Pages

vendredi 1 octobre 2021

UN ACCORD QUI SUSCITE DES INTERROGATIONS

C'est un communiqué publié par les firmes Milrem et Otokar qui a annoncé la signature d'un accord de coopération entre les deux sociétés pour la fusion de leurs ressources et de leurs savoir-faire dans le domaine des engins militaires terrestres téléopérés ou robotisés. Cette accord signé à l'occasion du salon DSEI à Londres prévoit de faire travailler les deux sociétés sur les flottes d'engins existants et le développement de nouveaux systèmes terrestres dotés de fonctions intelligentes, de solutions de cryptage et de sécurité et d'appréhension de l'environnement. Le CEO de Milrem estime que la combinaison des savoir-faire des deux sociétés leur permettra de fournir de nouvelles capacités dans le domaine des engins téléopérés. Pour Otokar, cette coopération fournit à la société l'opportunité de développer une gamme de véhicules téléopérés qui viendra s'ajouter à la gamme de véhicules existants.

Au-delà des traditionnelles déclarations d'intentions propres à ce type d'événement, on peut s'interroger sur l'étendue de ce partenariat  et sur la nature des partenaires. 

L'accord signé à Londres le mois dernier semble poser les bases d'une réelle mise en commun des ressources et des savoir faire des deux sociétés. Au-delà du simple accord de coopération technique ponctuelle, ce partenariat permet aux deux sociétés d'acquérir une dimension qu'elle ne possède pas. Pour Milrem l'accord avec Otokar permet à la firme estonienne de bénéficier des apports techniques d'un industriel possédant un savoir faire complet dans le domaine des véhicules de combat, ce que ne peut offrir un équipementier comme un fabricant de tourelles. En outre, les capacités d'industrialisation et le dynamisme commercial de la firme turque ne peuvent que renforcer l'attractivité et les possibilités de succès des engins estoniens sur les marchés export. Pour Otokar qui doit affronter une concurrence interne et externe, l'accord signé avec Milrem lui permet de bénéficier d'une avance technologique dans un domaine d'avenir dans lequel la Turquie semble décidée à investir. Cet accord de fusion des ressources et des savoir faire est aussi ambitieux qu'utile aux deux sociétés signataires pour leur développement futur et la conquête de nouveaux marchés.

La sociétés estonienne qui fait figure de pionnière dans le domaine des engins téléopérés a régulièrement accueilli sur ses différents engins des équipements et armements différents comme la CPWS 25 Gen 2 de John Cockerill Defense ou le tourelleau Hornet présenté sur un engin MILREM à DSEI. Plusieurs armées européennes ont déjà effectué des évaluations des produits Milrem, un engin THeMis (Tracked Hybrid Modular Infantry System) a été expérimenté pendant un an par les éléments estoniens engagés dans l'opération Barkhane. La dernière coopération en date avant l'accord signé à Londres avait été établie avec Kongsberg pour le développement d'un nouveau véhicule de combat robotisé. Baptisé Nordic Robotic Wingman cet engin, développé à partir du Type X, intègre un canon d'un calibre pouvant aller jusqu'à 50mm, de missiles antichars et d'un drone connectée. Conscient du potentiel de cette société, la firme allemande Krauss Maffei Wegmann associée à Nexter dans le groupe KNDS a acquis au printemps dernier une participation de 24,9% dans le capitale de Milrem. 

Tourelleau HORNET sur UGV THeMis

 

En Turquie, la société Otokar est un des acteurs les plus importants du secteur de la défense terrestre. Initiateur du projet de char Altay avant d'en être dépossédé par BMC, Otokar a développé depuis quarante ans une gamme complète de véhicules de combat à dont les plus connus sont le Cobra II, l'Akrep II ou l'Arma II dans le segment des véhicules à roues et le Tulpar pour le VCI chenillés. Otokar équipe ses engins de tourelles développées en son sein dont certains modèles sont déjà proposés en version téléopérée. Confronté au Shadow Rider de FNSS et à Katmerciler dans le domaine des véhicules terrestres téléopérés et possédant de nombreux savoir faire dans le domaine des véhicules habités, la firme turque pourrait profiter de cet accord pour acquérir de nouvelles compétences dans le domaine des engins téléopérés et devenir le leader turc sur ce marché, répondant ainsi aux ambitions militaires et commerciales d'Ankara. 

 

 

Comme l'opération menée par KMW au printemps dernier, le rapprochement entre Milrem et Otokar s'effectue dans un silence médiatique impressionnant alors que se dessine sous nos yeux le futur paysage européens (et extra-européen) des futurs véhicules terrestres téléopérés. La Turquie avec laquelle l'Europe entretient des relations compliquées, pourrait-elle s'inviter par le biais de cette alliance dans le projet européen d'architecture unique des engins militaires téléopérés, pour lequel la firme estonienne a reçu en 2020 un financement de 40 millions de dollars par la Commission européenne. L'industrie d'armement française possède dans ce domaine des compétences avérées qu'elle doit préserver et développer sous peine de se voir mise hors jeu comme elle l'est déjà dans le domaine des blindés chenillés habités.

10 commentaires:

  1. beaucoup d'armées ont essayées les UGV de MILREM, mais a ce jour cela n'a débouché sur aucune commande sauf erreur de ma part.
    MILREM ne fabrique que les véhicules, si le THEMIS avait une architecture innovante pour l'époque, il y a sur le marché plein de fabricant de Véhicule téléopérés.
    en France certains AMX30 du génie sont télécommandés depuis des années et un model plus petit est en cour de fabrication pour le génie Français.
    il y a donc en France la possibilité de fournir ce genre d'équipement , le vrai savoir faire est dans la reconnaissance des formes et des algorithmes d'intelligence artificiel, les robots autonomes armées existes et sont opérationnels dans certains pays (la Corée du sud, Israël)
    si le besoin est claire en ouverture d'itinéraire (génie, déminage) ou en surveillance de frontières et autre périmètres leurs utilisation au combat n'a pas l'air de faire l'unammité

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Entièrement d'accord avec vous sur l'ensemble de vos propos, mais qui ne doit pas nous empêcher de nous interroger sur cet accord.

