La nature ayant horreur du vide, c'est moins de deux mois après l'annonce de l'échec du VBCI au Qatar que l’Émirat a reçu ses quatre premiers Boxer. Les engins que l'on peut voir sur les clichés diffusés à cette occasion semblent assez proches du Chacal, version de reconnaissance du 8x8 allemand, armée du canon de 30x173mm MK30-2. La commande de 22 Boxer par le Qatar était au coeur d'un troc germano qatari, dont cette livraison pourrait être la première étape. Alors que l'on pensait à une possible séparation entre châssis et tourelle pour l'attribution du marché d'un VCI à roues, il semble qu'il n'en soit rien avec la fourniture d'un engin 100% allemand. On ignore si cette livraison met un terme définitif aux espoirs des différents fournisseurs engagés dans le marché qatari ou si la compétition reste ouverte mais une chose est certaine, les Allemands ont déjà obtenu une victoire significative.
Ce succès est obtenu grâce à la politique à géométrie variable des autorités allemandes en matière d'exportation d'armement, qui démontre une nouvelle fois tout son potentiel d'adaptation. Elle s'ajuste ici pour permettre à Doha de recevoir ces engins et à la BITD allemande de renforcer sa présence dans l’Émirat, en ajoutant à un arsenal déjà bien fourni, un nouveau produit "Made in Germany". Paradoxalement cette victoire pourrait leur fermer les portes d'autres marchés dans la région et créer de réelles opportunités pour les différents concurrents, au moment où plusieurs pays envisagent le renouvellement ou la modernisation de leurs parcs blindés, à roues ou chenillés.
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| Petite cérémonie entre amis |
Loin des arcanes de la politique étrangère allemande, cette livraison illustre une nouvelle fois et de façon assez cruelle, le décalage existant entre le VBCI français et le Boxer allemand. Au-delà des différences techniques entre les deux engins, le choix du Boxer allemand rappelle que sur le marché des matériels terrestres, le produit unique ne se vend pas ! Les succès français dans le domaine qui sont à mettre au crédit d'engins comme l'AMX-13 ou l'AMX-30 ayant donné naissance à de véritables familles, doivent nous inspirer dans la définition des futurs engins de l'armée française, qui devront répondre aux besoins nationaux mais aussi être vendables sur les marchés internationaux. Cette exigence est renforcée par l'apparition d'une tendance lourde qui se caractérise par la recherche d'économies d'échelle et de cout de possession réduits. Cette recherche a conduit la Pologne à doter le Rosomak et le Badger d'une tourelle identique, la ZSSW 30, elle sera également déterminante dans le futur choix brésilien qui pourrait favoriser un châssis commun (VCI et char léger) ou une tourelle partagée entre le Centauro II et le futur char léger. La Slovaquie qui a renoncé à acquérir un char lourd pourrait se tourner vers le CV90120 basé sur le châssis de leur futur VCI. Dans cette compétition, la France possède de solides arguments pour développer des engins performants, évolutifs et pouvant être adaptés aux besoins nationaux et internationaux.
La coopération avec l'Allemagne doit donc être conduite sur un pied d'égalité, car nous avons tous les arguments et les solutions techniques qui nous le permettent. Le refus de regarder objectivement nos propres forces et nos faiblesses associé à une bonne dose d'obstination politique nous conduit à rejeter presque systématiquement nos propres échecs sur notre partenaire et à refuser d'en tirer les leçons. L'échec de la coopération franco-allemande autour d'un char commun au début des années 1960 motivé par le refus de Berlin d'adopter le canon de 105mm français, lui préférant le L7 britannique a donné naissance à l'AMX-30. Né de cet échec, ce dernier a donné naissance à une famille d'engins, qui a équipé l'armée française et a connu un succès international significatif. Quelques décennies plus tard, le domaine de la puissance de feu est à nouveau le motif d'une rivalité entre deux systèmes que tout oppose. L'Ascalon de KNDS France, véritable révolution technologique se voit comparé au Rh 130 de Rheinmetall, simple évolution du Rh 120 n'amenant pas grand chose de nouveau dans le domaine, sinon une dose de continuité permettant de rassurer les clients. Objectif qui ne serait que très partiellement atteint si l'on en croit les derniers essais de l'arme.
