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vendredi 27 mars 2020

LES TOURELLES DE MOYEN CALIBRE

Faisant suite aux  posts sur les chainguns et le canon CTA de 40mm, blablachars vous livre un panorama des tourelles de moyen calibre en service ou en projet. Rédigé en 2017, cet article a été mis à jour pour tenir compte des dernières évolutions dans le domaine et des orientations en matière d'armement des futurs véhicules de combat d'infanterie. 

Les Véhicules de Combat d’Infanterie (VCI) sont devenus en quelques années les engins de base de nombreuses forces d'infanterie. Plus lourd et surtout mieux armé qu'un Véhicule de Transport de Troupe (VTT) le VCI est un système d'armes dont l'efficacité repose en grande partie sur son armement de bord et donc sa tourelle. Le remplacement progressif des Véhicules de Transport de Troupes (VTT) par des Véhicules de Combat d’Infanterie (VCI), aux performances accrues a entrainé une évolution des tourelles et des armements de bord. Il m'est apparu intéressant de dresser un tableau aussi exhaustif que possible de ces équipements et de leur armement de bord.

Les programmes de rénovation, augmentant à la fois les performances et les masses ne peuvent plus masquer les « défauts » originels de ces tourelles. La part croissante prise par les VCI dans les opérations devraient amener les pays utilisateurs à remplacer leurs tourelles les plus anciennes par de nouveaux systèmes d’armes de moyen calibre offrant une plus grande polyvalence et une puissance de feu accrue.

Le parc de tourelles en service dans pays du GCC présente logiquement les mêmes caractéristiques que celui des VCI. Les engins chenillés sont équipés de tourelles de première génération, arrivées au terme de leur évolution et retirées du service ou en voie de l’être, dans certaines armées.

Pour remplacer ces équipements, il existe aujourd’hui une large gamme de tourelles et d’armement moyen calibre répondant aux nouvelles exigences opérationnelles. Certaines solutions introduisent d’importantes ruptures dans la conception traditionnelle de ces tourelles.

Les futures missions des tourelles de moyen calibre exigeront une plus grande polyvalence et une puissance de feu accrue. Les tourelles de moyen calibre devront s’adapter à ces nouveaux besoins pour offrir de nouvelles solutions basées sur des options techniques innovantes.

1. DES TOURELLES ANCIENNES AU BOUT DE LEURS EVOLUTIONS

En dépit de leur conception déjà ancienne, les tourelles de moyen calibre développées dans les années 70 équipent encore plus de 50% des VCI et VTT en service dans le monde. Dans les pays du GCC, ce pourcentage culmine à 100% pour les véhicules chenillés, et à 25% pour le parc des véhicules à roues. Ces tourelles furent mises en service au début des années 80, pour affronter la menace des armées du Pacte de Varsovie. Elles étaient destinées à équiper des VTT accompagnant les formations de chars, dans un conflit de haute intensité face à un adversaire blindé mécanisé puissamment armé. Pour répondre à ces besoins, l’architecture et l’équipement de ces tourelles présentaient des caractéristiques communes.

L’architecture. Ces tourelles étaient habitées, abritant un chef d’engin et un tireur placés côte à côte, en dépit de rares productions monoplaces comme la tourelle du WZ 551 chinois présenté en 1986 et en service en Oman. Au sein de l’OTAN comme du Pacte de Varsovie, les principaux engins avaient adopté cette configuration pour leurs nouveaux blindés médians. Le M2/M3 Bradley, le BMP3, l’AMX 10P, le MCV 80 Warrior ou le Marder (plus ancien) représentaient ces nouveaux engins. Cette configuration permettait de répartir les fonctions de commandement et de service de l’armement entre les deux membres d’équipage. Cette répartition des tâches s’effectuant sans aucune interaction technique, que ce soit au niveau du tir ou de la gestion des systèmes. Le chef d’engin bénéficiait d’une vue directe sur le terrain par le biais d’épiscopes ou de lunettes, le plaçant dans la meilleure position pour commander, le tireur tirait le même bénéfice de sa position pour traiter les objectifs potentiels. Les plus lourdes de ces tourelles utilisaient une motorisation hydraulique, offrant une qualité de pointage moyenne, le mode électrique étant réservé aux équipements plus légers.

Les optiques. Pour remplir leurs missions, les tourelles moyen calibre étaient équipées de lunettes rudimentaires, autorisant la destruction de jour, d’objectifs faiblement blindés et statiques dans la frange des 1000m ; la vision nocturne assurée par l’intensification de lumière ou des caméras thermiques de première génération et parfois limitée au tireur ne permettait pas d’envisager la réalisation de tirs précis au-delà de 800m, en fonction des conditions de nuit. Montées le plus souvent dans le masque de tourelle, ces optiques étaient dépourvues de toute vision panoramique, de stabilisation et de toute capacité de tir en déplacement, en mode Hunter-Killer ou Killer-Killer. Enfin la protection concentrée sur l’arc avant de la tourelle reposait sur un blindage classique à base d’acier. Pour certains de ces engins, l’utilisation de l’aluminium permettait de réduire le poids de l’ensemble et d’offrir au détriment de la protection, une capacité amphibie. Les accessoires à cette protection étaient constitués de fumigènes classiques, à l’exclusion de tout autre système de protection passive (fumigènes large bande, brouilleurs) ou active.

