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mardi 2 avril 2024

UNE ENQUETE AUX RESULTATS AUSSI SURPRENANTS QU'INQUIETANTS !

L'hebdomadaire d'information militaire Army Times a publié il y a quelques jours les résultats d'une étude dont l'objet et les résultats sont aussi surprenants qu'inquiétants. Se basant sur des chiffres collectés auprès de l'armée américaine en vertu du Freedom of Information Act, les journalistes de Army Times ont construit une base de données relative aux décès des soldats américains dans les années 2019, 2020 et 2021. Cette base de données a permis de définir la localisation, les unités, la catégorie ainsi que les "brigades combat teams" concernés, y compris ceux ayant été transformés dans les années concernées. L'étude ne concerne que les personnels d'active dont la mort n'est pas liée à des actions de combat, des meurtres ou à des maladies. 

Cette étude a permis à l'hebdomadaire de découvrir que les 19000 membres d'équipages de blindés ont un taux de suicide trois fois plus élevé que les autres soldats de l'armée américaine et que ceux appartenant aux Armored Brigade Combat Teams (ABCTs) présentent un taux de suicide deux fois supérieur à celui des autres formations de l'armée américaine. En dépit de chiffres différents, 457 suicides recensés par Army Times contre 494 actes similaires répertoriés par l'armée américaine sur la même période, cette dernière a confirmé les résultats de l'étude et a indiqué que les membres des ABCT et plus particulièrement ceux des brigades Stryker avaient connu le taux de suicide le plus élevé de l'ensemble des formations. Les deux unités les plus affectées étaient dans ces années le 3ème régiment de Cavalerie stationné à Fort Cavazos (Tx) et le 1er Stryker Brigade Combat Team basé à Fort Wainwright (Ak). A l'opposé le 2eme Régiment de Cavalerie stationné en Allemagne a connu le plus faible taux  de suicide durant les années étudiées, même si chaque unité blindée a connu un taux de suicide plus élevé que dans les forces n'appartenant pas aux formations blindées. 

Taux de suicide par emploi 2019-2021 (Source Army Times)
 

Avec plus de 30000 suicides de personnels d'active et de vétérans depuis le 11 septembre 2001, soit quatre fois plus que le nombre de morts au combat, l'armée américaine continue de "subir" les conséquences de ses nombreux et violents engagements. Les chiffres contenus dans l'étude de l'hebdomadaire pourraient être liés au suremploi particulier des unités blindées de l'armée américaine depuis les 10 dernières années.  Avec des déploiements pouvant atteindre une durée de neuf mois et un intervalle maximum de 18 mois entre deux projections, le personnel des formations blindées seraient plus exposés à ce type d'acte. Cette enquête dont les résultats restent bien évidemment tragiques, rappelle une fois encore le facteur humain reste déterminant dans la mise en oeuvre des formations blindées. En dépit du développement rapide d'engins terrestres téléopérés, le combat blindé a encore besoins d'équipages en nombre suffisant pour maintenir un équilibre indispensable entre activités opérationnelles et vie privée.


Nombre de suicides et effectifs des BCTs 2019-2021 (Source Army Times)

Taux de suicide des membres d'équipage blindés (Source Army Times)

9 commentaires:

  1. Cela questionne sur quelle est la capacité de l'US Army à prendre en charge le PTSD (Post Traumatic Stress Disorder) ? Via la médecine militaire mais aussi les hôpitaux de Vetérans

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  2. les méthodes de commandement sont peut être a remettre en cause, dans le civil en France il faut ce rappeler le procès des dirigeants des PTT ou certains experts avaient clairement indiquer que certains harcèlements / pressions pouvaient pousser au suicide.
    le sujet est délicat car d'un côté il y a le besoin d'avoir des troupes "endurcies" et de l'autre il faut remplir les effectifs et donc accepté des profils pas forcement les mieux adaptés , selon l'OMS: 1/5 de la population français souffre de troubles psychiatriques, ce taux doit être le même aux USA et dans les armés .

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  3. Ou tout simplement est ce que ce sont les sociétés, occidentales, qui ont beaucoup changé ces dernières décennies (Beaucoup moins de résiliences à tous niveaux, et beaucoup plus de fragilité et d'instabilités psychologiques ?).
    Ce qui m'explique cependant pas du tout la différence des taux entre les différentes armes ?

    Une différence de plus du double entre différentes unités de combat et armes assez étrange ; mais sans doute y a t-il une explication relativement rationnelle à cela (Comme quoi le seul fait de monter dans un blindé augmenterait le stress ou induirait un état dépressif particulier ? !!!) ?
    La différence avec les autres armes "non combattantes" (Comme certains disent aujourd'hui.) s'expliquerait sans doute plus facilement ; et encore ?

