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jeudi 21 septembre 2023

MGCS : P'TÊT BEN QUE OUI, P'TÊT BEN QUE JA !

Blablachars était devant son écran d'ordinateur pour assister en "live" à la conférence de presse commune des deux ministres de la défense diffusée depuis la base aérienne d’Évreux sur laquelle ils se sont rencontrés  accompagnés des organismes et états-majors concernés. La petite synthèse proposée ci-dessous permettra à chacun de se faire une idée sur une conférence assez brève et au cours de laquelle on a pas appris grand chose, à l'exception de quelques doutes devenus des certitudes après cette intervention. Les commentaires qui suivent cette tentative de synthèse renvoient à des points précis sur lesquels Blablachars a souhaité revenir. 

Pour ceux qui en doutaient encore le MGCS se fera contre vents et marées et sous direction allemande, les propos introductifs du MinArm ont confirmé le deal SCAF contre MGCS ! Après un préambule mettant en exergue les points forts de la coopération entre les deux pays avec une mention appuyée à l'escadron de transport franco-allemand? le MinArm a ensuite évoqué le MGCS en soulignant qu'il ne s'agissait pas d'un nouveau Leopard, ni d'un nouveau Leclerc mais de quelque chose de différent qui introduira des ruptures technologiques sans oublier une vocation à être exporté. 

Cet engin ne sera pas un objet seul mais un système comprenant plusieurs modules avec une fonction feu classique mais aussi plus moderne comme les armes laser, à énergie dirigée ou encore une forte dimension cyber. Les aspects de protection, d'intégration d'intelligence artificielle et la prise en compte de la menace cyber seront au coeur des ruptures technologiques. Le cout du maintien en condition et du soutien de ce futur système sera également l'objet d'une attention particulière. Concernant l'histoire récente du programme, selon le MinArm, depuis le 10 juillet la méthode s'est affinée, avec la réaffirmation du rôle de pilote des états et une méthodologie qui reste à arrêter. Dans ce dernier domaine, le SCAF est le référentiel, à la fois pour les points positifs et pour les sujets de désaccord. C'est dans ce cadre que les deux CEMAT ont signé un document commun harmonisant les besoins opérationnels des deux armées pour ce programme, dont le leadership est donc assuré par l'Allemagne. C'est à ce titre que le MinArm a cédé la parole à son homologue allemand afin qu'il en détaille le calendrier, dans une intervention qui n'a pas été traduite sur You Tube, laissant les non germanophones dans l'ignorance d'un point pourtant essentiel. 

Les questions posées en fin de conférence ont porté sur les récentes annonces relatives à l'existence d'un programme de recherches européen, vu par certains comme un concurrent du MGCS. Les deux ministres ont répondu qu'il n'en n'était rien. Côté français, le budget de 30 millions d'euros de ce programme suffit à caractériser ce programme comme une simple étude, au cout nettement inférieur à celui de la modernisation du Leclerc, soit 500 d'euros. Côté allemand, B Pistorius s'est borné à rappeler que ce projet était le fait de compagnies privées et que l'état allemand n'y était pas engagé. 

Concernant l'ouverture du programme MGCS et le statut d'observateur qui pourrait être accordé à d'autre pays, la porte reste ouverte mais une fois que les choses seront définies, ce qui devrait être fin avant la fin de l'année selon B Pistorius. Le MinArm a évoqué à plusieurs reprises l'Italie et les Pays Bas comme pays intéressés par ce sujet. 

Interrogé sur la possibilité de considérer le MGCS comme le successeur du Leopard 2, les deux ministres (surtout le MinArm) ont réaffirmé le caractère innovant du futur engin, qui ne doit pas succéder au Leopard 2 ou au Leclerc mais le remplacer par quelque chose de neuf et de nouveau. Sur ce sujet, les deux hommes ont observé une certaine discrétion en expliquant que les propositions et les travaux menés n'étaient pas publiques et donc non communicables à la presse ! L'harmonisation des besoins est une question cruciale et le choix d'une structure modulaire permettra de compenser les divergences en donnant à chacune une version adaptée à ses besoins, tout en respectant l'interopérabilité voulue par l'Otan. Cette harmonisation des besoins a été concrétisée plus tôt dans la journée par la signature par les deux chefs d'état-major d'un document commun sur le sujet. 