Les canons et munitions. Lors de leur mise en service, toutes ces armes ne tiraient qu’une gamme limitée de munitions, à savoir explosives et perforantes. Ces deux types de munitions étaient généralement stockés en zone arrière de tourelle ou en châssis, dans des compartiments non protégés. Les obus utilisés étaient liés entre eux par des maillons métalliques et empruntaient des cheminements distincts depuis le magasin jusqu’à l’arme, équipée d’une double fenêtre d’alimentation. La sélection du type d’obus désirée étant réalisée de façon manuelle ou motorisée par un des membres d’équipage. Le canon RARDEN du Warrior est lui alimenté par des munitions montées sur des barrettes de trois projectiles, introduites manuellement par l’équipage. Les cadences de tir de ces canons étaient comprises entre 90 coups minute pour le RARDEN et 800 à 1000 coups minute pour le canon allemand. Afin d’augmenter la puissance de feu de ces tourelles, certaines furent dotées d’une capacité missile. Les M2A2 saoudiens sont équipés de missiles TOW tout comme le Desert Warrior koweïtien ainsi que le BMP3 émirien tirant par le canon de 100mm le missile 9M117M1 Arkan.

Les adaptations.  Comme on le constate, ces tourelles de moyen calibre et leur armement possèdent des caractéristiques que les industriels ont fait évoluer par la mise en place d’adaptations et de revalorisations. D’une façon générale ces programmes n’ont porté que sur les systèmes accessoires à la puissance de feu, sans jamais remettre en cause l’architecture de ces tourelles. Deux exemples de véhicules en service dans des pays du GCC illustrent ce point. Le Bradley. C’est après la Guerre du Golfe qu’a eu lieu le premier programme majeur de revalorisation du Bradley donnant naissance au M2A2 ODS/ODSE et M3A2 ODS, équipés d’un système numérique de navigation tactique utilisant un GPS et d’un télémètre laser. La protection a bénéficié de l’installation d’un système de contre-mesures pour missiles filoguidés de première génération. Le système de commandement "FBCB2" (Force XXI Battle Command Brigade and Below) a également été mis en place à cette occasion. En 2000, la version A3 a permis la numérisation de la conduite de tir ainsi que l’installation d’un viseur thermique indépendant au poste chef. La protection a été améliorée par l'ajout d’un blindage réactif, ainsi que par le remplacement des dispositifs de protection contre l'incendie et les attaques NBC. L’évolution la plus récente s’est traduite par remplacement des missiles TOW par des Javelin (Warhammer Bradley). Le M242 Bushmaster de 25mm n’a pas connu d’évolutions majeures, deux munitions de 25mm sont venues enrichir le choix, l’obus 25MM PGU-32/U Semi-Armor Piercing High Explosive Incendiary-Tracer et l’obus M791APDS-T Armor-Piercing Discarding Sabot with Tracer. Comme on peut le constater, les adaptations du Bradley ont essentiellement porté sur la protection de la tourelle et la numérisation de la conduite de tir. L’augmentation toute relative des performances de l’engin est amoindrie par une masse en ordre de combat atteignant plus de 32 tonnes et une architecture de tourelle interdisant tout nouvel ajout d’équipement. Les 400 engins détenus par l’Arabie saoudite sont au standard A2 développé en 1988 et ne semblent avoir bénéficié d’aucune amélioration particulière y compris le Bradley Urban Survivability Kit (BUSK) livré depuis 2008 à l’armée américaine.

Côté russe, 135 BMP3 (sur 635) utilisés par les EAU ont été portés au standard BMP3-M avec l’ajout d’un blindage renforcé tentant d’atténuer la faiblesse du blindage initial, considérée comme le défaut majeur du véhicule. Un programme de revalorisation est également proposé par le bureau d’études KBP, concepteur de la tourelle. Ce module appelé BAKHCHA, d’un poids de 3,6 tonnes permet d’accroitre les performances de la tourelle et de l’armement avec l’adjonction d’un système de localisation utilisant le GPS Américain et le GLONASS russe permettant le tir au canon de 100mm depuis des positions dissimulées. Des revalorisations du chargement automatique, de la conduite de tir et des communications sont également intégrées dans ce module de combat. Certains BMP3 ont été équipés de kit de protection et d’un brouilleur IR sur la tourelle. La tourelle du BMP3, a été présentée sur le blindé ENIGMA développé par les Émirats Arabe exemples mentionnés ici sont les plus représentatifs des programmes d’adaptation des tourelles moyen calibre, pour des véhicules en service dans des armées du GCC. Le Qatar et le Koweït n’ont effectué aucune revalorisation de leurs VCI les plus anciens dont la durée de vie opérationnelle devient problématique dans le nouvel environnement opérationnel. Ce bref aperçu des tourelles de moyen calibre encore en service équipant les principaux VCI du GCC permet de souligner l’inadaptation de plus en plus criante de ces équipements aux nouvelles missions. Le traitement des obsolescences les plus importantes a été partiellement effectué par la mise en œuvre de programmes de modernisation se traduisant par l’ajout d’équipements de tir et de protection. Les défauts originels de ces tourelles demeurent. Adaptable sur des véhicules existants ou développée pour de nouveaux projets, la nouvelle génération de tourelles annonce de profonds changements.