      Supprimer
    2. Leurs utilisations au combat est à leurre, déjà que même la surveillance de frontière peut poser problème, l'ouverture, de certains itinéraires, reste une option valable. Mais cela existe depuis un certain temps déjà.
      On est là dans une cas typique de croyance en la toute puissance de la seule technologie, bien dans l'esprit de notre temps.
      Il faudra un jour ce rappeler qu'elle n'est qu'un outil, au service de l'homme.
      Une mode, une lubie, qui viendra certainement très rapidement encore se confronter et se heurter au réel, celui des coûts en particulier.
      Ou même en matière tactique et stratégique, à celle de l'inventivité et de la créativité adaptative des hommes, de ceux qui les ont conçu...
      Ceci tout particulièrement en matière de système robotisé, (plus ou moins) autonomes (assujettis à un programme.).
      Quant aux systèmes "téléopérés", ou tout simplement télécommandés (!!!), cela existe depuis la seconde guerre mondiale...

      Supprimer
    3. Et en plus, un bon système de brouillage viendra très rapidement mettre hors de combat et hors de service, tous, ces couteux joujoux.

      Supprimer
    4. Les robots téléopérés ont été intensément utilisés par Tsahal ces dix dernières années mais toujours dans des usages de niche afin d'éviter les pertes, notamment dans la reconnaissance des tunnels et souterrains.
      On les a très peu vus en Syrak, même si les Russes ont réalisé pas mal d'expérimentations souvent pas très concluantes.

      Supprimer
  2. Décidément ,l'Allemagne est entiché de la Turquie!
    Elle rentre de 25% au capital et de suite un nouveau deal avec les Turcs!
    N'y a t'il pas un droit de regard de l'Europe sur cette possibilité de transfert de technologie de pointe, hors Europe?

    RépondreSupprimer
  3. Ronin, je ne suis pas d'accord avec vous : Regardez l'utilisation des drones, drones de combat et munitions rodeuses par la turquie et l'azerbaidjan contre l'arménie. Il ne s'agit pas d'une "lubie", c'est un réalité.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. BPCs1 octobre 2021 à 08:57

      La bataille éternelle n'est-elle pas plutôt du côté de l'épée : missiles antichars longue portée, attaquant par le toit, munition rodeuse, obus bonus, artillerie longue portée avec obus guidés par désignation laser : Le Haut-karabagh a démontré l'efficacité d'une partie de ses systèmes.

      Réponses
      Ronin.1 octobre 2021 à 11:07
      Et C-RAM, antimissiles et autres, à condition d'en avoir, évidemment...

      PS : Les systèmes que vous évoquez sont certainement très bons (et relativement peu couteux même pour certains.), mais dans des conflits relativement dissymétriques, et encore voir les équipements de certaines armées dit moyennes, aujourd'hui déjà, et en particulier leurs systèmes dits de "déni d’accès", une autre grande évolution stratégique actuelle...


      PS 2 : L'Arménie a une armée très limitée (et plus encore le Haut-Karabagh), quelques matériels relativement anciens datant essentiellement de l'ex union soviétique, et en nombre limité qui plus est.
      L’Azerbaïdjan avec sa rente pétrolière, est six fois plus riche que l'Arménie (PIB 180 milliards de dollars, contre 30.), trois fois plus peuplé, et en plus était surtout aidé directement par la Turquie :
      On était dans un rapport de force globalement de un à six (avec des pourcentages de PIB consacrés à la défense comparables, soit six fois plus en montant pour l'agresseur, quatre à cinq fois plus en équipement par ailleurs plus modernes.).
      On comprendra ainsi facilement que les arméniens ne pouvaient, drones, ou pas drones, pas résister longtemps, hors de leurs zones de montagne.
      C'est ce qui s'est passé : La conquête s'est arrêtée au corridor de plaine au sud, défavorable aux défenseurs ; le rapport de force n'étant pas tenable de tout façon dans une telle configuration.

      C'est surtout un rapport de force un peu plus avantageux (un contre trois quand même, mais avec des matériels similaires) et surtout leur détermination qui permit aux arméniens de reprendre certains territoires séculaires (majoritairement peuplé d'arméniens.) aux azerbaïdjanais en 1994 suite à la chute de l'URSS.


      Conclusion : Attention à ne pas faire d'un cas particulier une généralité.
      Comme je le disais ci dessus on est même dans un cas de dissymétrie, armement moderne d'un coté, sous armement ancien de l'autre, typique au contraire.
      Dans le cas d'une armée moderne face à une armée suffisamment modernisée, même moyenne, drones, munitions rôdeuses, obus bonus, missiles (dits) "antichar", et autres, seraient rapidement neutralisés par une défense antiaérienne globale, et notamment des systèmes dit C-RAM (Counter rocket, artillery, and mortar, et évidemment missile de type "antichar" (d'attaque par le toit) et plus encore drones.).

      Supprimer
    2. Ce que n'avaient évidemment pas les arméniens (avec très peu d'équipements antiaériens, moyennement modernes (classiques), qu'ils n'ont d’ailleurs qu'assez peu utilisé au Haut-Karabagh (où on était plus sur du matériel ancien type ex soviétique.).).

      Supprimer
  4. Changement d'actionnaires:
    https://blablachars.blogspot.com/2023/02/milrem-passe-sous-controle-emirien.html

    RépondreSupprimer