    Le facteur humain est effectivement, et évidemment, bien plus déterminant que beaucoup d'autres. Que sur la seule technologie par exemple, sur laquelle on fonde aujourd'hui toute nos stratégies d'emploi et d'intervention pourtant ! ...

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  4. Les difficultés de recrutement actuelles reposent en partie sur la motivation et l'intérêt des candidats, mais aussi sur les aptitudes intellectuelles, physiques et psychotechniques. Elles ne sont pas propres aux Armées françaises, ni à l'univers militaire...
    La condition de soldat ne peut pas être qu'alimentaire ou un espoir d'ascension sociale, "il faut" d'autres motivations, même en étant assis confortablement devant un écran...

    Les troupes endurcis sont l'apanage des vieilles troupes qui ont connu le feu et ses conséquences. Cette affirmation, qui paraît logique pour l'usage des armes et la résilience, demande à être modulée en considérant les troubles évoqués par la suite.
    De même, qui peut prédire sa réaction face à l'adversité et la peur au-delà des intentions et de son vécu ?
    L'expérience ne renforce pas toujours, accepter les événements sans les comprendre est ambivalent. Ceux qui "montaient à Verdun" se considéraient déjà comme morts pour espérer survivre...

    Extérioriser son stress ou ressenti est salutaire, l'un peut se mesurer pas l'autre. De nombreux tabous ou pudeurs martiales demeurent, dont celui de la guerre "propre" ou légitime, ainsi que le fier silence du "soldat" qui se doit d'être courageux et mortel à tout moment et occasion.
    La réalité est bien différente, un travail ou "entraînement" est sûrement à effectuer en amont pour informer concrètement et préparer les esprits aux horreurs potentielles, risque à provoquer des défections. Celles-ci existent bien avant le recrutement dans des sociétés bien plus rudes que la nôtre...

    Cette approche commence à s'établir dans les cursus de formation, y compris dans le civil.

    Après des combats ou situations subies, le retour "à la vie" et ses frasques demandent à être bien appréhendés, aussi bien pour les blessés physiques que psychiques. C'est un autre univers.

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  5. J'ai occupé tous les postes dans un char, engagé comme EVAT (Engagé Volontaire de l'Armée de Terre) 5 ans en 1968 (j'avais à l'époque un CAP de mécanique général), j'ai démarré comme pilote AMX 30, puis j'ai occupé les postes de chargeur et de tireur, passé Sous-officier, j'ai occupé les postes de chef de char, Sous-officier adjoint de peloton puis chef de peloton pendant 6 ans, puis instructeur à l'EC (École de Cavalerie) à Saumur, Officier de tir et Maitre de tir au 11 Régiment de Chasseur à Berlin,, instructeur Leclerc à l'EC, aux EAU (31 bataillon, 3 brigade à Sharja), Expérimentateur Leclerc série II et XXI à la STAT.
    Pour moi une grosse partie du problème vient du sur emploi des simulateurs (formation qui ne coute pas cher), mais qui n'a rien avoir avec les contraintes que l'ont subis dans un char mème à l'entrainement, dans un simulateur le feu ennemi ne blesse pas, ne tue pas, ne rend pas indisponibles tout ou partie de votre engin, un jeune équipage qui a passé des heures en simulateur a tendance à confondre la réalité avec un jeu vidéo à plusieurs vies.
    La déception est d'autant plus grande face à la réalité du combat, qui devient difficile à supporter et entraine vers la dépression et le suicide.
    Bernard

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    1. Oui, vous avez raison, la piste de l'abus de simulateurs, voire même simplement l'indigence actuelle des entrainements et préparation "en vie réelle" sur le terrain, face au choc subit des vraies interventions, est sans doute à étudier.

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    2. O tempora o mores... La réalité, la vraie, est celle des combats ou pressions excessives.
      Effectivement, elles sont difficiles à simuler au-delà de l'apprentissage, des drills ou manoeuvres et sans se mettre en danger physiquement ou psychiquement.
      Trop souvent idéalisée dans nos sociétés modernes elle nous happe dans les faits. Ainsi, des traumatismes ont été constatés avec des opérateurs de drones très distants des opérations. Rester seul avec des responsabilités à assumer et sa conscience n'est pas une démarche aisée dans un environnement idyllique.

      L'acte suicidaire est complexe et difficile à expliquer même avec des arguments rationnels et factuels.

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    3. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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