Signature du document par les deux chefs d'état-major (Photo M. Cabirol)

Le ralentissement du rythme du programme constaté ces derniers mois a été expliqué par S Lecornu par le choix de traiter successivement les dossiers, en commençant par le SCAF avant d'aborder le MGCS. Le MinArm a complété son propos en précisant qu'il attendait le vote de la LPM pour avancer sur le sujet. Enfin, le MinArm a conclu en soulignant qu'il était important de ne pas aller trop vite dans la formulation des conclusions du conflit ukrainien, même si des priorités se dégagent déjà comme les drones, le cyber et la robotique. 

COMMENTAIRES : 

- Comme évoqué en début de synthèse, les choses sont désormais claires, le deal SCAF contre MGCS est acté ! Assurant un leadership technologique incontestable sur le SCAF grâce (entre autres) au développement quasi ininterrompu du Rafale, la France qui n'a pas consenti le moindre effort pour le Leclerc ne peut donc se prévaloir d'une telle position pour le MGCS et se voit "contrainte" de laisser la main aux Allemands pour ce programme. Nous récoltons les fruits d'un ostracisme envers le char affiché et assumé depuis de longues années par les différents responsables civils et militaires. 

- Quels sont les éléments, sous-ensembles concernés par la modularité supposée remédier aux divergences de doctrine d'emploi et donner à chacun le système souhaité ? Doit-on imaginer des systèmes dotés d'une motorisation, d'un canon ou d'un système de protection active distincts ou a contrario envisager une modularité limitée à des sous-ensembles précis (viseurs, suspension,...). Cette modularité sera probablement au coeur des discussions / négociations entre les différents acteurs étatiques et industriels. 

- Le calendrier dont la présentation était pour Blablachars incompréhensible mérite d'être précisé, les deux ministres ont donné l'impression de vouloir aller vite. Cette volonté vise peut-être à réduire les potentielles oppositions, par un raccourcissement des délais de négociations, un processus décisionnel de gré à gré et une mise aux ordres des industriels.

- La reprise en main du projet par les deux états, réaffirmée aujourd'hui confirme bien la dimension politique de ce programme, qui doit désormais avancer coute que coute. On attend de voir la réalité de ce virage, facile à négocier en France avec une forte empreinte publique dans les industries de défense terrestre, mais peut être plus délicat outre-Rhin avec des entreprises privées dotées d'actionnaires très différents mais peu ouverts au dirigisme économique. En outre cette reprise en main sonne probablement le glas des illusions françaises de voir des solutions nationales retenues, sauf recours à une modularité alors salvatrice ! 

-L'ouverture du programme reste donc envisageable à un horizon qui reste difficile à définir. La position retenue par les deux ministres est d'ouvrir le programme une fois que les choix sont faits, ce qui selon B. Pistorius pourrait être le cas en fin d'année. Les velléités de coopération extraeuropéennes n'ont pas été évoquées, mais on a eu la confirmation de l'intérêt italien et néerlandais pour le programme. On peut imaginer que la modularité supposée aplanir les divergences d'emploi, puisse également s'appliquer au choix des observateurs.

- Enfin, l'évocation des futures exportations du MGCS reste quand même revêtue d'une grande incertitude qui n'a pas été dissipée. Quid de la politique allemande en matière d'exportation d'armement vers des pays demandeurs, mais ne correspondants pas à l'ethos de notre partenaire ? Demain pourrons nous vendre de façon indépendante un char comprenant des composants allemands à un pays qui ne plait pas à Berlin ? Avons nous oublié les différents embargos et blocages allemands ayant affecté l'exportation de certains de nos matériels ou équipements ? Sur ce sujet, le MinArm a simplement évoqué l'exportation du MGCS vers des pays alliés et probablement avec l'accord de Berlin. 

