Si la rapidité de l'offensive ayant conduit à chute du régime syrien a surpris les observateurs, cette action également permis aux "rebelles" de mettre la main sur un des plus importants arsenal de la région. Blablachars a tenté de dresser un inventaire le plus précis des matériels syriens ayant changé de main ces derniers jours, avec un intérêt particulier pour les armes antichars et bien sur les engins blindés les plus significatifs. Cette alternance de régime dont on a du mal à envisager toutes les conséquences, laisse dans les mains des nouveaux maitres de Damas un arsenal conséquent, dont l'essentiel a été livré au régime syrien dans les années où celui-ci était encore fréquentable. Ce scénario n'est pas sans rappeler les événements de Libye où la chute de Kadhafi avait permis aux milices de se réarmer ou encore ceux du Yémen où l'on a vu réapparaitre dans les rangs houthis des T-80 acquis par le gouvernement précédent.
Dans le domaine des armes antichars, outre les différentes versions de RPG allant du basique et rustique RPG-2 soviétique au RPG-30 et 75 respectivement fournis dans les années 90 par l'Union soviétique et la Tchécoslovaquie, on trouve des armes plus performantes. Les missiles HOT et Milan fournis dans les années 80 par la France voisinent avec la quais totalité des missiles russes, de l'antique et anecdotique AT-1 à l'AT-14 plus connu sous le nom de Kornet dont les derniers exemplaires (Kornet EM) ont été livrés en 2020 par la Russie. Dans sa version M, ce missile est utilisé par le système Tharallah utilisé par le Hezbollah pour contrer le système de protection active Trophy installé sur les Merkava israéliens. L'arsenal syrien comprend également des munitions de 155mm à guidage laser Krasnopol M-2 également livrées en 2020. L'autre fournisseur historique du régime syrien, l'Iran est également présent dans l'inventaire syrien avec des exemplaires du RAAD, copie iranienne du Sagger, du TOOPHAN dérivé du BGM71 TOW américain ou encore du SAEGHEH, inspiré du M-47 Dragoon américain remplacé dans l'armée américaine par le Javelin à partir de 2001. A côté de ces armements, on peut supposer que Damas possédait également des engins plus sophistiquées, comme l'ALMAS issu de la rétro ingénierie du Spike israélien ou encore le GHAEM 114, missile antichar air-sol développé à partir du Hellfire américain. Enfin, un dernier engin d'origine chinoise serait également présent au sein de l'arsenal antichar syrien, le HJ-73, copie chinoise du Sagger soviétique.
Quelques exemplaires de RPG russes |
Sur le cliché ci-dessus on peut voir de haut en bas, le RPG-26 de 72.5mm, le RPG-27 de 105mm, le RShG-2 variante du RPG-26 tirant une charge thermobarique, le RShG-1 variante à charge thermobarique du RPG-27, le RMG version allégée du RPG-27, le RPG-30 spécialement développé pour contrer les systèmes de protection active avec le tir d'un premier projectile suivi du tir de la charge principale de 105mm. Enfin le RPG-28 équipé d'une charge tandem de 125mm.
Obus KRASNOPOL |
Kornet |
ALMAS iranien |
GHAEM-114 monté sur un hélicoptère iranien |
HJ-73 |
A la différence de l'arsenal antichar, le parc d'engins blindés de l'armée syrienne est exclusivement d'origine soviético-russe. Cet ensemble qui serait composé de plus de 1500 chars s'articule autour de quatre modèles emblématiques de la production soviétique puis russe. Le premier est le T-55 dont Damas détiendrait un peu plus de 480 exemplaires dans les versions A/AM/AMV/M et MV se distinguant les unes des autres par des ajouts de blindage ou des moteurs différents. On a pu voir un certain nombre de ces engins abandonnés et capturés par les factions durant leur progression vers la capitale syrienne.
T-55 syrien abandonné |
Autre engin emblématique de la flotte blindée syrienne, le T-62 dont Damas détenait 179 exemplaires est désormais aux mains des rebelles syriens. Les chars stockés dans les grandes villes du pays ont été abandonnés par les forces gouvernementales refluant devant l'offensive des groupes armés.
