UN NOUVEAU VENU DANS LA COALITION DU LEOPARD

La décision allemande du 7 février d'autoriser la réexportation de chars Leopard 1 vers l'Ukraine devrait avoir des conséquences significatives en termes de quantité de chars fournis à l'Ukraine à défaut d'apporter à la coalition du Leopard un regain de modernité et de performances. Au delà de ces aspects, le déblocage des Leopards 1 stockés devrait donner lieu à véritable carrousel blindé (les Saumurois apprécieront) entre les industriels et les pays s'engageant dans leur nécessaire remise en condition sans oublier de nouvelles possibilités industrielles qui ne feraient qu'alourdir un système déjà complexe.

Sur le plan quantitatif, la possible intégration des 178 Leopard 1A5 promis, devrait permettre à la coalition du Leopard de multiplier ses effectifs par 4,5 passant de 50 chars Leopard 2 à un total de 228 chars Leopard toutes versions confondues. Les pays donateurs connus sont à ce jour : L' Allemagne avec 14 Leopard 26, la Pologne avec 14 Leopard 2A4, l'Espagne avec 6 Leopard 2 A4, le Portugal avec 4 chars du même modèle et enfin le Canada avec 4 Leopard 2A4.

Sur le plan qualitatif, la coalition du Leopard qui affichait un âge moyen oscillant entre trente et quarante ans, la plupart des Leopard 2A4 promis ayant été rachetés d'occasion par les pays actuellement détenteurs. La Pologne qui a reçu au début des années 2000 des Leopard 2A4 provenant des stocks de l'armée allemande, le Canada qui a racheté en 2009 les chars néerlandais, l'Espagne et le Portugal ayant également acquis des chars issus des stocks de la Bundeswehr respectivement en 1998 et 2007, tout comme la Norvège il y a un peu plus de 20 ans. Le Leopard 1A5 dont les premiers exemplaires sont arrivés dans la Bundeswehr en 1987 est basé sur un engin développé à la fin des années 50 et mis en service au début des années 1960, au moment où l'armée française recevait ses premiers AMX 30. Ces deux chars étant issus de l'abandon du premier projet de coopération franco- allemande autour d'un projet de char commun. 

Les 178 Leopard 1A5 promis à l'Ukraine sont actuellement détenus par deux industriels allemands, à savoir Rheinmetall et FFG (Flensburger Fahrzeugbau GmbH) provenant de stocks rachetés à l'occasion de la vente de Leopard 2. Ces engins nécessitent avant leur transfert à l'Ukraine une remise en condition opérationnelle importante afin de les rendre aptes au combat après leur stockage de longue durée. Les deux industriels détenteurs du stock de Leopard 1A5 devraient revendre une centaine de ces engins à l'Allemagne, aux Pays Bas et au Danemark afin que ceux-i se chargent de leur remise en état ainsi que de la fourniture des pièces de rechange et des munitions. A ces pays pourrait s'ajouter la Belgique qui s'est séparée en 2014 de son dernier Leopard 1A5BE en vue de ne conserver que des matériels à roues ! Cédés à une firme belge OIP pour la somme de 15000 euros l'unité, cette même société a proposé de les revendre pour 50000 euros au gouvernement belge en vue de leur rétrocession à l'Ukraine. Le gouvernement belge ne semble pas disposer à accepter cette transaction pour récupérer des chars sur lesquels aucun travail de remise en condition n'a été accompli depuis leur retrait du service. Une des pistes de modernisation envisagée pourrait être l'installation de la tourelle 3105 de John Cockerill Defense. Cette solution avait été présentée à Eurosatory par la firme belge dans le cadre de la possible rénovation des Leopard1 A5 brésiliens, finalement abandonnée en raison du coût prévisible de cette opération. 

Selon les éléments communiqués par Boris Pistorius lors de sa visite à Kiev cette semaine, le calendrier du transfert des Leopard1 A5 prévoit l'arrivée d'une vingtaine de chars d'ici l'été, pour porter ce nombre à 80 à la fin de l'année, le nombre de 100 chars devrait être atteint au cours du premier semestre 2024, sans que l'on sache exactement quand seront livrés les 78 autres engins. Ces délais devraient permettre la formation des 600 personnels (équipages et maintenanciers) prévus pour servir dans un des trois bataillons de Leopard 1A5 que l'armée ukrainienne devrait mettre sur pied. Ce délai devrait également être mis à profit pour mettre en place l'indispensable soutien logistique des chars, utilisant des munitions de 105mm au standard OTAN, ajoutant ainsi un quatrième type de munition occidentale après le 120mm britannique, le 120mm des Leopard 2 et le 105mm des AMX 10RC. Aucun de ces calibres n'est actuellement présent sur le théâtre ukrainien sur lequel les chars déployés par les deux belligérants utilisent des armements de calibre russe, à savoir 115mm et 125mm en fonction de l'ancienneté des chars. La question reste posée de l'utilité tactique de ces chars, qui devraient efficacement concourir à la réussite d'actions localisées grâce à leur puissance de feu (Leopard), leur protection (Challenger 2) mais ne seront pas capables d'inverser le rapport de force entre l'Ukraine et la Russie, cette dernière disposant de réserves importantes et de moyens de production dédiés.

Au-delà de ces impératifs techniques, l'Ukraine devrait donc recevoir dans le courant de l'année 2023, 300 chars d'origine diverses auxquels pourraient s'ajouter les 31 Abrams promis par Washington. Ce chiffre ne tient compte que des engins réellement promis à l'Ukraine par les différents pays et pourrait être revu à la hausse en cas de transferts encore non annoncés. En attendant, Kiev peut déjà compter sur un premier Leopard 2A6, arrivé cette semaine dans les valises de Boris Pistorius ! 

Le premier Leopard 2 arrivé en Ukraine