CA BOUGE EN ASIE !

Le continent asiatique fort éloigné de l'attention médiatique est le théâtre d'un regain de tensions régionales alimentées par des conflits régionaux et frontaliers et les ambitions de certains états de la région dont la plus évidente reste celle manifestée par Pékin à l'encontre de Taïwan. La traduction militaire de ces crises voit la mise en oeuvre de matériels blindés de différente génération, motivant les pays de la région à moderniser leur flotte blindée, qui font appel pour cela aux fournisseurs traditionnels mais aussi à des sources d'approvisionnement moins habituelles. Comme l'Europe ou encore l'Afrique, le continent asiatique accorde une place essentielle aux engins blindés, encore considérés comme indispensables dans la conduite des opérations.  

La récente résurgence du conflit frontalier opposant le Cambodge à la Thaïlande a permis de voir de nombreux équipements blindés. Côté thaïlandais des chars M41 A3 Walker Bulldog datant des années 1950 et pourtant officiellement retirés du service en 2022. A côté de ces engins armés d'un canon de 76mm, la Royal Thaï Army (RTA) a également mis en oeuvre des T-84 BM Oplot-T acquis auprès de l'Ukraine en 2011 et dont seulement 49 exemplaires ont été livrés à Bangkok en 2018. Les chars thaïlandais sont utilisés par le "Royal Thai Army 11Th Special Task Force" ont été vus au cours d'un engagement contre des T-55 cambodgiens. Autre engin visible dans ce conflit, des FV101 Scorpion d'origine britannique, dont le gabarit réduit permet son emploi dans les zones de jungle existantes. Autre engin quasi-unique observé dans ce conflit, le Stingray américain dont la Thaïlande possède depuis les années 1990 une centaine d'exemplaires. Plus moderne, le VT-4 chinois dont la Bangkok a acquis une quarantaine d'exemplaires a également été engagé par l'armée thaïlandaise. En dépit de leur "modernité", certains de ces engins auraient connu des problèmes techniques durant cet engagement et au moins deux de ces chars aurait vu leur canon exploser. Il est difficile d'expliquer avec précision l'origine de ces défaillances, même si un incident similaire avait déjà été observé sur des canons chinois de 105mm au cours de leur évaluation par l'armée argentine pour la modernisation des TAM2C. Si le premier incident pourrait avoir pour origine l'impact d'un projectile antichar, le second pourrait être du à une erreur humaine (tube obstrué au moment du tir), à une faiblesse structurelle du tube, ou au tir d'une munition inadaptée. 

VT-4 thaïlandais 

VT-4 thaïlandais privé de son canon 

  

VT-4 thaïlandais à canon court ! 

Canon chinois de 105mm sur un TAM2C 

Au rayon des VCI (Véhicules de Combat d'Infanterie), la Thaïlande a déployé de nombreux matériels d'origine américaine comme des M113, des M 1126 Stryker ou encore des AAVP 7A1 aux côtés de BTR3-E1 ukrainiens et de VN-1C chinois. Ces deux derniers engins sont armés d'un canon de 30mm et de lanceurs pour missiles antichars, Barrier pour le BTR3-E1 et HJ73 pour le VN-1C. Le missile chinois est également utilisé par les deux armées dans sa version terrestre, l'armée thaïlandaise utilisant également des BGM-71 TOW (Tracked Optically Wire guided missile) américains. Enfin les deux armées ont également employés des lance-roquettes multiples de différents modèles allant du BM-21 Grad d'origine russe au RM-70 tchèque de 122 mm en passant par le SR4 chinois utilisé par la Thaïlande avec des roquettes de 122mm DTI-2 de fabrication locale. 

M 113 thaïlandais

 

M BTR3-E1 thaïlandais

Ce conflit n'est pas la seule manifestation des tensions qui agitent cette partie du monde. Le sous-continent indien déjà théâtre de l'affrontement larvé entre la Chine et l'Inde dans la région du Ladakh, voit une partie des pays le composant intensifier leurs efforts de modernisation de leurs forces terrestres. parmi ces pays, on peut citer le Bangladesh qui a reçu récemment des chars chinois VT-4A1 dans leur dernière version. Cette nouvelle déclinaison du VT-4A1 que l'on a pu découvrir en septembre au Zuhaï Air Show intègre un certain nombre de nouveaux équipements. Dans cette configuration, le char chinois peut désormais mettre en oeuvre deux drones de reconnaissance à rotors contrarotatifs permettant d'améliorer la connaissance de la situation tactique dans l'environnement de l'engin. Cette acquisition n'est pas la seule démarche entreprise par Dacca pour sa composante blindée, la firme pakistanaise HIT (Heavy Industries Taxila) a proposé en novembre dernier de moderniser les chars d'origine chinoise Type 59 et Type 69IIG en service dans l'armée bangladeshi. Islamabad avait également proposé le char Haider, développé à partir du VT-4 chinois, dont le Pakistan aurait commandé en mars 2023 plus de 650 exemplaires qui s'ajoutent aux engins déjà en service. Le Bangladesh regarde également du côté d'Ankara pour moderniser sa flotte de VCI (Véhicules de Combat d'Infanterie). Dacca envisage en effet d'acquérir 2000 Arma 8x8 développés par Otokar, qui pourraient être produits dans une nouvelle usine implantée dans le pays. Cette implantation permettrait à la firme turque de disposer d'une ligne de production capable d'approvisionner les marchés du sud-est asiatique. Ces pays sont les outils de la rivalité qui oppose depuis de longues années les deux géants de la région que sont l'Inde et la Chine avec la mise se service annoncée de nouveaux matériels comme le Zorawar côté indien ou le Type 99B en Chine.

A l'instar de nombreuses régions, l'Asie est également secouée par des conflits régionaux, dans lesquels le char tient une place prépondérante malgré l'existence de zones dites peu favorables à son emploi selon les critères édictés en Europe. En dépit de son caractère essentiellement maritime, l'Asie du Sud-est montre un intérêt croissant pour les engins blindés et le char en particulier. Pour les pays impliqués, ce dernier reste un symbole de la puissance terrestre et un outil irremplaçable dans la conduite des opérations. De nombreux industriels comme John Cockerill Defense dont une version dérivée de la 3105 équipe le Zorawar ou encore Otokar qui affiche de fortes ambitions dans la région, ne s'y sont d'ailleurs pas trompés, tout comme les industriels américains comme en témoignent les récentes livraisons à Taïwan.