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| L'Ascalon de KNDS France au tir. |
Ces différentes considérations sur la coopération franco-allemande ne doivent cependant pas faire oublier que l'écart entre les deux pays en matière d'investissements de défense se creuse un peu plus chaque jour. On apprend aujourd'hui sous la plume de Vincent Lamigeon dans La Tribune que pour la première fois en 2026, le budget allemand de la Défense sera deux fois plus élevé que celui de la France, avec 108,2 milliards d'euros à Berlin contre 57,1 à Paris, si le budget arrive à être adopté. A la lecture de ces chiffres, on ne peut qu'envisager que le fossé existant entre les deux pays risque de devenir rapidement infranchissable sur le plan militaire mais surtout sur le plan industriel. Ce dernier aspect priverait notre BITD des ressources nécessaires pour continuer à financer une R&D performante, gage de succès commerciaux et de satisfaction optimale des besoins de notre armée. Les chiffres rappellent également que le soutien de la puissance publique par le biais de commandes étatiques peut aussi être synonyme de succès commercial et ne doit pas être considéré comme une rente de situation pour plusieurs décennies. Il fut un temps pas si lointain où les exigences de notre armée répondaient également aux besoins des clients internationaux, qui par leurs achats finançaient nos acquisitions, il serait bon de s'en souvenir en ces temps de difficultés budgétaires.
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| Les engins du segment médian |
Le remplacement des engins du segment médian illustre parfaitement cette spécificité française avec trois véhicules n'ayant que très peu de points communs entre eux, développés en parallèle par de multiples contributeurs. Après de longues années de développement, ces engins arrivent sur un marché export dans des configurations pour lesquelles l'intérêt international a fortement diminué avec le retour des engins chenillés dans le paysage militaire. L'Ukraine et le Moyen-Orient ayant rappelé que la mobilité tactique était aussi importante (sinon plus sur certains terrains) que la sacro-sainte mobilité stratégique et opérative. Aujourd'hui les technologies permettent d'envisager à moyen terme, de réconcilier des notions demeurées jusque là incompatibles par le gabarit des engins en service mais aussi par la prédominance de théâtres d'opérations lointains sur lesquels la doctrine française s'est toujours interdit de déployer des engins chenillés, à l'exception de quelques LRU ( Lance Roquettes Unitaire) et autres VHM (Véhicule Haute Mobilité).
Les succès obtenus par l'industrie de défense française contiennent toutes les recettes d'une future réussite, il suffit d'y puiser les bons ingrédients pour que notre industrie retrouve la place qu'elle peut légitimement prétendre à occuper.
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| Les engins à leur arrivée au Qatar. |







La France devrait acheter des Leopard 2A8, remplacer ses VBCI par des Boxer et se concentrer sur ce qu'elle sait faire le mieux : l'agriculture et le tourisme.
RépondreSupprimerDésolé mais pour l'agriculture, c'est mort. Ceci dit, il y a aussi le luxe.
SupprimerPas que faux, car des corrélations on peut toujours en trouver: il imaginer des synergies entre une plateforme de base, nouvelle ou existante, chenillée ou à roues, puis des engins dérivés pour la sylviculture (Cf. incendie dans l'Aude, avec des chars M113 "pompiétisés" dirais-je, qui ont été d'une grande aide). > s.o.
SupprimerLe luxe aussi aujourd'hui est largement délocalisé. Réveil.
SupprimerIl ne va bientôt rester que le tourisme et les musées, pour nous souvenir, à ce train là.
Supprimer> Le luxe aussi aujourd'hui est largement délocalisé. Réveil.
SupprimerC'est un tantinet plus compliqué que ça. Les emplois et du savoir faire sont encore là. La finance autour de ce secteur, elle, par contre, a ses holdings de remontées des flux de cash\dividendes délocalisées dans des endroits pittoresques et exotiques (Bahamas, Delaware, etc). Du coup, suivant l'évolution de l'affairage de ce secteur créé ici mais depuis le lointain, ceux qui restent trop longtemps à observer la répartition de leurs flux financiers se mouvoir parmi les lois des Bahamas, par exemple,... en oublient les lois d'ici qui régissent pourtant le capital des industries qui leur créent lesdits produits luxueux. Oulis tels que la déclaration des franchissements des seuls de détection de capital, franchissement à déclarer dans le BALO (bulletin des annonces légales officielles). Ces déclarations sont des "remota causa"\jalons\pivots financiers, permettant aux actionnaires chahutés\chassés\recherchés via une Offre Publique de Rachat d'Actions (publique à cause du BALO, précisément, incontournable en France, sauf à revendiquer ou vouloir être inculte en "financette" (puisque c'est le BA-ba en fait), ce qui peut alors se comprendre) de le savoir en toute transparence. Accessoirement, cette coutume du franchissement des seuils permet aux petits boursicoteurs du dimanche d'être informés dans la "Tribune des fossés" ou "Les échos" (c'est la suite des "Oyez, Oyez", rue Quincampoix, toute une culture qui remonte à la Renaissance), boursicoteurs dits "minos" qui peuvent ainsi "sucer la roue" (expression de "prolos.", amoureux du Tour de France, dirais-je) les gros requins (expression fractale financière, dirais-je aussi)... À suivre, assurément. > s.o.
