DEUX POIDS, DEUX MESURES !

Deux informations publiées ces derniers jours illustrent l'importance de la question de la masse dans la conception d'un char de combat moderne. Cette caractéristique est revenue au centre des préoccupations des bureaux d'étude et des militaires confrontés à des problématiques de mobilité stratégique mais aussi tactique. Avec un poids qui pourrait atteindre voire dépasser les 75 tonnes, la dernière version du char américain Abrams, le M1 A2SEPV3 équipée du système de protection active Trophy avait atteint une masse rendant délicat ses déplacements dans une Europe aux infrastructures souvent inadaptées au passage de cet engin. Les réflexions engendrées par ces problématiques ont conduit les  Etats-Unis à abandonner le développement du standard SEPV4 du M1A2 et à accélérer le lancement du M1E3.De ce côté de l'Atlantique, la situation diffère selon les pays concernés comme le montrent les deux exemples repérés par Blablachars dans l'actualité récente. 

Outre-Manche, où l'heure est à la modernisation du vénérable Challenger 2 avec le développement du Challenger 3, la question du poids a resurgi ces derniers jours dans un article du média en ligne Defence Eye. On apprend que le poids de 66 tonnes annoncé par RBSL (Rheinmetall BAE Systems Land) dans la présentation du projet pourrait être dépassé de plus de 12 tonnes, une fois l'engin équipé de l'ensemble de ses systèmes et protections. Ce constat n'est totalement surprenant au regard du poids du Challenger II dont la version TES (Theatre Entry Standard) déployée en 2003 en Irak avait franchi la barre des 75 tonnes ! 

Challenger 2 TES ou MEGATRON

Dans sa version classique pesant 65 tonnes, le char britannique mu par un moteur Perkins de 1200 cv n'était pas réputé pour sa mobilité, comme l'avaient montré les difficultés rencontrées par les chars britanniques fournis à l'Ukraine en mars 2023. Bien que le Challenger 3 conserve le moteur d'origine Diesel CV-12 Perkins associé à une transmission automatique David Brown TN54 à six rapports avant et deux arrière pourrait se voir doter d'une mobilité largement en dessous de la norme avec un rapport poids puissance potentiel de 15,78 ch/t. Pour de nombreux observateurs, la prise de poids du CR3 pourrait s'expliquer par l'ajout de blindages supplémentaires venant s'ajouter au Système de Protection Active Trophy, sans tenir compte de la capacité du système à remplacer une partie du blindage, grâce à un taux d'efficacité oscillant entre 97 et 99%. Conscient des futures difficultés de l'engin, RBSL avait conduit des tests avec un moteur MTU plus puissant associé à une transmission RENK, combinaison qui n'a pas été retenue pour des raisons budgétaires. La publication de ces chiffres pourrait relancer le débat sur la mobilité et le soutien du CR3 par l'armée britannique mais aussi sur ses performances que l'intégration du canon de 120mm lisse Rh-120 ne suffira pas à améliorer, faute d'une mobilité suffisante, avec de nombreuses conséquences sur la survivabilité et l'efficacité du char. 

Le Challenger 3 vu par RBSL 

De l'autre côté du Rhin, la question du poids semble avoir été prise à brase le corps comme en témoigne la publication d'informations sur le futur Leopard 2A RC 3.0, possible successeur du Leopard 2A8 dont la Bundeswehr pourrait recevoir le premier exemplaire d'ici la fin de l'année. Concernant le futur char, on a appris que le poids final de l'engin devrait avoisiner les 55 tonnes et ne pas dépasser les 60 tonnes. L'atteinte de cet objectif est bien sur favorisée par l'adoption d'une tourelle téléopérée, permettant de diminuer d'un tiers la masse totale de la tourelle. Par ailleurs, il semble que les industriels allemands ont favorisé le recours à des solutions de protection active et auraient diminué de façon conséquente le blindage notamment frontal, nettement moins volumineux que celui du Leopard 2A8. Le seul domaine où la protection traditionnelle n'a pas été sacrifiée est celui de la protection contre les mines. On attend la suite du programme pour voir si les objectifs annoncés et les performances espérées deviennent réalité pour ce qui pourrait être le premier char occidental doté d'une tourelle téléopérée.  

