Le premier exposant visité, GDELS (General Dynamics European Land Systems) permettait de retrouver l'ASCOD 2 présenté en mai dernier à Bucarest avec une tourelle UT30 Mk2, ici surmonté d'une tourelle Guardian 30 produite par la firme espagnole Escribano et qui équipe déjà le VCR 8x8 Dragon en cours de livraison à l'armée espagnole. La firme hispano-américaine a profité du salon Eurosatory pour signer avec Escribano un accord de coopération sur les marchés export. La présence de la Secrétaire d'Etat à la Défense espagnole Amparo Valcarce et de l'Amiral Aniceto, directeur de l'armement et des matériels de l'armée espagnole lors de la signature de cet accord pourrait indiquer que celui-ci ne porte pas exclusivement sur les marchés export. Il pourrait également servir de cadre à l'équipement du futur VCI espagnol, destiné à remplacer les M113 TOA. Le choix de la tourelle Guardian 30, permettrait à l'armée espagnole de disposer d'une tourelle unique pour ses deux VCI rejoignant ainsi plusieurs armées, ayant fait un choix identique comme l'Allemagne, la Pologne et peut être demain la Roumanie avec la tourelle UT 30 Mk2 équipant déjà ses Piranha V, et que l'on pourrait voir sur l'Ascod comme évoqué plus haut.
L'ASCOD 2 équipé de la tourelle Guardian 30 |
Autre fabricant visité, BAE Systems sur le stand duquel on pouvait découvrir le best-seller maison dans sa dernière version, aux côtés d'un engin aux dimensions impressionnantes. Le premier engin est bien sur le CV90 MkIIIc, standard incorporant les modifications adoptées par l'armée néerlandaise pour la rénovation de ses 122 engins dans le cadre du programme MLU (Mid Life Update). Décrire la totalité des innovations intégrées sur cet engin serait long, tellement rien ne semble lui manquer : chenilles souples, système de protection actif, viseur chef nouvelle génération architecture ouverte compatible NGVA, suspensions actives.... Tout cela est contenu dans un VCI de gabarit raisonnable et nanti d'une mobilité satisfaisante, avec un poids de 40 tonnes propulsé par un moteur DSI 14 Scania de 800 ch, lui donnant un rapport poids puissance de 20 ch/t.
A côté du CV90 à la silhouette plutôt compacte, BAE Systems présentait une version musclée de l'AMPV (Armored Multi Purpose Vehicle) à l'aspect plutôt massif. L'engin en cours de livraison dans l'armée américaine au sein de laquelle il doit remplacer les M113, a déjà connu des adaptations destinées à augmenter sa létalité avec l'adjonction de systèmes d'armes téléopérés comme l'EOS R-800S. Pour le salon BAE Systems avait choisi de doter l'AMPV d'une tourelle OshKosh, déjà choisie pour équiper les Stryker Upgunned. Le montage de cet équipement sur l'AMPV est permis grâce à l'adoption de l'ExMEP (External Mission Equipment Package) autorisant le montage possible de plus de trente systèmes d'armes différents comme un mortier sous tourelle ou un ensemble de lutte antidrones. Avec ce nouveau montage, soulignant une possible communauté de tourelle entre le Stryker et l'AMPV, BAE Systems démontre la polyvalence et la modularité de l'AMPV et ce au prix d'un gabarit plutôt imposant.
AMPV avec tourelle Oshkosh / Rafael Samson
Le troisième engin exposé par BAE Systems est l'ACV (Amphibious Combat Vehicle) équipé de la tourelle téléopérée Protector RT-20 produite par Kongsberg et en cours d'évaluation par le Corps des Marines américains. L'engin présenté à Eurosatory est une des quatre versions de l'ACV dont les Marines ont commandé plus de 200 exemplaires pour un montant de 1,2 milliards de dollars. L'engin qui partage sa plateforme avec les 36 véhicules commandés par l'Italie en 2023 pourrait intéresser des marines étrangères désireuses de moderniser ou d'acquérir une capacité amphibie.
