
A chaque char détruit par un drone ou un missile, certains s'empressent d'annoncer la mort du char provoquée par son impuissance face aux nouvelles menaces ! Pourquoi une telle réaction alors que personne n'envisage la suppression de l'infanterie en dépit des pertes subies par cette corporation et encore moins celle des drones dont de nombreux exemplaires de toutes nationalités rencontrent fréquemment la planète au cours de leur mission. On peut reconnaitre que certains équipages de chars facilitent plutôt la tâche des opérateurs de drones en faisant fi des mesures de sauvegarde les plus élémentaires au cours de leurs déplacements et stationnements ! Les images de ces conflits poussent encore un peu plus les chars dans l'abime budgétaire dans laquelle leur modernisation s'est déjà perdue. Le débat en cours outre manche a pour enjeu la première modernisation du Challenger2, plus de vingt ans après son entrée en service. Il est alors très facile de présenter le char comme obsolète quand pendant plusieurs années son entretien, sa maintenance sa modernisation ou l'entrainement des équipages ont fait l'objet de mesures d'économies quasi systématiques. Ceux qui s'interrogent aujourd'hui sur l'utilité du char ne sont-ils pas les mêmes que ceux qui s'interrogeaient hier sur l'utilité des moyens de défense sol air ou de franchissement de coupure humide ? Toutes les opérations menées depuis trente ans ont lieu avec la maitrise du ciel et sur des théâtres comptant peu de coupures humides.
Nous célébrons cette année le trentième anniversaire de l'opération Desert Storm et de son volet français, l'opération Daguet. Celle-ci fut le paroxysme de la logique de corps expéditionnaire ayant présidé à la création de la Force d'Action Rapide (FAR) quelques années auparavant. On raccrocha in extremis à la Division Daguet un Groupe d'Escadrons de 40 chars avant son déploiement dans le désert saoudien alors que la grande majorité des armées engagées déployaient des chars lourds en nombre. Les crises qui se multiplient soulignent la nécessité de disposer de moyens blindés mécanisés crédibles. En ce moment même et en dehors de toute considération politique, quelle armée européenne serait capable d'intervenir dans les combats entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan dont les échanges de politesse se font à coup de T-72, BMP2 et autres pièces d'artillerie ? Trente années ont passé depuis l'opération Daguet, le temps d'une génération nourrie au lait de l'intervention et de la projection. Peut-elle encore ignorer le réarmement général dans le monde, le réveil des nationalismes et les ambitions territoriales de certains pays ? Dans le panel de solutions dont nous devons disposer, le char est un outil majeur, il permet d'économiser du potentiel humain et d'imposer un rythme et une volonté à l'ennemi. Avant d'enterrer le char, il faut aussi penser à ce qui constitue le coeur de cet engin, son équipage. Animés par un esprit unique, ces membres d'équipage qui aiment et connaissent leur char s'instruisent et s'entrainent pour en tirer le meilleur parti et remplir les missions qui leur sont confiées. Car comme l'infanterie, la cavalerie blindée est une arme de combat direct, de combat au contact.
Le char a de l'avenir, car contrairement à ce que beaucoup pensent, il faudra toujours des engins capables de porter le feu dans le camp ennemi de façon brutale et inattendue. L'avenir du char sur le champ de bataille passe par la présence d'un environnement cohérent capable de combattre à son rythme, une composante blindée mécanisée. Cette vision ne traduit aucune nostalgie ou passéisme, ni même une volonté de revenir aux guerres du passé. Pour certains, évoquer le combat blindé mécanisé revient à ne rien comprendre aux guerres futures et uniquement souhaiter le retour engagements passés ! Il serait opportun de constater que les guerres présentes ont plutôt tendance à consacrer le blindé comme instrument quasi universel d'expression de puissance et de volonté.
Le char n'est pas mort, demain grâce à de nouvelles technologies, il tirera plus loin, plus vite, il verra mieux et sera plus versatile. IL sera capable de combattre l'ennemi le plus simple monté sur un pick-up comme la force la plus complexe. Autour de lui apparaitront de nouveaux engins de combat dont les VCI modernes nous donnent aujourd'hui un petit aperçu. Ils seront certainement plus gros et plus lourds mais posséderont des capacités infiniment plus importantes que les blindés actuels. A côté des évolutions technologiques, celles des menaces imposent un renouvellement des parcs ou leur adaptation sous peine d’obsolescence ou de maintien en service couteux. Pour faire à ces menaces évolutives, de nombreux pays sont en train d'acquérir des capacités blindées mécanisées tandis que d'autres développent, produisent et exportent des engins de plus en plus lourds et puissants.
Pour toutes ces raisons, le char a de l'avenir en dépit des pertes subies dans les différents engagements. Au delà des images et des raccourcis, le char a simplement besoin de disposer des moyens qui lui sont nécessaires. Il a également besoin que ceux qui veulent l'enterrer fassent preuve d'un peu de discernement avant de le condamner et de le renvoyer au musée des guerres passées, présentes et futures.