> franchissements des seuls de détection de capital
SupprimerJe voulais dire "franchissements des seuils de détention du capital réparti entre les actionnaires". Je précise, car j'ai l'impression qu'il y a tellement d'incultes\analphabètes\(?) voulant exercer cette activité de finance appliquée au luxe depuis la France, que j'en compatirais presque, dites donc ^^. >s.o.
Non pas sur l'agriculture et le tourisme, mais sur ce qu'on fait de mieux en matière de défense et où les allemands sont nulle part ou presque : Avions de combat, missiles en tout genre (AA, AC, ASM, AN, Appui, ...), navires de guerre, sous-marins, radars, électronique, optronique, satellites, ... C'est vrai que sur terre quand il y a un moteur depuis des décennies ils font généralement mieux que nous, ou en tout cas sont nettement plus efficaces pour le vendre, laissons leur le plus de 6X6 et la chenille, on s'occupe du reste ... Un chassis Leo 2/3 avec une tourelle de Leclerc EVO, c'est pas non plus Sedan ou Azincourt
RépondreSupprimerLa défense est un tout cohérent, ou n'est rien, ce qui nous manquera dans un secteur on le paiera aux centuples ailleurs et beaucoup plus encore en matière d'Independence, stratégique...
SupprimerD'autant que certains sont parfaitement capables, ils l'ont déjà démontré malheureusement, de saborder un des rares domaines majeurs industriel que l'on a su préserver jusque là, notre filière aéronautique militaire et le Rafale en particulier aussi (Survivant heureux de l'Eurofighter, prochaine attaque en règle : Le scaf.).
On a en effet encore la chance d'avoir quelques entreprises majeures dans le domaine de la défense, préservées jusque là en raison uniquement de leur spécificité (Eh oui, à part le luxe...) éminemment stratégique et souveraine. Pourvu que ça dure, pour nous et notre pays et nos enfants, c'est tout ce que l'on peut souhaiter, mais il faudra sans doute se battre pour cela, plus qu'on ne le fait aujourd'hui.
PS : Encore un qui veut du léopard2 !! (Vous croyez qu'ils vont nous laisser gentiment installer nos quelques tourelles sur leurs chars, dans ces conditions ? !!!) Malgré son pseudo ; d'habitude plus perspicace (Une idéologie insidieuse permanente qui a finit par atteindre même les meilleurs en effet..).
Plus efficaces pour le vendre, pour se vendre, ça c'est sur ; et un peu plus pragmatique, réalistes, et rationnels sans doute aussi, ces derniers temps en particulier (Pour le reste (Quel est le meilleur.), Leclerc ou Léopard2... AMX30 ou Léopard1 ?).
Cela serait bien pire que Sedan : Une disparation et une absorption pure et simple à terme (Vu le peu d'esprit de résistance en plus, à tous niveaux, voire carrément de collaboration déclarée si ce n'est revendiquée, de certains aujourd'hui...).
La défense d'un pays cela se passe aussi (Voire surtout, et préalablement.) au niveau économique et industriel...
SupprimerOn se lamente (Avec une certaine justesse cependant.) de la désindustrialisation de notre pays ces trente dernières années, mais on fait tout, ou on ne fait rien plus exactement, et même le contraire pour tout dire, pour ne serait ce arrêter et endiguer un peu ce processus.
SupprimerLes mêmes qui se lamentent, et qui nous disent que l'on devrait encore se séparer d'autres pans de nos industries, pour le peu qui nous reste (On vient de passer la barre, largement d'alerte dépassée, des moins de 10 %. Contre plus de vingt pour tous nos voisins directs.) et se concentrer seulement sur le peu qui nous reste (Encore...) !! !
Réveil.
Il serait temps de sonner du clairon au contraire, pour réveiller tous ces endormis.
A ce rythme là, cela va finir bien pire qu'Azincourt ou que Sedan (1870 ou 1940 ?).
Heureusement que notre pays a encore toutes les ressources, moyens et capacités, y compris humaines en particulier, pour se relever encore ; mais pour combien de temps encore ?
C'est eux qui vont "s'occuper du reste" (C'est déjà dans leur ligne de mire : Projet scaf et autres. et nous laisser que des miettes. Devenons "sous traitant" comme dirait l'autre.) au contraire. Si on les laisse faire et qu'on les y encourage même en plus en leur facilitant les choses (!!)...