Le Leopard 2A RC 3.0

Commentaires

  1. Eh oui, de vieux chars, dont la première mise en service remonte à près de 45 ans, et qui dépasseront sans doute donc allégrement le cinquantenaire d'utilisation (Comme si on avait utilisé des chars de le seconde guerre mondiale jusqu'au début des années 2000 !...), et qui n'ont donc cessés de prendre du poids (55 tonnes au départ.) au fil des décennies, et qu'il faudrait peut être commencer à réellement remplacer aujourd'hui. (Il faut dire que les 35 dernières années de la "fin de l'histoire" n'ont pas aidé dans cette non adaptation notoire évidente.)

    D'autant qu'avec 75 tonnes on atteints désormais les limites admisses, et possibles, pour ce genre de blindé de combat principal.
    C'est d'ailleurs une valeur généralement reconnue dans l'histoire, sans doute également pour des raisons de simple physique (Poids exercé, mobilité, à la fois tactique mais aussi stratégique et opérationnelle, etcetera.).

    Tout cela démontre simplement une seule chose : Il est temps de passer aux chars principaux de combat de nouvelle génération (K2, KF51, et autres prochains T14 et futur "Type xx" chinois.) ; de 55 tonnes...
    (Pas sûr que le futur Leopard 2A RC 3.0 par exemple fasse le poids avec sa tourelle téléopérée en plus pa: C'est tout y compris le châssis qu'il faut changer.)

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    1. (Pas sûr que le futur Leopard 2A RC 3.0 par exemple fasse le poids avec sa tourelle téléopérée en plus, et sa protection affaiblie (!), par rapport à la modernité d'ensemble d'un KF51et des nouveaux chars d'aujourd'hui en général : C'est tout y compris le châssis qu'il faut changer.)
      Ronin.

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    2. D'autant que l'emploi d'une tourelle téléopérée en conditions réelles de combat reste à expérimenter...
      (A partir de là pourquoi ne pas carrément téléopérer l'ensemble du char ; si on veut être cohérent dans cette voie jusqu'au bout.)

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  2. La seule différence entre une tourelle téléopérée et une tourelle classique c'est que le chef de char ne peut pas sortir le haut du corps de la tourelle pour saluer dans les défilés, ce qui a effectivement de la gueule, et en combat arroser l'environnement à la mitrailleuse, ce qui est suicidaire.
    En revanche dans les 2 cas le tireur et le conducteur "travaillent" par l'intermédiaire d'écrans ou d'épiscopes.
    Un char téléopéré c'est une liaison radio qui peut être brouillée ou une liaison filaire extérieure qui peut être coupée.

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    1. Et bien sûr l'électronique d'un char moderne ne peut pas être brouillée.
      Pour le reste, pas sûr que cela soit aussi simple que vous le dites.

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    2. D'autant que le plus paradoxal c'est que l'on continue à s'évertuer à installer des tourelles habitées sur les VCI, où l'armement est simplement destiné à l'appui mais n'est pas le système de combat principal et essentiel, et où surtout cela impacte très fortement le volume d'habitable pour le groupe d'infanterie normalement embarqué, mais que l'on songe à les retirer des chars de combat principaux (Tout ça pour une raison de poids, de rétrofits, non maitrisé !).
      Curieux, non ?!

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    3. Bien sûr que l'électronique d'un char moderne peut être brouillée. Mais c'est vrai que la tourelle soit téléopérée ou habitée.
      Certains VCI sont équipés de tourelles téléopérées cf. dernier post BlaBlaChar sur le "Chacal". Mais je ne crois pas que la Défense - des militaires aux constructeurs - soit réputé pour son aversion au conservatisme.

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