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dimanche 14 septembre 2025

STEEL DOME : UN PROJET ENTRE INVESTISSEMENTS ET IMBROGLIO

L'industrie de défense turque qui fait preuve depuis de longues années de son dynamisme se prépare à franchir une nouvelle étape avec la publication des projets d'investissement d'un des leaders du secteur, ASELSAN. C'est dans le domaine de la défense antiaérienne multicouches que devraient se concentrer les ambitions de la firme turque avec le développement d'un système équivalent au Dôme de Fer israélien ou Dôme d'Or américain. Pour doter les forces armées turques de l'ensemble des capacités nécessaires, ASELSAN s'est lancé dans la construction d'une infrastructure unique par sa taille et le montant de l'investissement consenti.La firme turque fondée en 1975 est majoritairement détenue par la Fondation des forces armées turques, qui contrôle également les firmes Roketsan et Turkish Aerospace Industries. 

Dévoilé au mois d'aout dernier par le Président Erdogan, à l'occasion de la livraison aux forces armées turques des 47 premiers véhicules du système, le projet "Steel Dome" lancé en aout 2024 doit "inspirer la confiance chez nos alliés et la crainte chez nos ennemis" selon les mots du Président turc. Aselsan qui s'est vu confier la réalisation de ce projet, prévoit d'investir 1,2 milliard d'euros dans la construction d'une infrastructure de 6,5 millions de m² qui regroupera en 2026 les activités de développement et de production des équipements du Steel Dome, parmi lesquels on devrait trouver des canons, des missiles, des radars ainsi que des systèmes de guerre électronique. 

Dans le segment courte portée, les canons de 35mm qui équipent déjà le Korkut devraient être associés à des armes plus anciennes déjà en service comme des canons de Bofors de 40mm, des canons Oerlikon de 20mm. Leur action devrait être complétée par des systèmes C-RAM (Counter-Artillery Rockets Mortars) en développement utilisant des canons de 30 et 35mm. Côté missiles, le Hisar-A+ en version tractée, autonome ou montée sur le véhicule Vuran de BMC seront utilisés aux côtés des Stinger et Rapier Mk2B déjà en service dans l'armée turque sur différents porteurs à roues et chenillés. 

Le Korkut d'Aselsan

La défense de moyenne altitude est confiée au missile Hisar O+ déjà en service associés à des missiles Hawk et Hawk XXI transférés à la Turquie par les Etats-Unis. Plusieurs développements sont prévus comme le missile Gödkemir ou le missile air-air Gökdögan à courte portée ou son alter ego à moyenne portée Bozdogan dont l’électronique de guidage pourrait être adaptée sur les missile Hisar O. 

Pour la haute altitude, le Hisar-U dont la première version est déjà en service dans les forces armées turques fera l'objet d'un développement de deux autres versions. La Turquie compte également sur des missiles Nike Hercules mis en service aux Etats-Unis à la fin des années 1970 et dont la Turquie reste le dernier utilisateur avec la Corée du sud. On ignore si les systèmes S-400 russes acquis par Ankara en 2019, seront intégrés au système Steel Dome tant la situation autour de ce système et de son avenir dans l'armée turque s'avère complexe. 

S-400 turc

Leur acquisition en 2019 fut à l'origine d'une brouille entre la Turquie et les Etats-Unis, l'administration Trump de l'époque avait mis en avant des problèmes de compatibilité du système russe avec les équipements de l'OTAN et des risques de divulgation des capacités du F-35 pour exclure la Turquie du programme de l'avion américain. Cette décision qui avait entrainé l'abandon de la possible acquisition de 100 avions par Ankara ainsi que l'arrêt de la production de composants pour le F-35, pourrait peser dans la décision turque  de se séparer du système russe en le cédant à un pays tiers. Cette opération qui soumise à un accord indispensable de Moscou, reste donc difficile à envisager, tout comme la recherche d'un pays susceptible d'acquérir des S-400. Après avoir obtenu en janvier 2025 la livraison de kits de modernisation pour ses F-16, Ankara a continué de tergiverser à propos de la possible vente des systèmes russes, soufflant le chaud et le froid sur l'avenir du S-400 au sein des forces armées turques. L'acquisition par "l'ennemi" grec de Rafale et de F-35 pourrait cependant inciter Ankara à assouplir sa position sur le sujet, encouragé par Washington qui fait de la résolution du problème créé par les S-400 une condition sine qua non de la vente de 100 F-35 à la Turquie. Faute d'un accord russe et d'une réelle volonté de renoncer au système russe, Ankara aurait diminué le nombre de kits de modernisation de ses F-16 et se serait tourné vers l'Eurofighter pour moderniser son armée de l'air. Cette volonté a recueilli en juillet dernier, l'assentiment de Berlin qui avait déjà assoupli l'année dernière l'embargo pesant sur les livraisons d'armes allemandes vers la Turquie, suivi quelque semaines après par le feu vert de Londres. Oubliant l'embargo de 2019 décidé à la suite du déclenchement de l'offensive turque contre les milices kurdes, qui avait privé le char Altay de son moteur MTU, Berlin a donc donné son accord pour la livraison de 40 Eurofighter à la Turquie. Il reste juste à "espérer" que les 40 avions ne soient pas utilisés contre les Kurdes.... 

La livraison des 47 premiers véhicules (pour un montant de 460 millions de dollars) et l'ampleur des investissements envisagés semblent indiquer que ce projet est désormais au coeur des préoccupations turques même si l'on peut s'interroger sur la cohabitation au sein de cet ensemble de systèmes de génération différente. L'imbroglio politico-militaire autour du S-400 complique également l'avenir du système et rend incertaine la possible intégration du système russe dans le Steel Dome, même si la nouvelle complaisance allemande à l'égard de la Turquie a permis à Ankara de contourner le problème posé à la modernisation de son armée de l'air par la présence des S-400. 

2 commentaires:

  1. Reste surtout à espérer que les Eurofighter ne seront pas utilisés contre les grecs.
    Remarquez ça donnera matière à se marrer un peu sur l’OTAN, l’UE, et la solidarité européenne

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    1. Et les mirage 2000 et F16 grecs ils ont droit eux de taper les Turcs ? La Turquie étant une des premières contributrices à l’Otan où sont ils trop basanés à votre goût ? Ridicule…

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