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samedi 31 décembre 2022

UNE FIN D'ANNEE SOUS LE SIGNE DU BRADLEY

L'annonce de discussions entre Washington et Kiev autour d'un possible transfert vers l'Ukraine d'un nombre indéterminé de VCI (Véhicule de Combat d'Infanterie) Bradley anime cette fin d'année 2022. La mise à disposition de ce VCI permettrait aux forces ukrainiennes de disposer d'un engin plus puissant que ceux qu'elles actuellement. Au-delà de l'enthousiasme que cette annonce a suscité chez certains experts, voyant dans le VCI américain un "mini char" capable d'affronter, détruire tous les engins russes et de changer le cours de la guerre, cette opération suscite néanmoins quelques réflexions sur les différents aspects de ce transfert et sa possible influence sur le programme OMFV.

La première et certainement la plus déterminante est la question du soutien de ces engins ; même si l'armée américaine dispose d'installations techniques en Pologne la mise en place de pièces détachées ainsi que le maintien en condition des engins déployés devrait quand même nécessiter quelques "aménagements". La question des munitions demeure également essentielle, le Bradley étant armé d'un canon Bushmaster M242 en 25x137mm, qui est également celui du canon Oerlikon KBA. Ce calibre "occidental" n'est donc que peu ou pas utilisé sur le théâtre ukrainien, l'utilisation de Bradley nécessiterait donc l'établissement d'un flux logistique important pour alimenter un canon capable de tirer 100 à 200 coups par minute. Ce soutien devrait également inclure les missiles TOW dont l'engin est également armé, même si ces munitions sont plus répandues sur le théâtre ukrainien.

La seconde réflexion porte sur la version de l'engin que les États-Unis pourraient transférer à l'Ukraine. Selon plusieurs sources le M2A2 ODS (Operation Desert Storm) serait la version la plus proche des besoins ukrainiens. Cette déclinaison du M2A2 développée sur la base des enseignements de l'opération américaine de 1991 intègre plusieurs modifications parmi lesquelles un télémètre laser, un système de navigation tactique couplé à un GPS ainsi qu'un système de contre-mesures efficace contre les missiles antichars filoguidés. Doté d'une protection renforcée, le Bradley ODS embarque sept combattants, au lieu de six sur les versions précédentes ainsi que des missiles antichars Javelin. On ne sait si le système d'information et de commandement FBCB2 (Force XXI Battle Command Brigade and Below) dont les Bradley ODS sont équipés, sera conservé sur les engins transférés à l'Ukraine. 

Ce possible transfert comme pour la majorité des précédents, s'appuie naturellement sur l'existence d'un stock d'engins disponibles. Concernant le Bradley, le volume détenu par l'armée américaine serait voisin de 6000 engins, toutes version confondues. Depuis le début du conflit en Ukraine, les transferts les plus importants ont en effet été réalisés par des pays possédant des stocks importants, à l'instar des pays d'Europe centrale qui ont pu se séparer des nombreux chars et engins d'origine russe. A l'opposé la France, dépourvue de stocks conséquents a été obligée de prélever les matériels fournis à Kiev sur les dotations en service (LRU et Caesar), sur les contrats en cours (Caesar destinés au Danemark) ou de ne fournir qu'un nombre symbolique d'équipements en cours de retrait (P4, GBC et VAB). Cette relative indigence en matière de réserve de matériels et d'équipements doit interpeller nos décideurs, à l'heure où la haute intensité impose une épaisseur conséquente à nos armées, non pour répondre à des besoins étrangers mais pour compenser d'éventuelles pertes, ce que l'armée de terre est aujourd'hui quasiment incapable d'envisager. 

Enfin, ce possible transfert pourrait permettre à l'armée américaine d'augmenter les financements accordés au programme OMFV destinés à trouver le remplaçant du Bradley. L'envoi d'un nombre conséquent d'engins en Ukraine permettrait aux militaires américains de retirer un nombre important d'enseignements, réaffirmer l'utilité d'un VCI moderne sur le champ de bataille et in fine obtenir du Congrès un financement suffisant et garanti, en dépit des controverses existant au sujet de ce projet et de son coût. Le Bradley dont la version A4 commence à entrer en service au sein de l'armée américaine, qui a déjà fait ses preuves dans plusieurs engagements, pourrait une nouvelle fois démontrer son utilité face à des engins, contre lesquels il fut conçu en plein cœur de la guerre froide.

18 commentaires:

  1. Ce qui est factuel c'est sa meilleure protection face aux BMP et BTR. Tout dépendra de la version donnée M2 ou M3 et la qualification des servants pour ne pas mettre en avant ses dimensions. Il faudra un certain délais pour le voir opérationnel, si cela se confirme.
    Effectivement, quid du support et de l'emploi: Manoeuvre ou bunker roulant?
    De même, vider les stocks permet d'en produire d'autres, surtout aux USA... Le M1 n'est pas loin pour faire la paire. :)
    Wait and see...!