2. UNE NOUVELLE GENERATION RICHE EN INNOVATIONS
 
Les tourelles les plus récentes ont été développées dans un nouveau contexte et apportent des réponses innovantes dans les domaines de l’architecture, de l’armement et des munitions utilisées. L’intégration de ces tourelles dans des systèmes numérisés de commandement tels que le Future Combat System (FCS) aux États-Unis, le Future Rapid Effect System (FRES) au Royaume-Uni, Forza-NEC en Italie et enfin SCORPION en France les rend encore plus performantes, en démultipliant leurs capacités et leurs possibilités d’emploi. Nous n’abordons dans ce paragraphe que les tourelles téléopérées depuis le châssis du véhicule, par un ou deux membres d’équipage, bénéficiant des interfaces dédiées, désignées sous le vocable anglo-saxon de « Unmanned Turrets » ou tourelles inhabitées. Ceci excluant de nos propos les équipements de type « Remote Weapons Stations » (RWS) portant un armement de calibre inférieur et dépourvues de coque de tourelle. Il n’est pas rare qu’une telle RWS se retrouve sur le toit d’une tourelle téléopérée, comme cela est le cas sur de nombreuses tourelles de chars ou de VCI.
Longtemps figée dans la configuration évoquée précédemment, les tourelles de moyen calibre ont évolué pour offrir des solutions nouvelles.
 
Les tourelles téléopérées. Les évolutions technologies dans les domaines du pilotage de tourelle et des Interfaces Homme Machine (IHM) ont permis de délocaliser l’équipage de tourelle dans le châssis du véhicule porteur. Cette solution améliore nettement la protection des membres d’équipage, désormais à l’abri du blindage du châssis généralement plus lourd que celui de la tourelle. Outre cette protection structurelle, l’engin ainsi configuré bénéficie d’une silhouette plus compacte et d’une tourelle aux dimensions contenues avec des performances équivalentes à celles d’un modèle habité. Parmi ces tourelles, on peut citer les modèles suivants :

- Protector 30 de Konsberg, dont une version armée du canon XM813 30mm d’Orbital ATK vient d’être adoptée sur les Stryker (Stryker Dragoons) de l’armée américaine déployés en Europe. Ce même équipement étant testé dans le cadre de la rénovation du Bradley.

- CPWS 25/30 de John Cockerill Défense, initialement développée pour l’engin de reconnaissance CRAB de Panhard. La version Gen2 permet son utilisation dans différentes configurations avec des tapes de toit amovibles ou semi amovibles autorisant différentes positions pour l'équipage.




- ARX 20 de Nexter, qui peut être montée sur les véhicules TITUS ou ARAVIS.

- ZSSW30 polonaise, alternative locale à la tourelle HITFIST© de Leonardo équipant le blindé Rosomak 8x8

- TRT 30 de Denel (BAE Systems Land Systems South Africa) proposée sur le blindé local Iklwa et le Mbombe de Paramount.

- TURRA30 développée par la société slovaque EVPU pour le blindé local SAKAL.

- UTBR 30 produit d’une coopération entre le Brésil et Israël, en vue d’équiper le blindé Guarani.

- Samson MkII produite par Rafael pour l’armée israélienne et proposée à l’export. Cette dernière est aujourd'hui équipée du système de protection active Trophy. Elle équipe les Boxer commandés par la Lituanie.

- PENCE (également appelée CLAW) 25mm développée par FNSS et ASELSAN, pour équiper le véhicule de combat chenillé Kaplan ou à roues PARS. Certaines versions de ce blindé choisi par le Sultanat d'Oman sont équipées de cette tourelle.

- MIZRAK UKKS 30mm développée par OTOKAR pour son blindé à roues 8x8 Arma.
- Tourelle de 30mm destinée à équiper les nouveaux blindés russes (Boomerang et Kurganets25).

- Tourelle de 30mm destinée à équiper les nouveaux blindés russes (Boomerang et Kurganets25).


Ces tourelles ne disposant pas de panier, leur montage sur le châssis s’effectue sans percement ni modification majeure, ce qui les rend particulièrement attractives pour des opérations de rétrofit d’engins existants tels que le M113, le BTR60 ou le BMP1. La majorité de ces tourelles peut être équipée de missiles AC de différentes nationalités, tels que le Javelin américain, le Spike israélien, le Konkurs russe ou le dernier arrivé sur ce marché le MMP de MBDA. Elles peuvent en outre être dotées de canons occidentaux de type Chain Gun ou russe comme le 2A42. On note que dans ce panel, les grands pays fournisseurs d’armement sont concurrencés par de nouveaux venus offrant une gamme variée parfaitement adaptée aux nouvelles missions. En outre, ces nouveaux venus font souvent preuve d’agressivité commerciale pour placer leurs produits et trouver de nouveaux clients en dehors des alliances traditionnelles, le positionnement de certains d’entre eux leur interdisant cependant l’accès à certains marchés. Certains fabricants mettent également en avant l'aspect "ITAR-Free" de leur produit pour assurer les clients potentiels de leur indépendance en matière de pièces, de formation et même d'emploi par rapport à cette norme qui est de plus en plus considérée comme une contrainte. Conscients de la réticence de certaines armées à priver leurs équipages d’une capacité de vision directe du terrain, certains industriels ont choisi de concevoir des tourelles moyen calibre autour d’un nouveau concept.

Les tourelles modulaires ou mixtes. La première traduction de ce concept est le développement sur une base technique unique, de tourelles en version téléopérée ou habitée. Différents constructeurs proposent de tels modèles.


- Nexter avec la tourelle deux hommes T40CTA dont une version téléopérée fut développée au cours du programme et baptisée en son temps TOUTATIS.
- Leonardo avec la HITFIST©OWS, version téléopérée de la HITFIST©. Cette version OWS a été montée sur un VBCI Dash 2 pour les marchés export et proposée dans le cadre du marché lituanien.

- RheinMetall propose la tourelle LANCE©, destinée à équiper le véhicule de combat Lynx, en version habitée ou téléopérée, proposé à l'export dans le cadre du programme australien Land 400.