ACV 30 de BAE SYstems avec la tourelle RT-20 de Kongsberg
La suite de notre déambulation nous permet de confirmer les ambitions polonaises pour le Borsuk, présenté pour la première fois en dehors de la Pologne. Le VCI polonais exposé permet de voir en détail ces différents composants, au premier rang desquels la tourelle ZSSW-30 armée d'un canon Bushmaster Mk 44 de 30x173mm et d'un lanceur double pour des missiles antichars Spike. L'engin présenté est également équipé d'hydrojets pour rappeler aux éventuels clients son caractère amphibie, caractéristique oubliée depuis de longues années par de nombreuses armées dont l'armée de terre. Le Borsuk démarre à Eurosatory sa carrière internationale avec de sérieux atouts pour conquérir de nouveaux marchés, parmi lesquels une silhouette homogène, un gabarit raisonnable et peut-être un prix contenu.
Le Borsuk équipé de la tourelle ZSSW-30
L'étape suivante nous conduit vers les fabricants italiens qui présentent plusieurs engins au coeur de l'actualité blindée internationale. Le premier d'entre eux est le Super AV, commandé en décembre 2022 à 36 exemplaires par la marine italienne pour équiper la Brigade San Marco. Commande qui pourrait être suivie par d'autres demandes comme celle de la Marine espagnole qui souhaiterait remplacer ses AAV-7 et qui ont pu admirer l'ACV au dernier salon FEINDEF. Le Super AV est présenté avec une tourelle HITFIST® UL dévoilée l'année dernière par Leonardo, dont le poids réduit permet l'adoption sur des engins légers comme l'amphibie italien annoncé à 31,5 tonnes.
Le Super AV d'IDV équipé de la tourelle HITFIST® UL de Leonardo
L'autre vedette du stand italien est bien sur le Centauro II toujours aussi impressionnant et auréolé de son premier succès à l'export. Le chasseur de char italien est équipé d'une tourelle HITFACT MkII de Leonardo qui peut accueillir un canon de 105 ou de 120mm selon les besoins. Selon son constructeur, le changement de calibre est une opération simple (?) qui nécessite le démontage du masque et des tourillons avant de procéder au remontage des nouveaux et de replacer le masque adapté au nouveau canon. Pour le chargeur automatique d'une capacité de 12 obus, un kit de réduction du diamètre des alvéoles permet au système dimensionné à l'origine pour des obus de 120mm, d'accueillir des obus de 105mm. De façon surprenante, Leonardo indique que les données relatives aux munitions doivent être chargées dans la conduite de tir après le changement d'artillerie. L'engin présenté à Eurosatory, un des derniers produits, était équipé d'une conduite de tir permettant la programmation des munitions Airburst.
Vue arrière du Centauro II de la tourelle HITFACT MkII
Franchissant la Méditerranée, nous arrivons dans la zone d'exposition dédiée aux industriels turcs sur laquelle l'Altay est absent, laissant la place à des produits originaux ou déjà vus. La défens sol-air est massivement représentée chez Aselsan avec le montage de la tourelle Korkut sur un châssis d'Arma 8x8 développé par Otokar. La tourelle qui était montée jusqu'à présent sur un véhicule chenillé ACV-30 de FNSS est armée de deux canons Oerlikon KDC-02 de 35mm d'une cadence de tir de 550 coups/minute et de la capacité ABM (AirBurst Ammunition) couplés à un radar de conduite de tir, travaillant en collaboration avec les autres véhicules du système composé de trois engins de tir et d'un véhicule de commandement doté d'un radar tridimensionnel de recherche et d’acquisition. le montage de cet équipement sur un châssis à roues pourrait ouvrir de nouveaux marchés au système turc, et séduire les forces armées déjà utilisatrices de l'Arma 8x8.
Tourelle Korkut sur châssis Arma 8x8
Otokar présente son Arma II équipé d'une tourelle XC-8 105HP développée par John Cockerill Defense, absente du catalogue du constructeur belge. La forme allongée de la tourelle laisse deviner le recours à un système de chargement automatique, pour faire de cet engin un chasseur de char, susceptible de concurrencer le Centauro II italien. La mention HP évoque un canon à haute pression permettant de tirer les munitions de 105mm les plus puissantes, en dépit de la présence d'un frein de bouche permettant de réduire l'effort de recul de l'arme. Le design extrêmement dépouillé de la tourelle belge tranche avec celui de sa petite sœur la 3105, dont elle reprend le canon.
Arma II Otokar avec tourelle XC-8 105HP
L'Arma 6x6 n'est pas oublié avec la présentation de l'engin en deux versions, un APC armé d'une mitrailleuse de 12,7mm montée sur un tourelleau, version déjà choisie par l'Estonie. L'autre version de l'Arma 6x6 intègre une tourelle téléopérée maison, la Mizrak 25 armée d'un canon de 25mm, dérivée de la Mizrak 30. Comme cette dernière la tourelle de l'Arma intègre des viseurs vidéo jour/nuit, un télémètre laser ainsi qu'un système de suivi automatique des objectifs.
