au profit de ses actionnaires dont Commerzbank, Bank of America, Agency Partners, BNP Paribas, Morgan Stanley et d'autres fonds de pension. Les réponses du CFO de Rheinmetall au cours de cette conférence constituent-elles des signaux faibles indiquant l'imminence de la réalisation de ce montage entre les deux sociétés allemandes ? 

 

Équipements allemands des forces terrestres qataries

Un tel montage ne manquerait pas d'avoir des conséquences sur les choix relatifs à la production et à l'exportation des futurs véhicules issus du programme franco-allemand. L'Allemagne donne l'impression de dérouler une stratégie parfaitement au point dans laquelle les intérêts français vont devoir faire l'objet d'une attention accrue sous peine d'abandon de nos capacités industrielles dans le domaine de l'armement terrestre.