Paraphrasant la fameuse formule normande ( la rencontre avait lieu à Évreux) on pourrait dire qu'aujourd'hui le MGCS c'était p'têt ben que oui, p'têt ben que Ja !

14 commentaires:

  1. "Ils sont fous ces Européens !"
    Ob-F-élix

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  2. le deal MGCS contre SCAF c'est plutot pas mal de notre coté. Mais alors où ils font une grosse place à nexter (car dassault est minoritaire sur le SCAF si on compte les 5 piliers), ou alors il laisse vraiment le leadership à la france sur ce sujet.

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  3. En clair, il s'agit de laisser le sort de questions relevant de notre souveraineté nationale à l'appréciation et au bon vouloir de pays tiers. Pari risqué, au regard des menaces actuelles et à venir.

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  4. Rien n'est fait ni ficelé, que ce soit pour le SCAF ou pour le MGCS. Les enjeux politico-industriels sont énormes et les divergences nombreuses. Les difficultés seront dans les caractéristiques techniques et l'emploi. L'export reposera sur la réciprocité d'un éventuel embargo...
    Nous en sommes qu'au début : qui vivra, verra... ou pas !

    Les systèmes numérisés et connectés se feront dune manière ou d'une autre, même à minima. Seuls certains standards et normes devront être communs pour être interopérables.

    Pour négocier correctement avec l'Allemagne, il faudrait commencer par avoir une meilleure situation économique.

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  5. Un coup oui, un coup non, un coup oui, un coup non, un coup oui, on attends donc le prochain "coup".
    Le feuilleton, de plus en plus ridicule, continue.

    Pour le reste on est en pleine science fiction, de dans vingt ans, et dans les plans sur la comète.
    On sait pourtant ce qu'ont donné tous ces brillantes tentatives auparavant.
    Mais on continu...

    Que des mauvaises nouvelles en fait, avec celle du Scaf, qui va seller en grandes parties l'avenir du Rafale, ne serait ce qu'en futures commandes, que sur le fait qu'ils sont bien en train d'enterrer tout tentative de continuation d'un char français.
    Plus de mark 3 donc cette fois ci (Un coup je te voit, un coup je ne te voit plus !!! ... :
    Quelle com à deux balles en plus, qui abuse de moins en moins de monde je crois, au moins faut-il l'espérer.) !! ...

    Chaque jour apporte désormais son lot d'ordre et de contre-ordres, de com dans un sens, puis dans l'autre ; ou le chaud et le froid pour mieux noyer le poison.
    Une chose reste cependant sûr : Il veulent tuer le char français.
    Mais bon ça on le savait déjà un peu, depuis vingt ans... On en a aujourd'hui, la confirmation ; pour ceux qui en doutait encore.

    Ah au fait, les allemands sont très content : Ils peuvent tranquillement vendre leur Léopard2A8 à toute l'Europe et un peu plus, tout en préparant leur futur char (Kf51 ou Léopard3 ?), avec accessoirement quelques subsides des contribuables français en plus (C'est-y pas beau...).
    Merci pour eux et pour leurs industries...

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  6. Salut tout le monde,

    "Côté allemand, B Pistorius s'est borné à rappeler que ce projet était le fait de compagnies privées et que l'état allemand n'y était pas engagé. " il faut être bien naif pour croire que des industriels européen lancent un programme militaire indépendemment de leur gourvernement.
    Croire cela c'est juste accepté d'avaler toutes les couleuvres...

    Perso je doute que le programme MGCS aille à son terme, néanmoins la France n'a que peu d'alternative viable si bien que j'interprète cela comme une possibilité de jouer la montre afin de pouvoir mieux se retourner ultérieurement. A suivre.