T-62 abandonné dans la région de Hama le 4 décembre dernier (Kasim Rammah/Anadolu via Getty Images) |
Damas a également du renoncer à ses 200 T-72 basés dans les différentes garnisons de l'armée syrienne et que l'on avait pu voir massivement employés dans les combats débutés en 2011. L'armée syrienne avait employé ces engins principalement dans des opérations en zone urbaine, au cours desquels ils avaient fourni un appui important aux unités du régime. La version la plus aboutie du T-72, le T-72B3 avait été déployée en Syrie au cours de l'année 2020, sans que l'on connaisse le nombre exact de chars livrés à l'armée syrienne, laissant supposer une utilisation par l'armée russe.
T-72 syrien aux mains des combattants du groupe islamiste Hayat Tahrir al-Sham dans la région d'Alep le 29 novembre. (Photo by Mahmoud Hasano/Reuters) |
Le dernier char tombé dans les filets des miliciens islamistes est le T-90 dont la Syrie avait reçu en 2015 une soixantaine d'exemplaires. Les T-90 furent affectés aux unités suivantes : la 4ème Division Blindée, la Brigade des Faucons du désert (sorte de milice privée constituée d’anciens de l’armée arabe syrienne encadrés par des militaires syriens qui fut créée en 2011 et dissoute en 2017 en raison de tensions entre factions) et la Force du Tigre, un bataillon appartenant à la 25ème Division des Missions Spéciales de l’armée arabe syrienne spécialisée dans les opérations offensives. Les T-90 de la 4ème Division blindée furent utilisés pour la création de détachements d'assaut blindés chargés de percer les lignes de défense au cours de la prise d'Alep.
T-90 capturé par des combattants du groupe Hayat Tahrir al-Sham |
Le dernier bilan connu des destructions et/ou captures de chars de l'armée syrienne serait de 157 chars perdus dont 69 T-55, 27 T-62, 54 T-72 et 6 T-90. Un grand nombre de ces engins (plus de 150) auraient été détruits, tandis que le reste des engins auraient endommagés ou capturés.
Concernant les VCI (Véhicules de Combat d'Infanterie) sans surprise, les engins d'origine soviétique / russe figurent au nombre des véhicules mis hors de combat par les opposants au régime syrien. Le bilan connu fait état d'un total de 73 VCI perdus : 2 BMP1 ont été détruits, 62 exemplaires ont été capturés, ainsi que 4 BMP2. A noter que 5 engins dont le type exact (BMP1/2) n'est pas connu ont été perdus dans les combats, 2 ayant été détruits et les 3 autres capturés. D'autres engins ont également été perdus par l'armée syrienne parmi lesquels 3 BTR-80 capturés. L'armée syrienne aurait également perdu un drone d'origine iranienne, Ababil-3, en service dans l'armée de Téhéran depuis 2014.
BMP-1 syrien détruit dans la région de Hama le 7 décembre (AFP) |
Le pouvoir syrien qui a été défait en moins de quinze jours laisse à ses opposants un des plus importants arsenal blindé de la région. Même si certains de ces engins requièrent pour leur mise en oeuvre des équipages formés et entrainés, la capture d'un grand nombre de véhicules et de matériels par des combattants au profil inquiétant, ne peut que susciter de nombreuses interrogations sur leur utilisation future. Cette irruption de violence et la chute du régime syrien doit rappeler que les blindés restent au coeur des forces terrestres, qu'elles soient gouvernementales ou irrégulières. La saisie de nombreuses armes antichars par les combattants islamistes, devrait faciliter leur prolifération et leur "exportation" vers d'autres théâtres. Un peu plus de sept ans après le déclenchement des opérations Bouclier de l'Euphrate, Rameau d'olivier et Source de paix qui avaient causé la perte de plusieurs chars turcs, Ankara a réussi à se débarrasser de son adversaire syrien sans engager la moindre force et à imposer son projet pour la région.
Après avoir impacté la Libye et le Yémen, la survenue d'un scénario à la syrienne dans un autre pays de la région pourrait avoir des conséquences importantes pour la stabilité de la région. Une confrontation ou une interposition imposeraient la projection de moyens blindés conséquents sans lesquels une telle opération ne saurait être envisagée face à des adversaires bien équipés.
