14 JUILLET : OU SONT PASSES LES BLINDES ?

Il pleut sur Paris, le ciel bas et gris n'empêche cependant pas le public de se presser aux différents points de contrôle pour accéder à l'avenue des Champs-Élysées en vue d'assister au traditionnel défilé du 14 juillet. Après une édition 2020 tronquée pour cause de pandémie, les 4404 hommes et femmes défilant à pied ont mis toute leur ardeur à se présenter de façon impeccable et à illustrer l'adage selon laquelle une troupe qui défile bien est une troupe qui se bat bien ! Une timide éclaircie accompagne le passage de la Légion Étrangère représentée cette année par le 1er Régiment Étranger de Cavalerie qui clôture le défilé des troupes à pied ouvert par le détachement de la Task Force Takuba. 

La partie motorisée du défilé, aussi impeccable que celle des troupes à pied, regroupe 221 engins divers et variés allant de la moto au camion de pompier en passant par le camion ravitailleur Carapace. Parmi les différents éléments présentés par l'armée de terre, le module "combat de contact" se compose de 14 Griffon, de 14 VBCI et de 9AMX10 RCR. La composition du module "feux dans la profondeur" affiche une composition échantillonnaire avec 3 canons Caesar, 3 mortiers de 120mm tractés, 3 pièces Mistral sur VLRA et 3 pièces LRU (Lance Roquettes unitaire). Il faut attendre le module logistique pour découvrir l'unique Leclerc participant au défilé, embarqué sur un TRM 700-100, qui ne peut cacher ses presque 30 ans de service en dépit de son lifting brun terre de France, également offert à l'ensemble des engins présents ce jour ! La composante blindée était donc représentée par 9 AMX 10RC, mis en service il y a plus de 40 ans dont les modernisations successives ont consister à ajouter du blindage à défaut de tout autre système de protection. L'Infanterie présentait bien évidemment les premiers Griffon, dont 11 d'entre eux étaient en version camion car dépourvus de tourelleau Hornet ou du moindre armement de bord ! Les Griffon présentés étaient dépourvus du surblindage mis en place sur les engins en partance pour l'opération Barkhane. Les 14 VBCI avaient quant à eux la redoutable mission de présenter l'arme de bord la plus puissante de l'infanterie, à savoir le canon de 25mm. Calibre qui pourrait s'avérer très vite insuffisant face aux efforts de certains pour doter leurs engins d'armement plus puissants auxquels pourrait répondre le cousin grec du VBCI baptisé Philoctète. Dévoilé par Nexter à Athènes, cet engin est armé d'un canon CTA de 40mm et de 2 missiles MMP donnant à l'engin des capacités d'appui intéressantes pour les unités d'infanterie. Pour l'artillerie, le maitre mot était exposition maximale des servants pour le Caesar, le mortier de 120mm et des pièces Mistral, montés sur des véhicules dépourvus du moindre blindage alors que de nombreuses armées et factions se dotent de munitions rôdeuses. Seul le LRU, héritier du LRM et de son châssis blindé peut garantir à son équipage une protection digne de ce nom. Au rayon des absents on trouve le Génie, dont le seul représentant a défilé à pied sans que le moindre engin d'organisation du terrain ou de franchissement ne descende les Champs-Élysées. La lutte anti drone était également absente de ce défilé comme elle est absente sur le terrain en dépit de la créativité de la STAT (Section Technique de l'Armée de Terre) pour développer un système à partir d'éléments déjà en service et des avancées technologiques .

Alors que la haute intensité s'impose comme la ligne directrice de la pensée militaire et la nécessaire estampille du moindre exercice, les éléments de l'armée de terre que nous avons vus défiler étaient plutôt ceux d'une armée de corps expéditionnaire (dixit le CEMA) dont l'adaptation à la haute intensité nécessitera un effort budgétaire et technique. A moins que la composition de ces différents modules ne soit le résultat d'une disponibilité en berne, de limites de potentiel pour des engins usés jusqu'à la corde ou ne traduise la volonté de présenter ces matériels comme ceux capables de "gagner l'avenir". Tous ceux qui affirment que l'armée de terre est prête pour la haute intensité doivent être convaincus qu'il n'y aura pas de haute intensité sans matériels et engins adaptés. Le virage technologique à prendre constitue une véritable révolution idéologique et doit permettre de se débarrasser des dogmes qui président depuis trente ans à la conception et à l'emploi des moyens. Il s'agit de doter nos forces d'engins blindés capables d'amener le combattant sur son objectif en s'affranchissant des obstacles. Ces engins seront protégés par des blindages innovants et surtout des systèmes actifs intégrant une large panoplie de senseurs et des contremesures adaptées aux menaces. L'armement de ces engins sera puissant car devant percer des blindages de plus en plus lourds et efficaces mais devra également être doté d'une grande cadence de tir pour engager les éventuelles munitions rôdeuses ayant échappé aux contremesures. Enfin ces engins pourront mettre en œuvre des systèmes téléopérés capables d'agir dans des zones dangereuses, comme équipiers ou pour offrir des vues au-delà de l'horizon aux équipages des engins. La "dégradation continue de l'ordre du monde" (Général Lecointre) et ses possibles manifestations imposent de donner à nos forces avant la fin de la décennie, les moyens de combattre les éventuels partisans de cette dégradation, quelque soit leur niveau d'équipement.