- John Cockerill Défense propose la série 3000 également déclinée dans les deux versions.

- FNSS produisant la TEBER 30 ainsi que la SABER 25mm, tourelle monoplace devant équiper le blindé PARS. Comme pour la tourelle CLAW, un certain nombre de blindés PARS ont été équipés de la tourelle TEBER dans le cadre du contrat avec le Sultanat d'Oman.

La reproduction à l’identique de la configuration de tourelle permet de conserver l’architecture de base et de réduire les coûts. Enfin d’autres industriels ont choisi des solutions originales, comme Nexter dont la tourelle DRAGAR de 25mm montée sur le VBCI est servie par un tireur en tourelle, le chef d’engin se trouvant en châssis avec un déport de ses interfaces.

Cette modularité est également déclinée dans le domaine de l’armement de bord, avec la possibilité de les équiper d’armes de calibres différents, souvent plus importants que les précédents, confirmant la volonté des utilisateurs de disposer d’armes plus puissantes. La plage de calibres offerte par ces tourelles s’étend le plus souvent de 20 à 40mm, les calibres proposés étant assez proches comme sur la HITFIST© OWS de Leonardo (25/30mm), la LANCE Rheinmetall (30/35mm), la Samson MKII (25/30mm), la CPWS (25/30mm) de John Cockerill, ou la 3030 (30/40mm) du même constructeur. Ce dernier a d’ailleurs poussé ce principe à son maximum en déclinant sa Série 3000 dans des versions utilisant une base commune et pouvant accepter des armes d’un calibre compris entre 25 et 105mm. 



Le concept de modularité offre donc des avantages importants en matière de flexibilité et d’emploi. Une même force pouvant ainsi disposer dans les différentes formations d’un système unique décliné en plusieurs versions en fonction de la mission des unités ( infanterie, cavalerie blindée,…) Les coûts de possession et les facilités d’instruction sont également des atouts majeurs de la modularité, avec une maintenance (sujet sensible en environnement désertique) adaptée et des moyens d’instruction pouvant reposer sur l'utilisation de simulateurs uniques, embarqués ou non. Cependant modularité ne signifie pas versatilité ; une présentation maladroite de ce concept pourrait laisser penser qu’il permet d'effectuer des changements d’armements « à la carte » en vue d’une mission. Ceci constituerait un non-sens opérationnel, technique et économique, car imposant entre autres de définir un niveau décisionnel de modification de l’armement, de garantir les conditions de démontage, montage et de sécurité, mais aussi de disposer d’un « stock » d’armes prêtes à être montées. Ceci sans compter les inévitables et légitimes difficultés que ne manqueraient pas de rencontrer les membres d’équipage confrontés à un changement d’armement et de mission réalisé sur court préavis.

Ce concept repose sur de nouvelles solutions technologiques offrant un choix inédit en matière d’architecture et d’armement. Dans ce dernier domaine, la tendance observée semble s’orienter vers une augmentation de la puissance de feu, ce qu’illustrent les armes présentées ci-dessous.

Des armements de bord puissants.
Nous avons choisi de retenir pour notre propos, trois armes qui illustrent la tendance à une augmentation de la puissance de feu, soit par une technologie innovante, soit par une augmentation du calibre proposé.

Le canon CTA 40mm. Le passage d’une arme de bord à un calibre de 40mm ne constitue pas une innovation, d’autres engins disposent d’un armement de calibre identique, le CV 9040 est équipé d’un canon de ce calibre, produit par la firme suédoise Bofors, le VCI coréen K21 étant également équipé d’un canon de ce calibre. Nexter a choisi une technologie innovante pour exploiter ce calibre. Le canon de 40 mm à munitions télescopées est le produit d’une Joint-venture (JV) qui a démarré en 1994 entre Nexter (à l’époque GIAT) et Royal Ordnance (devenue depuis BAE Systems) sur un projet d’arme de 45mm. En 1997, le calibre de 40mm devient l’objet des études portant sur l’arme elle-même, ses munitions et l’approvisionnement. Deux ans plus tard, les travaux sont partagés avec le Département de la Défense américain en vue de l’équipement du Bradley revalorisé. L’originalité du canon 40 CTA repose sur son principe de fonctionnement basé sur l’emploi de munitions dites télescopées, dans lesquelles le projectile est intégré dans la matière propulsive, et introduit dans l’arme par le biais d’une culasse rotative. Cette technologie permet de réduire l’emprise du canon dans la tourelle. Cet encombrement réduit se retrouve dans les munitions qui n’utilisent pas de maillons et offre un rapport encombrement /efficacité sans équivalent. La capacité d’emport en munitions est ainsi supérieure à celle d’un engin identique équipé d’un canon de 40 mm classique, avec une capacité initiale variant de 42 à 70 coups selon les versions de tourelle, le rechargement étant facilité par l’absence de maillons. Le projet est maintenant dans sa phase d’industrialisation, Lockheed Martin développe autour de cette arme la tourelle de l’Ajax britannique, tandis que Nexter a présenté à IDEX 2015, un VBCI équipé d’une tourelle de 40mm CTA avec deux missiles MMP de MBDA.