Faut-il encore s'inquiéter de la "stabilité" d'une région qui n'est plus vraiment stable depuis un bon moment?
RépondreSupprimerpour certains l'armée syrienne ne sait pas battue, pour d'autres la "manœuvre" à base de pickup associés aux drones a bousculée les unités blindés les prenants à revers ou de vitesse, les discussions sur l'utilité des chars et autres véhicules blindés vont donc ressortir.
RépondreSupprimerDerrière le HTC et SNA il y a la Turquie qui vient de démonter ses capacités militaires.
Israel serait en train de détruire tous les stocks d'armes connues, il y a de grandes chances que tous ces blindés finissent à la ferraille
En l'occurrence il n'y a pas eu plus de drones que de beurre en branche cette fois ci (Désolé pour la déception.).
SupprimerPar contre, des chars abandonnés (Cela saute pourtant au yeux par contre.), comme tout le reste d'ailleurs. Et des petits arrangements, pécuniers (Voire rationnels.), préalables parait-il ?
Mais effectivement cela ne va probablement pas gêner certains, pas plus qu'auparavant (Avec les quelques dizaines de "drones turcs qui ont gagnés la guerre du Haut-Karabagh", à vingt contre un... C'est même précisément là que ça a commencer, le délire journalistique. Le fameux scoop !!), de nous affirmer que c'est encore la victoire de la guerre des drones... ...Et la fin du char, évidemment.
L'armée syrienne n'était plus qu'un mirage, qui s'est évanoui avec les absences contraintes, russes et iraniennes (Hesbollah). Les soldats syriens ont jugé que leur solde, d'environ 40 dollars par mois, ne valait pas la mise en danger de leur vie. HTS les ont encouragé à faire défection en promettant une absence de représailles. Cet contexte particulier n'autorise que peu d'enseignements sur la guerre moderne, si ce n'est que le facteur psychologique, cad le moral des armées demeure prépondérant.
RépondreSupprimerrectificatif : HTS les a encouragé...
SupprimerC'est pour cela que les israéliens s'empressent (prétextant détruire simplement des dépôts chimiques ; par bombardements !!) de tout détruire, avant que cela ne tombe dans de très mauvaises mains.
RépondreSupprimerIls en avaient encore des armes (Y compris américaines dites dont.), malgré un embargo total de plus douze années (Là par contre le sort des civils... Du coup on comprend qu'ils soient "un peu" remontés !).
PS : En effet, sans base arrière, et sans financements également (Mais venant de oû ??? ...), cela n'aurait pas été possible ("Un grand merci" ...). Ils n'aurait même pas pu simplement se maintenir.
RépondreSupprimerDécidemment on a de biens drôles d'alliances depuis quarante ans !
Troquer un dictateur contre des terrorismes islamiques ("D'anciens" terroristes islamiques évidemment, pour les encore bien naïfs, et si crédules même. Faut-il leur rappeler, tous, les précédents, de l'Iran en 79 à l'Afghanistan en 2021, en passant par les si prometteurs "printemps" arabes islamiques ?), pas sûr qu'on y est gagné encore.
Un retour à la situation de 2015 peut être même, qui sait, avec un ""Etat" islamique" clairement établi cette fois ci (Qui pourra donc préparer ses actions terrorismes par acteurs interposés et ses attentats en toute tranquillité !) ?
Pas si sûr qu'on y est gagné, encore...
Le "remède" risque d'être bien pire encore que le mal qu'il était sensé combattre.
RépondreSupprimer"le RPG-30 spécialement développé pour contrer les systèmes de protection active avec le tir d'un premier projectile suivi du tir de la charge principale de 105mm."
RépondreSupprimerC'est malin.
On va encore payer des systèmes, à un million d'euros pièce (et de plusieurs tonnes "d'alourdissement".), qui font devenir encore plus rapidement en majeure partie inopérants !
(Décidemment rien ne remplace un vrai blindage.)...
Quelques réflexions supplémentaires.