Arma 6x6 en version APC et VCI avec la tourelle Mizrak.
Toujours chez Otokar, on peut approcher un engin découvert à l'occasion du World Defense Show, le Tulpar équipé de la tourelle italienne HITFACT MkII. La solution transalpine permet au constructeur turc de proposer une alternative au montage précédent, celui de la tourelle belge 3105 et de démontrer les possibilités d'évolution de son châssis chenillé. Du côté de Leonardo, ce nouveau montage confirme également les possibilités d'installation offertes par la tourelle téléopérée qui peut être montée sur des engins neufs ou rénovés. Ce concept vise à accroitre l'offre existante sur le segment des chars médians, que certains voient comme les successeurs naturels des engins lourds sévèrement mis à mal en Ukraine.
Tulpar équipé de la tourelle HITFACT Mk II
BMC en charge de la production du char Altay, présente son VCI Altug déjà vu dans plusieurs salons est équipé de la tourelle téléopérée Korhan d'Aselsan. La tourelle qui fut dévoilée en 2022 est armée d'un canon de 35mm à double alimentation, avec 100 coups disponibles. La fourniture d'un VCI à roues à l'armée turque pourrait voir une opposition entre l'Arma II en 8x8, le Pars III de FNSS et l'Altug de BMC. Ce dernier pourrait bénéficier de la proximité des dirigeants de l'entreprise avec le pouvoir turc pour s'imposer dans cette compétition. Le VCI de BMC est également un concurrent sérieux pour la fourniture au Qatar de ce type d'engins, l'émirat étant actionnaire à 49,9% de la firme BMC.
Si l'on parle de blindés, on ne peut faire l'économie d'une visite au pays des cerisiers en fleurs dont le pavillon voisine avec celui de la Roumanie ! L'attraction principale de cet espace est bien sur le char K2 présenté par Hyundai Rotem en version EX. La présence de ce char à Eurosatory confirme les ambitions européennes du constructeur sud-coréen qui aimerait renouveler son succès polonais. La commande initiale de Varsovie de 180 chars annoncée en aout 2022 pourrait être complétée au mois de septembre prochain par la signature au cours du salon MSPO d'un accord portant sur la livraison de 180 chars supplémentaires, nombre qui laisserait 640 chars à produire en Pologne. L'engin présenté à Eurosatory embarque de nombreuses innovations parmi lesquelles système de lutte antidrone sur lequel aucune information n'est disponible.
A côté de cet engin bien connu, Hyundai Rotem expose sa vision du futur des chars sous la forme d'une maquette accompagnée de quelques caractéristiques parmi lesquelles on trouve un canon de 130mm ! Doit-on voir dans ce choix, le signe d'une possible coopération germano-coréenne, ou la simple traduction de la volonté de Hyundai Rotem de doter son futur char d'un armement principal de ce calibre ? A côté de ce canon, le Next Génération MBT embarque plusieurs innovations avec l'intégration d'un lanceur missile rétractable, un système de protection multicouches composé d'un système de protection active KAPS (Korean Active Protection System), d'un système antidrone ADS (Anti Drone System) et d'un système de brouillage des missiles antichars DIRCM (Directional Infrared Counter Measures). A noter que le moteur de cet engin est placé dans la partie avant du châssis, solution qui permet le montage de la tourelle téléopérée sur l'arrière du châssis, pour faciliter l'installation de la capsule de survie abritant l'équipage de trois hommes. La mobilité de l'engin dont le poids annoncé est de 55 tonnes serait assurée par une propulsion électrique dont l’énergie serait fournie par une pile à combustible. Si ces différentes solutions sont pour certaines basées sur des technologies déjà matures et d'autres restant à explorer, elles illustrent le dynamisme du constructeur sud-coréen en matière d'innovation.
Next Generation MBT par Hyundai Rotem
Le stand sud-coréen est complété par une présentation grandeur nature du K239 Chunmoo, le lance roquettes multiple produit par Hanwha, choisi par la Pologne, les Émirats Arabes Unis et l'Arabie saoudite. Le fabricant sud-coréen expose également une maquette de son VCI AS-21 Redback.