Le canon AU 220 M. Comme pour le calibre 40mm, le calibre de 57mm une longue histoire. Le canon QF 6 pounder Nordenfelt est adopté par la marine britannique dès 1885, tout comme le modèle produit par Hotchkiss. Un canon belge Cockerill-Nordenfelt de 57mm monté sur affut mobile fut utilisé dans la défense des ceintures fortifiées de Liège, Namur et Anvers. Quelques exemplaires capturés furent montés par les Allemands sur les rares chars AV7au sein d'unités créées en octobre 1917. De leur côté, les Russes aiment à rappeler que le calibre de 57mm a été employé par l’artillerie et les blindés dès 1941 avec le canon 52-271. L’innovation proposée aujourd’hui par l’Institut Central de Recherche BUREVESTNIK consiste à intégrer cette arme de calibre légendaire, dans une tourelle téléopérée, pouvant être montée sur un véhicule blindé. Ses concepteurs revendiquent une puissance de feu impressionnante avec une cadence de tir de 300 coups/min, une portée efficace de 12 km et un projectile capable de perforer une épaisseur d’un mètre de blindage, ajoutant que « trois ou quatre obus de ce calibre de marine remplaceraient facilement 20 à 30 obus de 30mm». Certains observateurs affichent leur scepticisme à la vue des chiffres disponibles, selon lesquels ce canon percerait 130mm de blindage RHA à 1000m, performances équivalentes à celles d’un canon Mk 44 de 40mm et à peine supérieures à celle du même canon en calibre 30mm, soit 120mm de blindage RHA à 1000m, le 40mm CTA affichant quant à lui 140mm de RHA à 1500m. Même si le gain de performances existe, la puissance du système proposé impose cependant son montage sur un véhicule lourd, capable de supporter l’arme et ses effets. Un accord technique a été signé au cours d’IDEX 2015 entre la Russie et les Émirats Arabes Unis pour l’intégration de cette arme sur le blindé local ENIGMA, présenté au cours de ce même salon, équipé d’une tourelle de BMP3. Ce blindé devenu aujourd'hui Rabdan est en service au sein des Land Forces émiriennes, avec la tourelle du BMP3. 

Le canon 35/50mm BUSHMASTER III.  Basé sur la technologie du canon M242 de 25mm, le canon 35/50mm complète la gamme des canons de type « Chain Gun » produits par OATK dans laquelle on trouve : Le M242 Bushmaster, d’un calibre de 25mm, dont plus de 10 000 exemplaires sont en service.  Le Mk230 LF développé pour l’hélicoptère Apache et adopté sur des plates formes terrestres telles que le MRAP Oshkosh doté d’une Remote Weapon Station (RWS). Le Mk44 Bushmaster II de 30mm utilisé par une vingtaine de forces (terrestres et navales) dans le monde. Le Mk44 S Bushmaster IV est la version 40mm du précédent. Enfin, toujours basé sur le principe du M242, le Bushmaster III est un canon de 35mm proposé sur la version export du CV90, et en service au Danemark, au Pays Bas et en Estonie. Ce canon est convertible au calibre de 50mm par changement d’un certain nombre de composants. Le tir de munitions de 50mm a été testé par l’armée américaine dans un concept de contre batterie et de lutte anti drone, à l'aide de différents capteurs. Ce canon est en outre présenté par OATK comme peu intrusif et aisément adaptable aux tourelles déjà existantes dans le cadre de programmes de revalorisation. L’augmentation des dimensions des canons de la famille Bushmaster, est majoritairement supportée par le tube, le receveur et le boitier alimentation conservent des proportions compatibles avec les tourelles existantes.

Les canons présentés ci-dessus ont vu leurs calibres augmenter tout comme la panoplie de munitions disponibles.

Des munitions de plus en plus performantes. Suivant la tendance affichée par les canons, les munitions n’ont cessé de se perfectionner pour offrir de plus en plus de puissance et d’efficacité. L’augmentation des calibres et donc des projectiles a permis la mise en service de nouvelles munitions, dont le tir par les canons modernes est devenu une exigence. Parmi ces dernières, certaines sont étroitement liées à un type de canon, alors que d’autres sont destinées à enrichir les possibilités offertes par les armes existantes. Des munitions inédites. Le cœur du système du canon CTA 40mm étant basé sur l’utilisation de munitions spécifiques, leur développement a accompagné celui de l’arme pour permettre aux utilisateurs de disposer d’un choix équivalent à celui des munitions « classiques ». Les munitions proposées sont les suivantes :

- GPR-AB-T (General Purpose Round-Air-Burst-Tracer) munition programmable contre les cibles faiblement blindées et les fantassins. Avec une vitesse initiale de 1000m/s; cette munition peut percer 210mm de béton renforcé, à une portée de 2500m. Cette munition est connue sous le nom de « Air Burst Munition » ou ABM.

- GPR-PD-T (GPR-Point Detonation-Tracer) destiné à créer des brèches ou détruire des ouvrages en béton armé. Trois obus permettent de créer une brèche autorisant le passage d’un fantassin. Cette munition possède des performances similaires à la précédente, avec une portée de 2000m.

- APFSDS-T (Armour Piercing Fin Stabilized Discarding Sabot - Tracer) capable de percer 140mm de RHA (blindage de l’arc frontal des véhicules de combat de première génération) à 1500m. La vitesse initiale du projectile est supérieure à 1500m/s et la portée est de 2500m.

- Deux autres munitions d’entrainement sont disponibles pour cette arme, reproduisant les caractéristiques des munitions réelles.