SupprimerEn effet il semble que l'on ait fait encore un excellent choix en choisissant de développer le griffon, en 6 x 6... (Encore un bon ciblage, à rebours de tous les autres : Quand ils passent au 8 x 8, on choisit de passer au 6 x 6 !...) Et en laissant délibérément encore mourir le VBCI (Y a t-il un pilote dans l'avion ??! Et une politique d'équipement de défense encore dans ce pays ?).
RépondreSupprimerProchain sur la liste, le Caesar ?
Le développement de grande familles de blindés, réfléchies, est un des grand retours de tendance moderne actuels ; avec notamment des armements communs entre celles ci (Quitte même dans des tourelles avec différents niveau de blindage et de protection.).
Serons nous prendre au moins ce train en marche ? Rien n'est moins sûr vu nos évolutions, surplaces actuels (On bricole, on bricole, LAD, chars, et autres...).
"La coopération avec l'Allemagne doit donc être conduite sur un pied d'égalité".
Quel vœu pieu, ou willful thinking comme on dit chez notre autres très grands amis britanniques, ou américains, qui ne nous veulent que du bien eux aussi.
La vraie réalité (La vraie vie.) est tout autre.
Si c'est pour aboutir à des résultats comme ici au Qatar..
Rappelons encore une fois que les Etats, et les entreprises, n'ont pas d'amis, arrêtons de nous auto leurrer nous même.
Car nous avons tous les arguments et les solutions techniques qui nous le permettent.
Comme nous le rappelait, et nous le démontrait, une étude récente de l'IFRI, à propos du système principal de combat terrestre et en l'occurrence du char du futur de la France, français, parfaitement possible encore (Il s'agit surtout encore d'y croire. Malheureusement on est arrivé à persuader bien de nos compatriotes que ce n'était plus le cas, que ce qui était parfaitement possible hier ne le serait plus aujourd'hui (La litanie devenue tellement habituelle des “on est trop petits”... ) -Belle fable, ou story telling inventé, encore...Contrairement aux études réelles qui démontrent parfaitement l'inverse...).
A part si on veut continuer à perdre un par un tous nos marchés futurs ?!!
Une bonne dose d'obstination politique, et d'aveuglement idéologique en effet : Sortons de cette impasse là aussi, si on veut s'en sortir tout court.
Recréons, l'AMX55 Leclerc-2, et toute les déclinaisons nécessaires de cette nouvelle famille (Sur le mode AMX13 par exemple.) de blindés et de savoir-faire, bien particuliers et spécifiques, français.
La coopération est un leurre, comme le démontre une nouvelle fois cette parfaite leçon qatarienne, où on réussit l'exploit de se faire prendre même nos propres marchés et zone d'influence traditionnels (Sacrée "coopération". Faudrait juste penser à changer le nom...) et sur notre propre segment soi-disant fétiche du médian encore en plus !! Tout cela devrait à minima nous mettre la puce à l'oreille au moins et nous aider à reprendre un peu conscience, des vraies réalités de ce monde ?
(La continuité, une certaine continuité (L'incrémental progressif par exemple.), c'est bien aussi, pour rassurer les clients mais pas que...)
Redevenons créatifs, réalistes et un peu pragmatiques, et on aura des boulevards, les mêmes qu'on avait jusqu'à il n'y a pas si longtemps que cela et tout ira bien vu les attendes en Europe et ailleurs d'alternatives. (Les sud coréens, ou les turcs, ont des budgets inférieurs au notre, et pourtant cela ne les empêche pas de conquérir des marchés. C'est bien plus de dynamique dont on aurait besoin aujourd'hui chez nous, et d'arrêter un peu de compter sur les autres dans d'improbables "coopérations", à sens unique en plus, comme on en en pris la malheureuse et au combien délétère habitude (“On est trop petits”...).).
RépondreSupprimerAujourd'hui c'est sur le segment "de décision", lourd, sur lequel qu'il faudrait se concentrer, prendre le train en marche, au moins un peu, si on ne veut pas se faire sortir complétement de l'histoire et de ce nouveau domaine industriel au combien stratégique qu'est encore notre BITD terrestre.
(La mobilité tactique est la mobilité stratégique. Le reste est presque secondaire ; dédié à des théâtres secondaires...)
Est que cela va finir par re bouger un jour, notamment au niveau "idéologique", et décisionnel par voie de conséquence directe, c'est toute la question majeure préalable (A tout.) actuelle.