LE JOUR DU LEOPARD !

Après un très long suspense et de nombreux rebondissements, le Chancelier Scholtz aurait finalement décidé de livrer des chars Leopard 2 à l'Ukraine et d'accorder aux pays tiers les autorisations de réexportation tant attendues. Selon plusieurs médias allemands, cette décision devrait être annoncée demain midi lors d'une intervention du Chancelier devant le Bundestag. La quantité de chars livrés devrait celle déjà retenue par différents pays, à savoir 14 chars soit le volume d'une unité élémentaire, une compagnie. Cette décision fait suite à une journée pleine de rebondissements autour d'une décision allemande pour autoriser la transfert de chars Leopard 2 à l'Ukraine. Les différentes initiatives de fourniture de chars à l'Ukraine devraient se concrétiser par le transfert de 14 Leo2 allemands, 14 Leo2 polonais, 8 Leo 2 norvégiens et entre 30 et 50 Abrams américains.  

La journée a commencé par une mise au point du porte parole du gouvernement allemand qui a démenti les propos d'Annalena Baerbock en précisant que cette décision devait être discutée au sein du Conseil de Sécurité allemand. Dans le même temps la Pologne a annoncé avoir formulé  une demande officielle pour la réexportation de ses Leopard 2 vers l'Ukraine, tandis que l'Allemagne annonçait son souhait d'autoriser les pays utilisateurs de Leopard à débuter l’entraînement des équipages ukrainiens. La journée s'est poursuivie avec l'interpellation de la ministre allemande des Affaires Étrangères au sein du Conseil de l'Europe par un élu ukrainien sur le sujet qui lui a rappelé qu" ...aujourd'hui, la paix et la justice ont un nom : Leopard !". Pour clôturer cette journée déjà longue, on a appris que les États-Unis envisageaient de fournir un "nombre significatif" de M1 à l'Ukraine, condition posée il y a quelques jours par le Chancelier allemand à l'éventuel transfert de Leopard 2 en Pologne. Rheinmetall, plus concerné que jamais par le dossier indiquait dans un communiqué qu'il pourrait livrer 139 chars Leopard à l'Ukraine si cela était demandé. Déclaration qui intervient moins d'une semaine après celle du CEO de la firme de Düsseldorf dans laquelle il affirmait que les 110 chars détenus par sa compagnie ne seraient pas disponibles avant 2024. Mis sous pression par les différents événements de la journée et de longues semaines d'hésitations, le Chancelier Scholtz aurait donc choisi d'autoriser le transfert de 14 chars Leopard 2A6, vraisemblablement prélevés sur la ressource de l'armée allemande. 

Bien que prise sous une intense pression diplomatique, médiatique et politique, cette décision constitue certainement un moindre mal pour le Chancelier enfermé depuis plusieurs jours dans un véritable piège. Sur le plan politique cette décision permettrait de sauver les apparences en accordant à l'Allemagne le rôle de premier pays à donner des chars Leopard à l'Ukraine. En fournissant ces chars, le Chancelier répond aux demandes de Kiev et satisfait les requêtes formulées par de nombreuses chancelleries. En choisissant des des chars issus de la Bundeswehr et d'un standard supérieur à ceux envisagés par les autres pays, le Chancelier réaffirme le leadership de l'Allemagne sur le Leopard, devenu un véritable symbole de victoire ! Cette "pôle position" dans la course à la fourniture de Leopard2 permet à Berlin d'autoriser dans la foulée la réexportation de chars par des pays tiers, après la décision allemande et avec des chars de standard moindre. Sur le plan de politique intérieure, le Chancelier préserve sa coalition gouvernementale, qu'un refus prolongé aurait très probablement mis à mal en donnant satisfaction aux défenseurs d'un soutien plus actif à l'Ukraine. 

Si les conséquences politiques de cette décision peuvent être considérées comme relativement positives pour le Chancelier Scholtz, il en va autrement sur le plan militaire. En termes d'effets obtenus, il est évident que si ces premiers engins ne sont pas rapidement rejoints par d'autres, ils constitueront à leur arrivée en Ukraine un nouvel échantillon de chars fourni à l'Ukraine qui cohabitera alors avec l'échantillon britannique formé par les  Challengers 2 et ceux provenant d'autres pays. Pour la Bundeswehr, cette décision est évidemment une mauvaise nouvelle, car le Leopard 2A6 constitue l'ossature des unités blindées de l'armée allemande déjà affectées par la faible DTO de cet engin dont seulement 212 exemplaires seraient disponibles sur un total de 320. Le choix de la version A6 du Leopard2 demeure cependant cohérent, car cette déclinaison est armée d'un canon plus long (55 calibres au lieu de 44 sur les version précédentes) et dotée d'une protection améliorée qui pourraient éviter de revoir les images des Leopard 2A4 trucs détruits en Syrie. Celles-ci ayant largement entamé la réputation d'invincibilité du char allemand, alors considéré par beaucoup comme le meilleur char du monde. Ces considérations ont probablement guidé ce choix mais il est impossible de connaître le degré d'implication des militaires allemandes dans l'élaboration de cette décision. Sur le plan industriel, cette décision permettrait de donner du temps aux firmes concernées (Rheinmetall) pour entreprendre la remise à niveau d'autres chars, dont le transfert à l'Ukraine pourrait être décidé ultérieurement. Il est désormais temps de planifier les actions de formation indispensables à la maîtrise du char par les équipages ukrainiens et mettre en place la chaine logistique indispensable à l'engagement de ces engins et à leur maintien en condition. Les délais nécessaires à la mise en œuvre de ces actions ne devraient pas permettre de voir ces chars sur le théâtre ukrainien avant plusieurs mois. 

Plus que la décision dont on ne connaît pas encore toutes les modalités, les hésitations de Berlin devraient peser longtemps sur les futures exportations d'armement allemandes, au moment où l'Allemagne envisage de déposer un projet de règlement européen visant à limiter les exportations dans ce domaine. Avec plus de 2500 chars produits et devant être modernisés et/ou remplacés dans les années à venir, l'enjeu est réel pour les industriels concernés qui vont devoir "batailler ferme" pour regagner la confiance des futurs utilisateurs. Les concurrents comme le K2 sud-coréen ou le M1 américain pourraient profiter de l'occasion pour ravir des parts de marché conséquentes, sans oublier l'Altay turc qui pourrait s'imposer au Moyen Orient une fois ses problèmes résolus.