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  7. @ anonyme: c'est l'inverse pisotirus parlait du projet européen FMBT qui est le fait de compagnies privées, concernant le MGCS il a rappelé que c'était les armées allemandes et françaises qui étaient aux commandes , la signature entre les deux chefs des corps armées du document harmonisant les besoins des deux armées va permettre aux industriels de ce mettre aux travail, l'on parle de chars sur blablachars mais il est fort possible que le projet MGCS ne soit que des briques technologiques qui seront ajoutés sur des véhicules existants ou à venir
    penandreff

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    1. Bonjour penandreff
      Oui je sais. Par contre pensez-vous vraiment que les industriels réunis au sein du FMBT s'engagent dans ce programme militaire sans le soutien du gouvernement comme semble l'affirmer Mr Pistorius? Personnellement je n'y crois pas une seconde...
      L'Allemagne préférera laissé pourrir le MGCS plutôt que de l'abandonner. Après il faut aussi comprendre la position allemande, car si le partenaire francais accepte toutes les conditions pourquoi cracher dans la soupe?

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  8. Ben, si c'est pour faire un char lambda et le vendre en petit nombre et à perte, le contribuable ne s'y retrouvera pas non plus... et il aura d'autres cha(r)ts à fouetter à l'avenir.

    Refaire une industrie du char indépendante dans le contexte actuel, c'est de la science-fiction économique.

    Effectivement dans 20 ans le char des années 80 sera obsolète dans son concept et son emploi, même en y rajoutant quelques gadgets. Il faut penser autrement et innover pour exister, y compris en matière de Défense.
    De plus, l'export est de plus en plus conditionné par les coopérations, offsets, transferts techniques et industriels. Nous ne sommes pas les USA ou la Chine. Le VBEA en est un exemple et une éventuelle coopération avec les Emiriens serait du même tonneau.

    Dans la période nous ne pouvons compter politiquement et pour l'emploi que sur le Leclerc XLR. Même un pseudo EMBT nous sera difficilement accessible sans passer par l'industrie Allemande, via KNDS, Arqqus n'étant pas mieux placé. Reste un achat sur étagère ou sous license (!?).

    Un éventuel plan "B" du MGCS devrait passer par un ou des nouveaux châssis qui ne relèveront pas forcément du Leo-X ou d'un Leclerc newlook. Il va s'en dire que cela demanderait de nombreux investissements. Politiquement, nous n'en prenons pas le chemin (personne se pousse pour être au chevet de notre pauvre char) et l'autofinancement de nos derniers industriels (?) sont limités dans les blindés franco-francais.

    Donc, le "grand soir" du char Frâânnçais n'est pas pour aujourdhui. :(
    Qu'en sera-t-il demain, je ne suis pas un prophète, ni un décideur "décisif".

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    1. OUI vous avez raison, grand prophète, "on n'est trop petit".
      L'immobilisme et le retrait, "en marche"...

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    2. "Pas pour aujourd'hui" ; ça, c'est sûr ...

      Ni pour demain, peut être dans quatre ans, avec des gens un peu moins idéologues et un peu plus pragmatiques.

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  9. Une fois de plus, nous delaissons une approche incrémentale au profit d'une approche fondée sur la rupture technologique, alors que la rapidité et le foisonnement des évolutions technologiques rendent le long terme peu visible.a moins que le MGCS ne soit en réalité devenu d'avantage un programme exploratoire, style Neuron, qu' un projet industriel. Pourquoi pas dans ce cas, la fameuse modularité permettant a chaque partenaire de mettre en œuvre les briques technologiques qui auront été portés à maturation.

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    1. Oui vous avez tout à fait raison : On ve encore s'embourser nous même, tout seuls (Les allemands doivent bien rire.), avec une énième tentative d'eurofighter hypothétique et véritablement de science fiction. Alors que nos besoins sont ici, et maintenant.
      Mais ce n'est pas comme si n'avions pas des budgets à balancer allégrement par la fenêtre désormais, encore plus que d'habitude et que ces dernières décennies victorieuses même !!!

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    2. ... s'embourber, nous même, comme depuis vingt ans avec nos chimères de plus en plus dé-"connectées" (Un comble... Pour certains.).

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