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    1. Le bradley, un résumé des délires du complexe militaro-industriel américain...
      https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/la-guerre-comme-idiotie-2-l-149350

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    2. Tiens, un article qui critique les familles de blindés, intéressant (il n'a rien compris)

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  2. Les stocks prépositionnés en Europe suffiraient:
    https://lignesdedefense.blogs.ouest-france.fr/archive/2022/12/30/des-bradley-pour-l-ukraine-23566.html

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  3. Il faut revenir à une production de matériels "employables", "utiles", au juste niveau technique (du moment.), moins couteux (y compris en MCO.), et pouvant donc être construit en nombre suffisant (en plus grandes séries cela permet encore de réduire les coûts. Qui plus est, comme on pourrait certainement en revendre également en nombre à nouveau signifiant, à l'export, aussi.), et pouvant ainsi être remplacés à un rythme raisonné là aussi :
    Au bout d'une vingtaine d'années, avant que leur MCO n'explose.
    Les équipements remplacés pouvant ainsi, comme autrefois, constituer une réserve, utile, et employable (ou être revendus en partie, en secondes mains.).

    On aurait ainsi une armée bien plus moderne globalement que celle actuelle, avec ses matériels quadragénaires en grande majorité, et quelques échantillons de luxe trop couteux, et trop rares, et avec de vraies réserves d'équipements en plus.
    C'est toute notre politique d'équipement qui doit aujourd'hui être complètement revue, sur le fond surtout et une raison d'être retrouvée...
    Espérons que les événements d'Ukraine soient au moins l'occasion d'impulser enfin un début de prise en compte, capable de faire bouger les choses, en profondeur ?

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  4. La Russie a choisi La Guerre pour tenter d'arriver à ses fins géopolitique en Europe et cela risque de durer pour de longues années à venir, il faut donc que l'Otan ce renforce ; faut il que chaque pays essaye de produire ses propres engins? ou faut il que l'Otan choisisse un modèle qui sera commun à toutes les armés?? , les USA ont un type de char un type de VCI etc, en Europe par exemple pour les 8 X8 nous avons: le VBCI, le Boxer, le Patria, le piranha, le pandur, le freccia, etc
    pour avoir de la masse l'Europe vas devoir concentrer ses moyens

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    1. Le Pandur est en 6x6, le VBCI et le Freccia sont des "produits locaux" donc en gros, il reste les versions du Piranha qui ont été produites à 11000 exemplaires et les Boxer et Patria qui ont décrochés plusieurs marchés exports.

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    2. "Faut il que l'Otan choisisse un modèle qui sera commun à toutes les armés??" :
      Par exemple, que les américains ("l'OTAN"... ça sert justement essentiellement à cela.), choisissent ... Un char, un VCI, et etcetera... Américains...
      Au contraire toutes les principales nations européennes (France, Allemagne, GB, voire Italie, et même en partie aussi Espagne.), à partir du moment où elle en ont les moyens, qu'elles le décident, et qu'elles en ont encore la volonté politique et stratégique surtout, ont le droit (notamment historique.), comme la Corée du sud ou même la Suède (et d'autres encore, Israël et bien d'autres, de plus en plus, au contraire encore.), et même le devoir, d'avoir les moyens, l'autonomie et l'indépendance stratégique, pour se défendre, et une BITD la plus complète possible pour cela.

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    3. Imaginez la déflagration politique et stratégique, par exemple dans un cas où la France ait à intervenir quelque part et qu'elle l'est souverainement décidé, et que les allemands (par exemple, du fusil jusqu'au "MGCS" bientôt.) (ou d'autres bien évidemment.), y soient opposés ...

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    4. La France peut entrer dans un conflit pour protéger son territoire, en cas d'agression ou pour protéger ses intérêts, ses Accords de Défense et ses ressortissants. L'Afrique en est la démonstration avec la bénédiction des USA.
      Que ferait l'Allemagne (Et le Directeur de l'OTAN..., c'est à dire les USA?) en cas d'agression de la Grèce par la Turquie, alors que nous sommes liés par un Accord bilatéral de Défense avec la Grèce? C'est une hypothèse très haute. Le Bundestag en tremble d'avance !

      Mais bien des paramètres demeurent: le niveau d'engagement, la durée, les Accords de Défense, l'UE et l'OTAN.
      Rassurez-vous, il y a un élément régulateur: les USA... :)
      L'Allemagne et sa politique industrielle ont pour objet de "maîtriser" ses clients, faute d'avoir les moyens politiques, armés et diplomatiques pour une intervention extérieure à son sol. Sa "présence" militaire a été édifiante dans les derniers conflits...
      Oui, un enbargo commercial est toujours possible, y compris en gênant sa propre industrie au profit de sa concurrence. Les clients concernés ont apprécié.
      Inénarrable...!