Après une escapade du côté de l'empire du milieu, sur le stand duquel on peut surtout admirer de belles maquettes, Blablachars a terminé ce "tour du monde en 80 stands" par un passage sur le stand de John Cockerill, dont la présence sur le salon est démultipliée par les tourelles montées sur différents engins. Sur le stand lui-même on peut découvrir un M113 armé d'une CPWS 25 (Combat Protected Weapon Station), association dont l'idée a peut être germé lors de la modernisation de plusieurs M113 belges réalisée par la firme belge avant leur transfert à l'Ukraine en juillet 2023.
Bien que les deux industriels s'en défendent, le stand du fabricant liégeois contenait un clin d'oeil (volontaire ?) aux discussions en cours entre Arquus et John Cockerill avec l'intégration sur la tourelle 3105 d'un tourelleau Hornet S T3 équipant déjà le Jaguar. Comme sur le blindé français, le tourelleau n'est pas doté de couronne lance fumigène, ce qui a pour effet de limiter son poids à 194 kg. L'équipement français est installé à la place du viseur chef qui équipe la tourelle d'origine, sans que l'on sache si le tourelleau assure la totalité des fonctions traditionnellement dévolues au viseur chef. Les prochaines présentations nous permettront de mesurer la pérennité de cette combinaison.
Le stand de la firme belge est complété par la présence désormais incontournable de l'i-X, l'intercepteur maison qui pour l'occasion a troqué sa livrée sable pour une couleur plus en accord avec les paysages européens. L'engin qui peut atteindre selon son constructeur la vitesse de 200 km/h sur route et 160 km/h dans le désert peut emporter une grande variété d'armements comme des canons de 25 ou 30mm, des missiles antichars ou des roquettes. La faible protection de l'i-X face aux agressions balistiques (Niveau 2 du Stanag 4569), est compensée par l'hypervélocité de l'engin que les vitesses maximum annoncées rendent impossible à acquérir, même si l'immense majorité des terrains ne se prête à ce genre de sport.
Cette évocation de quelques uns des matériels blindés présentés à Eurosatory confirme la tendance observée par les très nombreux visiteurs, celle d'une bascule vers des forces mieux protégées, plus puissantes et toujours plus connectées. La sidération liée au démarrage du conflit ukrainien quelques mois avant l'édition 2022 du salon a fait place cette année à une véritable prise en compte des menaces et de leur évolution probable, se traduisant par une augmentation perceptible des dépenses consacrées aux nouveaux équipements.
Merci pour ce tour d'horizon passionnant !!
RépondreSupprimerLa tourelle XC-8 de JCD est une Tourelle remontant à quelques années déjà que l'on retrouve donc à nouveau.
RépondreSupprimerUne confirmation des grandes tendances de fond de ces dernières années : La protection en général et surtout.
RépondreSupprimerLa puissance et la cohérence (connexion.) des systèmes restant somme toute plutôt assez stables :
30mm - 120 mm (Futur 130 mm adapté à l'augmentation des performances des blindages actuels ! ...), et dans le deuxième domaine cela se manifeste principalement par le retour de l'antiaérien très récent (Retex d'Ukraine oblige.).
Que ce soit pour les VCI chenillés, autre grand retour de tendance, que pour les véhicules sur roues, tous les grands constructeurs acteurs sont là :
Espagne, nouveau CV90, AMPV (Et ses déclinaisons avec mortiers sous tourelle blindée et lutte anti drones (Si chers à certains.) notamment.), jusqu'à l'anomalie ACV, pour un engin spécifiquement destiné aux opérations amphibies (? !), y compris bien évidemment les tous nouveaux entrants comme les polonais, ou encore l'Italie, jusqu'aux turcs, et évidemment la Corée du sud (Quelle vitalité et quelles capacités d'innovations !!), voire même les extravagances belges, et outre les poids lourds allemands, évoqués précédemment, évidemment.
Il ne restera plus qu'à mentionner pour être complet, une absence (Sur un salon en France en plus !!), que l'on ne remarque même plus ; ou un effacement, voulu et programmé...
L'industrie répond aux demandes ou va au-devant de la clientèle en proposant un catalogue de ce qui se fait de mieux. C'est le but des salons...
RépondreSupprimerLa France fait dans l'électroménager. Faut-il s'en étonner en considérant ce qui reste de nos industries "lourdes", comme celle de l'automobile qui a été "externalisée".
"Pas grave", chacun fera ses emplettes en fonction de ses besoins et moyens.