Comme on peut le constater, les utilisateurs potentiels de cette arme disposent d’un choix de munitions permettant d’effectuer la majorité des missions, avec de bonnes aptitudes au combat en zone urbaine. Leur spécificité les rendant uniques, ces munitions imposent la mise en place d’une logistique dédiée à l’approvisionnement des véhicules équipés de ce canon. L’interopérabilité et la standardisation sont aujourd’hui limitées aux seuls utilisateurs déclarés, la France et le Royaume Uni ; les accords de défense existant entre la France et des pays du GCC pourraient favoriser l’adoption de cette arme, l’interopérabilité serait alors au cœur de la coopération entre les deux pays, comme cela est déjà le cas avec le Leclerc utilisé par les Émirats Arabes Unis. A côté de ce système, les fournisseurs de munitions moyen calibre ont développé de nouvelles munitions pour les armes en service ou prochainement disponibles. La munition Supershot de 50mm développée dans le cadre du programme Extended Area Protection and Survivability (EAPS) pourrait être dotée de capacités de correction de trajectoire, d’une tête militaire à fragmentation de nouvelle génération et d’un système de trajectographie. Son utilisation serait couplée à celle d’un radar et pourrait permettre l’engagement de drones.

Une gamme classique enrichie. La gamme de munitions existantes s’est enrichie de nouvelles munitions appelées ABM, Air Burst Munition. Ces munitions fonctionnent à l’aide d’une fusée programmable permettant de déclencher l’explosion du projectile à une distance ou un temps donné et de répandre les éléments contenus dans celui-ci. Munition particulièrement adaptée pour la neutralisation de fantassins, ou d’aéronefs évoluant à basse altitude, l’ABM reste une munition certes efficace mais avec un cout d’utilisation élevé. Cette limitation semble en réduire l’usage à des pays possédant des budgets conséquents. L’autre limitation imposée à l’usage de ces munitions est celle liée au type d’arme ; en effet certaines armes ne peuvent utiliser ces munitions. C’est le cas du canon M242 de 25mm et du M230 LF 30mm d’Orbital ATK. Pour cette arme comme pour le canon M811 25mm du VBCI des études viseraient à les doter de cette capacité, importante pour de nombreux utilisateurs. La mise en service des munitions ABM a ouvert la voie au développement de munitions intelligentes capables de s’adapter aux nouvelles menaces.

Le développement de futures munitions antipersonnel pourrait se faire autour de cette  capacité de programmation et d’une réduction du cout unitaire des projectiles. Le programme EXACTO (Extreme Accuracy Tasked Ordnance) de la DARPA portant sur le guidage des munitions de petit calibre a donné dès 2015 des résultats prometteurs avec l’intégration dans une munition de 50mm d’un système de guidage et de correction de trajectoire.

Le traitement des engins blindés plus lourds confié jusqu'à présent à des armes de calibre supérieur est maintenant permis pour les armes de moyen calibre, grâce au développement et au perfectionnement des munitions à énergie cinétique ou flèche. Le calibre de 25mm est celui à partir duquel l’emploi de munitions de type APFSDS est possible. Comme les munitions de plus gros calibre, les munitions flèche de moyen calibre imposent des contraintes importantes en termes d’utilisation. Avec des vitesses initiales élevées et des portées accrues, ces munitions imposent la mise en place de conduite de tir et d’optiques performantes, capables de prendre en compte tous les paramètres du tir. En outre, ces munitions font subir des contraintes mécaniques importantes aux armes particulièrement aux tubes, qui doivent faire l’objet d’une maintenance attentive. L’évolution des munitions de moyen calibre est continue, la miniaturisation des composants et l’augmentation de la taille des obus pourraient permettre d’intégrer de nouvelles capacités, telles que le guidage, la polyvalence, ou même la discrimination d’objectifs, permettant leur emploi dans des milieux atypiques face à des menaces sans cesse renouvelées.

Raison d’être des tourelles moyen calibre, les canons sont en pleine évolution pour offrir des performances accrues. La technologie actuelle permet de reconsidérer des calibres longtemps oubliés et développer des armes pouvant s’adapter aux marchés de la rénovation. Plus que l’acquisition de nouveaux systèmes complets, de nombreux pays, liés par des contraintes financières cherchent à revaloriser à meilleur cout leur parc existant. La polyvalence et la puissance de feu, recherchées par les états-majors pourraient amener les fabricants à proposer des solutions inédites se basant le concept de modularité, pour développer les tourelles du futur.

3. QUEL AVENIR POUR LES TOURELLES MOYEN CALIBRE ?

Ce travail de prospective réalisé à base de sources ouvertes n’a d’autre prétention que fournir des éléments de réflexion sur l’avenir des tourelles moyen calibre. Le montage d’armes lourdes sur des porteurs légers peut-il remettre en question le développement des tourelles classiques dont l’avenir se décline peut être en termes de spécialisation et de puissance de feu.

Des montages de plus en plus atypiques
La dernière conférence des utilisateurs de canons Bushmaster a permis de découvrir les montages réalisés par Orbital ATK et ses partenaires sur des véhicules légers. Les affuts de montage des armes sur véhicules ont évolué et peuvent être employés pour des canons lourds. La société VIPER a présenté un canon M230LF avec couloirs souples d’alimentation sur un affut terrestre GS230. Will Wennberg, de la société Nobles, a souligné “ Le bénéfice réel de ce montage est son cout raisonnable, il vous donne le type de létalité habituellement obtenue par des tourelles téléopérées […] vous maximisez la perception de la situation avec un tireur qui peut voir ce qui se passe.». L’auteur de cette déclaration met en avant la possibilité offerte par ces montages d’obtenir des puissances de feu conséquentes à des couts raisonnables, mais également la meilleure appréhension de situation par un tireur ayant des vues directes sur le terrain. Un pays du Moyen Orient aurait déjà manifesté son intérêt pour ce type d’équipement. Dans cette région ou ailleurs, de tels véhicules peuvent s’imposer aux dépens des tourelles téléopérées classiques, même si ces dernières possèdent des arguments en matière de protection et d’emport. 