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    5. La Belgique y enverrait bien ses Lynx, plutôt que de les ferrailler:
      https://defencebelgium.com/2022/11/11/la-belgique-pourrait-envisager-denvoyer-des-vehicules-lynx-a-lukraine/

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  5. Les notions de "durable", "utilisable" et "employable" sont intéressantes même si elles se heurtent aux intérêts des complexes militaro-industriels et ses effets de modes intéressés. Les Bureaux d'Études et la DGA ont aussi leurs habitudes. :)
    Un engin flexible ou générique pouvant assumer une certaine évolutivitė, à coût maîtrisé, est attirant. Son architecture doit en tenir compte avec de nombreux renforts et points de fixations avec une "câblerie", une propultion, des blindages et un armement évolutifs. L'usage de l'énergie sera un point important demain (Ressources, stocks, usage et empreinte thermique).
    L'inconvénient, rien n'est parfait, est d'obtenir un objet de base plus lourd pour répondre aux modifications , vieillissement, à la fatigue des matériaux tout en ayant une souplesse conceptuelle. Bien sûr, il est toujours possible de "cloner" par génération (10 -20 ans) un modèle de base jetable en l'améliorant et en tenant compte des REX. Point n'est besoin de réinventer l'eau chaude... à condition que l'engin de base soit bien né.
    La genèse du Sherman a commencé sur les plaines de Belgique et a il fini sa carrière au proche-orient dans les sables et cailloux.
    Pour autant, aujourd'hui, l'évolution des emplois tactiques et de la technique est telle que l'avenir est difficilement prévisible mais les fondamentaux demeurent en se complétant.
    Entre un jetable optimisé et un durable "flexico-évolutif" la marge est grande en y associant le degré de sophistication/coût souhaité.
    Souvent un blindé demeure et évolue par manque de moyen pour le remplacer et/ou parce qu'il domine son temps.
    C'est une histoire de choix et de compromis, sans doute... Ce n'est pas une raison pour opposer les deux formules, chacune ayant ses intérêts en matière d'emploi et de moyen.

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    1. Au sujet du véhicule flexible et évolutif, les Allemands quoi qu'on en pense, nous ont devancé avec le Boxer dont la caisse arrière est amovible, ce qui permet des déclinaisons variées, don la plus remarquable est a ce jour, le RH 155.

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    2. Lire RCH 155, dont la production pour l Ukraine aurait commencé, selon Army recognition.

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    3. Ni l'un, ni l'autre.
      Ni jetable (au bout de vingt ans !! Puis mis en réserve.), ni flexible (a base de retrofit ! ?).
      Mais au contraire des engions renouvelés complètement : Motorisation, électronique, armements, et, bien évidemment blindages (tout cela évolue constamment, à raison d'environ à minima 50 ¨% de performances en plus tous les vingt ans pour les blindages (plus légers, plus efficaces.) et l'armement (plus puissant, plus performent, dans de nombreuses caractéristiques. Les munitions également.).
      Je faisais par ailleurs référence au "concept" de char "employable" de Chasillian ; et "utilisable" par rapport au MCO ingérable actuel de nos bijoux de luxe.

      Néanmoins une certaine évolutivité conçue et prévue (blindage démontable et remplaçable par exemple.), et anticipée, de base, n'est pas à rejeter, bien au contraire.
      C'est par exemple le CV90, conçu dans les années 90 (comme évolutif) et avec des productions actualisées qui sont toujours dans le top des VCI moyens, mi lourd (avec la dernière version de l'Armardillo, avec blindage renforcés; 35 tonnes, 40 avec tourelle.), et prévu pour être décliné d'emblée à sa conception, en différentes versions (VCI, antiaérien, antichar avec canon de 120mm, mortiers sous tourelle, PC, VOA, dépannage, etc...) aussi également, évidemment.

      PS : La DGA a pris en effet de très mauvaises habitudes, depuis vingt, trente ans, en cédant notamment complètement au fausse sirènes du technlogisme à outrance. On en voit le résultat aujourd'hui, avec nos armées échantillonnaires...

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  6. Bonjour,
    De ce que j'ai compris le M2 devais opéré avec le M1 abrams, mais j'ai pas l'impression que de possibles livraisons de m1 soient envisagée ce que j'ai du mal a comprendre surtout vu les stock US. De plus j'ai cru comprendre que le léopard 2 serait privilégié malgré les réticences allemandes or la corée du sud dispose d'une industrie qui pourrais produire des K1 en masse donc pourquoi ne pas envisagé le K1 ou le M1?
    Merci de vos réponses

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    1. Il n'y aura, très probablement maintenant, aucune livraison de chars lourds occidentaux à l'Ukraine. Leur livraison signifierait un symbole politique trop important !!
      Ceux-ci servent d'ailleurs à remplacer les anciens T72 envoyés là-bas par certains pays (Pologne, Tchéquie, etc, par du Léopard2 surtout d'ailleurs (ils sont malins, ces allemands !!! Une très petite compensation cependant !).).

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    2. On ferait bien d'y penser aussi, en terme de symbole Politique, et stratégique, pour le MGCS...

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