RépondreSupprimer" dont l'essentiel a été livré au régime syrien dans les années où celui-ci était encore fréquentable."
Auparavant, avant les 24 années du fils, les 30 du père Assad, étaient même bien pires (Gazage et massacre de population de ville entières.), mais ne dérangeaient pas grand monde à l'époque, et pas nos marchands de canons surtout, qui ont trouvé d'autres clients sans doute pas beaucoup plus fréquentables sur le fond pour nombre d'entre eux.
Idem par exemple sur les années de terreur du chah d'Iran, qui ont précédé les 45 ans de la la "république" actuelle.
Ainsi va le monde comme dirait, pas sûr qu'on soit dans une si bonne période que ça (Tout va bien comme diraient certains "on n'a plus aucun ennemi à nos frontières"... Ou des armées, pour quoi faire; comme ils disent également si bien (Dans notre monde si "paisible".) !!)
"on peut supposer que Damas possédait également des engins plus sophistiquées, comme l'ALMAS issu de la rétro ingénierie du Spike israélien ou encore le GHAEM 114"
Tient dont.
Tout cela actuellement, même plus encore qu'hier, fait surtout penser à un grand cirque, et à grand théâtre de lumières, et d'ombres surtout (Plus il y a de lumière...). Espérons que nous n'aurons pas à le payer trop cher encore au final ?
Heureusement encore, que ce ne sont que des versions anciennes de chars pour l'essentiel dont ce sont emparé les "rebelles".
A l'inverse des lance missiles antichars et autres manpad antiaériens cependant.
Enfin pour terminer une pensée pour le kurdes (Qui nous avaient tant aider pour défaire daesh (Contrairement aux autres !... ...Et pour cause...).).
Kurdes, qui vont sans doute avoir un regain de problèmes dans les prochains mois.
Comme d'autres sous citoyens "dhimmi" (On est déjà pas très loin des sous hommes.), ni de ce qu'il considéré ouvertement également comme des moitié d'hommes chez eux, c'est à dire des femmes. On a quand même une drôle d'alliance depuis quarante ans !!!
D'où l'état du monde actuel, avec tout ça mis bout à bout...
Comme une sorte de poudrière, dont la mèche est déjà bien allumée (Elle se consume lentement, pour l'instant.)...
SupprimerLe djihad mondial voit nos dirigeants ont leurs yeux fixés sur leurs montres entre deux élections et ils se disent qu'ils ont le temps pour nous cueillir.
Supprimerhttps://legrandcontinent.eu/fr/2024/12/12/la-prise-de-damas-est-un-evenement-majeur-pour-levolution-du-djihadisme-et-de-lislamisme-a-lechelle-mondiale-une-conversation-avec-asiem-el-difraoui/
Beaucoup ne voient pas ce qu'il y a, à peine dissimulé en plus, derrière ça en effet.
SupprimerCertains idiots utiles, ont même été capables de trouver le moyen de s'en réjouir.
C'est autre chose qu'on devrait être capable de leur proposer, que de soutenir et de financer encore des mouvements terroristes, intégristes quoi qu'il en soit.
Mais en effet ils sont apparemment trop occupés par leurs bisbilles internes !
Et comme le dit cet excellent article, d'un connaisseur en interne , c'est en train de se propager partout et notamment au sahel et à l'Afrique plus globalement ; là aussi car très largement financer par qui l'on sait parfaitement... ...Et laisse faire complètement...
SupprimerMême eux sont capables de tirer des leçons de leurs échecs.
Une petite couche de verni et de fausses apparences pour cacher l'ignominie de fond (Place des femmes, de minorités, et de tout ce qui ne pense pas comme eux.) et ça passe. On les subventionne même.
En parlant d'idiots utiles du djihadisme, quand on entend de pseudos spécialistes "sachants" autoproclamés encore sur certaines chaines "d'information" contredirent complètement certains musulmans qui eux même essayent d'alerter, on se dit qu'on se prépare vraiment un drôle de futur.
SupprimerPar nos laisser-faire, et nos lâchetés refus de voir la réalité encore et l'évolution du monde actuel surtout. Entre mercantilisme délirant et retour de l'intégrisme obscurantiste, choisit ton camps...