La modularité des tourelles téléopérées. Les montages d’armes sur des véhicules légers privent leur utilisateur d’une certaine modularité, avec un système uniquement dédié à une mission de feu, sans blindage, ni capacité d’emport supplémentaire. A l’inverse, les tourelles téléopérées permettent de bénéficier d’un espace sous blindage avec un gabarit réduit et une silhouette discrète. Ces caractéristiques les rendent particulièrement apte à tenir un rôle de plateforme multi capteurs, restant armée d’un armement principal d’un calibre n’excédant pas 30mm. Ceci afin de conserver un gabarit contenu et de bénéficier des munitions existant pour ce calibre telles que les munitions ABM. Dans ce rôle, ces tourelles pourraient être équipées d’optiques performantes de type boule 360° stabilisée (télescopique ?), disposant d’une vision nocturne performante et d’un télémètre laser pouvant être couplé au système C4I, en vue de transmettre des coordonnées en temps réel. La capacité ABM pourrait se révéler utile dans le cadre d’une utilisation de cette plateforme contre des menaces de type drones. La mise en œuvre d’un drone à partir de ce type de tourelle pouvant également être envisagée, « débarrassant » les tourelles lourdes et puissamment armées de cette mission. L’équipage installé en châssis pourrait disposer des outils nécessaires à la programmation, au suivi et à l’exploitation du vol de l’engin. La société CMI a ouvert la voie en réalisant l’intégration d’un UAV dans une tourelle de moyen calibre. Les progrès dans le domaine des capteurs embarqués permettent d’envisager la miniaturisation de beaucoup de composants et d’offrir à court terme ces possibilités. Parmi les tourelles évoquées précédemment, la CPWS 25/30 présente déjà un gabarit contenu, tout comme la TRT 30 ou la Samson MkII. Ce dernier élément les autorisant à agir en environnement hostile, car possédant des capacités de feu supérieures à celles des véhicules spécialisés équipés d’une simple mitrailleuse. Le programme français de Véhicule Blindé Multi Rôles (VBMR) léger pourrait donner naissance à une plate-forme de ce type. Enfin, débarrassées des éléments de blindage lourds et de leur armement offensif, ces tourelles polyvalentes pourraient être dévolues à des missions de sécurité intérieure pour lesquelles des armes non létales peuvent être intégrées. La gamme de projectiles disponibles pour ce type d’armement peut autoriser l’équipement d’une même tourelle en plusieurs versions aptes à la surveillance et à l’intervention. Véritables systèmes d’armes, les tourelles téléopérées polyvalentes possèdent des capacités d’évolution leur permettant de tenir un rôle essentiel sur les futurs théâtres d’opérations, sur lesquels elles pourraient côtoyer des véhicules d’un type nouveau. 
 
Un nouveau type d’engin.
Les deux types de plateforme de moyen calibre évoquées précédemment pourraient être complétées par des véhicules développés pour accomplir de nouvelles missions. Sorte de « chainon manquant » entre les Véhicules de Combat d’Infanterie et les chars lourds (dont on a vu les vulnérabilités dans les opérations en Syrie et au Yémen) ces nouveaux véhicules sont appelés Armoured Combat Vehicles (ACV) ou Combat Reconnaissance Vehicles (CRV). Plusieurs programmes illustrent cette tendance, centrée autour de la puissance de feu et de la létalité des armements embarqués. Le Jaguar français développé dans le cadre du programme Scorpion, armé d’une tourelle de 40mm CTA est destiné à remplacer des engins dotés d’armes plus lourdes (AMX10RC 105mm, ERC SAGAIE 90mm et VAB HOT) en offrant des capacités de destruction supérieures. Cet engin est destiné à évoluer aux côtés des VBCI conservant leur armement de 25mm. On peut simplement regretter que ce programme ne prévoit aucun engin pour accompagner les chars Leclerc avec l'appui d'unités d'infanterie puissamment armées et fortement blindées. 
Autre programme, le projet australien Land 400 vise à renouveler un certain nombre de véhicules mais aussi à acquérir de nouvelles capacités. Le projet de Combat Reconnaissance Vehicle voit ainsi s’opposer deux engins puissamment armés et lourdement protégés.

Une compétition emblématique. Le Patria AMV 35 équipé d’une tourelle BAE Hagglunds identique à celle du CV9035 équipée d’un canon Mk44 de 35mm, mais n’offrant pas de capacité missile. L’AMV 35 a une protection maximale de niveau 4 (STANAG 4569) contre les projectiles à énergie cinétique et les explosions. Il n’est pas clairement établi que ce véhicule puisse être porté au niveau 6 demandé par l’armée australienne. Le Boxer est doté de la tourelle Lance 35mm équipée de missiles antichars Spike avec une protection active et un blindage de niveau 6. La réponse initiale de Rheinmetall prévoyait un canon de 30mm, rapidement remplacé par le canon de 35mm, afin de combler le différentiel existant avec son concurrent. L’adoption par les deux concurrents d’un canon de 35mm pourrait permettre de porter son calibre à 50mm, en fonction de l’évolution de l'arme. Ces deux programmes illustrent la recherche par les armées modernes d’engins modernes, puissants capables d’accompagner les formations blindés, dans le même esprit que celui dans lequel furent conçues les premières tourelles de moyen calibre. L’armée américaine a entrepris une revalorisation du Bradley qui devrait également l’amener à ces standards.
A l'issue des évaluations menées par les services australiens, le Boxer allemand équipé de la tourelle Lance a été déclaré vainqueur de cet appel d'offres (voir ci dessous). 
Un véhicule atypique. Enfin l’armée russe a développé le concept de Tank Support Combat Vehicle avec son véhicule Terminator entré en service en 2011. Basé sur un châssis de T90, équipé d’une tourelle armée de deux canons de 30mm, de deux lance grenades AGS 17 ou AGS 30 et de quatre missiles AC de type ATAKA. Le canon de 30mm (2A72 ou 2A42 ?) peut tirer toute la gamme de munitions disponibles. La conduite de tir numérisée serait celle du T90, autorisant le tir dans différentes configurations. La protection repose sur la combinaison de blindages traditionnels et réactifs. Le BMP-T Terminator II a été dévoilé en 2013, cet engin est la conversion du char T-72 en véhicule d’appui. La tourelle est inédite et téléopérée, avec un équipage réduit à trois hommes et la suppression des lances grenades. L’idée serait de remplacer les tourelles des chars les plus anciens pour les transformer en véhicule d’appui feu. La tourelle du BMP-T pouvant être intégrée sur le châssis du T55. Le Kazakhstan est pour le moment le seul client export de cet engin.

Trois ans après avoir écrit la première version de cet article, le paysage des tourelles de moyen calibre a quelque peu évolué. En France la tourelle du Jaguar est maintenant clairement définie, comme beaucoup de ses concurrentes elle associe à un canon de calibre moyen des missiles AC en l’occurrence une paire de MMP de MBDA. L'innovation apportée par cette tourelle réside dans le choix du canon CTAI de 40mm comme armement principal. 

 
En Australie, le véhicule qui tiendra le rôle du Jaguar sera le Boxer CRV qui a remporté la Phase 2 du programme Land 400. Cet engin est équipé d'une tourelle biplace Lance armée d'un canon de 35 mm combiné à des lances missiles antichars Spike( fabriqués par Rafael) et doté d'un système de protection active, Trophy. Autre originalité de cet engin, il peut embarquer 4 soldats équipés.
 

La phase 3 de programme Land 400 a vu la présélection pour la période de "Risk Mitigation Activity" du Lynx KF41 de RheinMetall et du RedBack d'Hanwha. Le premier est équipé d'une tourelle Lance 2.0 dont l'originalité repose sur la présence de pods de mission de chaque côté de la tourelle. Ces pods peuvent recevoir différents sous systèmes comme des missiles antichars Spike, des disperseurs de "loitering munitions", des lanceurs d'UAV ou encore des équipements de guerre électronique ou des senseurs. 
 
Le blindé sud coréen est équipé d'un module de combat T2000 développé par la société australienne Electro Optical Systems (EOS) en collaboration avec Elbit Cette tourelle peut être armée d'un canon d'un calibre de Bushmaster de 30 à 50mm combiné à un lance missiles antichars Spike. Sur cet engin on trouve également un système de protection active (APS) Iron First ainsi que le système Iron Vision permettant à l'équipage d'obtenir une vision sur 360° tapes fermées.
 
Ces deux tourelles représentent les tendances actuelles des équipements dans ce domaine avec des modules lourdement armés, blindés et équipés de systèmes de protection active dont l'utilité face aux missiles antichars n'est plus à démontrer. La phase de Risk Mitigation Activity devrait se terminer fin 2021 pour une décision finale en 2022. 

Aux États-Unis, le remplacement du presque quadragénaire Bradley tourne au psychodrame avec les annulations successives des programmes de remplacement (Cf. Post sur le sujet). Aujourd'hui ce programme est relancé avec un appel aux industriels américains du secteur qui affichent cependant quelques réticences à s'engager une nouvelle fois dans un programme dont ils ne connaissent ni le calendrier, ni les objectifs et volumes. Leurs hésitations pourraient les motiver à s'allier à des sociétés étrangères capables de présenter des engins qui pourraient être équipé de sous-ensembles américains dans les domaines de l'armement, de la protection,.... De telles alliances ont déjà été nouées pour les programmes précédents : RheinMetall avec Raytheon, BAE Systems et Northrop Grumann ou encore SAIC et Boeing. Il devient urgent pour l'armée américaine de remplacer le Bradley qui est arrivé au bout de son évolution dans sa configuration actuelle.

Ce tour d’horizon mis à jour permet de constater que durant les quarante dernières années les tourelles moyen calibre se maintenant des systèmes d'armes à part entière. Leurs performances les rapprochent désormais d’armements de calibre supérieur. Entre plateforme minimaliste, tourelle polyvalente et véhicule lourd de combat, les possibilités d’évolution des tourelles moyen calibre sont nombreuses. Cependant les récents affrontements (Syrie, Yémen) ont montré que la puissance de feu et la protection restaient les caractéristiques majeures de l'action des engins blindés. 
Les tourelles de moyen calibre seront au coeur des programmes de rénovation ou d'acquisition de nombreuses forces armées dans les années à venir.

2 commentaires:

  1. Toujours intéressant vos articles et il y a un suivi!
    https://www.areion24.news/2020/05/27/appui-dinfanterie-le-retour-aux-calibres-lourds/

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  2. C'est pas fini pour espérer faire quelque chose du Jaguar...
    https://www.forcesoperations.com/des-evolutions-en-cours-et-a-venir-pour-le-jaguar/

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