L'été 2025 devrait rester dans les annales blindées comme celui au cours duquel a sonné le glas d'un futur char français pouvant remplacer notre vaillant mais déjà âgé Leclerc. Les plus optimistes pourraient souligner que nous avons quand même vu défiler dix exemplaires de la version rénovée de notre char, qui avec les trois EBG représentaient un peu moins de 10% des véhicules défilant, les 90% restants étant bien sur montés sur roues et en majorité capables d'être embarqués à bord d'un A400M. Ces pauvres chars ont même été présentés sur France 3 comme le fleuron de l'artillerie française ! A côté de cette démonstration de "puissance blindée" et au lendemain d'un discours présidentiel oubliant de mentionner que si 2017 était l'année zéro de la remontée du budget de la Défense, elle était aussi celle de la démission du Général de Villiers qui estimait ne pas avoir les moyens nécessaires à l’exécution de sa mission, Blablachars vous livre quelques commentaires sur les événements blindés de la période estivale !
L'été n'avait pas encore commencé quand le concept de "division de la lose" fut porté sur les fonds baptismaux cathodiques par un chroniqueur étoilé, ancien de la maison. Quelques jours auparavant, loin de la France et de ces tracasseries franco-françaises, profitant de la réunion des ministres de la Défense de l'Otan, six pays annonçaient leur intention de se doter d'un engin commun. Le CV90 de BAE Systems et poussaient leur volonté d'intégration jusqu'au choix d'un armement unique. Début juillet, Varsovie annonçait la signature d'un contrat portant sur l'acquisition de 180 chars K2 supplémentaires qui permettront à la Pologne de disposer à terme de 610 chars (360 K2 et 250 M1A2). Non loin de là, la Lettonie confirmait sa volonté de doubler le nombre de ses VCI blindés avec la commande de 42 ASCOD II de GDELS (General Dynamics European Land Systems) qui viendront compléter les 42 engins commandés en janvier 2025. Toutes ces nouvelles auxquelles on pourrait ajouter l'installation officielle en Lituanie de la Panzerbrigade45 ou les développements de nouveaux engins confirment donc la poursuite de l'édification lente et méthodique de la " confortable couche de brigades blindées mécanisées nordiques, polonaises, baltes, allemandes, tchèques, slovaques et américaines." Cependant le flanc rhénan de notre pays étant encore un peu dépourvu, l'Allemagne qui avait annoncé en mai dernier son intention de passer à la vitesse supérieure, confirmait ses ambitions avec une commande potentielle de 1000 chars Leopard 2A8 et Leopard 3. Cette commande permettant de réunir les frères ennemis de l'industrie de défense terrestre allemande, KNDS Deutschland et Rheinmetall, pour le plus grand bonheur du MGCS. Cette annonce du Chancelier allemand constitue pour certains une bonne nouvelle, mais pourrait se révéler moins agréable pour d'autres.
Si, comme Blablachars, on est partisan d'une solution française basée sur une véritable rénovation du Leclerc ou sur le développement d'une plateforme polyvalente multi-missions pouvant servir de base à un futur VCI chenillé (évoqué dans la dernière livraison de la revue Fantassins), à un engin du Génie, à une plateforme de défense antiaérienne et bien sur à un char, sans oublier son potentiel d'exportation sur un marché en manque de vrais chars médians. Concept que l'on peut rapprocher de celui de famille, évoqué par le Général Schill qui avait illustré son propos par l'exemple de l'AMX 13 et qui s'intégrerait au projet TITAN de rénovation du segment lourd également appelé aussi segment de décision, que nos chefs de corps fantassins ont baptisé segment de rupture.
Si au contraire, comme pour le DGA la solution envisagée passe par la fabrication sous licence de chars allemands, synonyme d'un affaissement de notre BITD terrestre, d'un retour en arrière de 30 ans pour nos régiments et de l'apparition d'une problématique RH centrée autour d'un char servi par un équipage de quatre hommes quand le Leclerc n'en compte que trois. Ce qui serait un renoncement placerait notre pays dans une situation de dépendance technologique qui ne semble choquer personne, s'agissant de chars. Il aurait été intéressant d'entendre le DGA proposer la fabrication sous licence d'Eurofighter en lieu et place du Rafale F5 pour permettre d'attendre le SCAF dans les meilleures conditions et de ne pas écorner le totem de la coopération franco-allemande. On imagine les réactions dans les milieux industriels concernés, sans parler de l'émoi du monde politique et de la hiérarchie militaire.
Dans le premier cas, l'annonce allemande montre que Berlin n'a pas besoin de nous pour avancer dans le domaine des chars et confirme les propos tenus par Ralf Ketzel en octobre 2023, pour lequel le MGCS est avant tout un programme politique. L'annonce du Chancelier allemand pourrait être donc être considérée comme une bonne nouvelle, sauf que la France ne semble manifester aucune volonté de s'engouffrer dans l'intervalle pour développer et proposer une solution nationale. Si en France, certains objectent qu'il est aujourd'hui difficile de se prononcer avec exactitude et précision sur la nature et la disponibilité des briques technologiques dans les quinze prochaines années, certains pays ne s’embarrassent pas de telles réserves en optant dès aujourd'hui pour un char de transition doté des technologies disponibles et matures. Si l'on considère que nous sommes à la veille d'une véritable "révolution" blindée avec l'introduction de l'intelligence artificielle, de la téléopération, de la dronisation, du tir au delà de l'horizon ou encore des projectiles guidés et hypervéloces, cet horizon ne doit pas constituer un obstacle à l'adoption dès maintenant d'un nouveau char. Celui-ci devra être doté d'une architecture modulaire ouverte pour lui permettre d'intégrer les évolutions futures. Nous avons a capacité de la faire, la fenêtre qui s'ouvre devant nous avec les projets allemands constitue une opportunité unique que nous devons saisir. Plus qu'une question de capacité, ce choix est une question de volonté !
Pour les aficionados de la fabrication sous licence, l'annonce allemande est clairement une mauvaise nouvelle, restreignant les possibilités françaises à la portion congrue. Si les projets de Berlin venaient à être confirmés, les capacités industrielles de nos voisins seraient probablement toutes mobilisées autour des besoins locaux. Cet engagement se ferait probablement au détriment de la formation et de la mise en place dans notre pays des outils industriels nécessaires à la réalisation de ce programme. Il est en outre à prévoir que les industriels allemands, dont la position dominante sur le marché des blindés serait encore confortée, ne nous accorderaient probablement aucune facilité technique, budgétaire ou industrielle pour nous permettre de mener à bien le projet. Cette orientation aurait donc pour effet de retarder le déroulement du programme et d'en augmenter sensiblement le cout ! La fabrication sous licence d'un char (Leopard 2A8 ou Leopard 3) nous placerait dans une situation plutôt inconfortable au moment de la fabrication du futur (hypothétique) MGCS, que nous aurions juste à fabriquer sous licence, sans oublier de nous plier aux diktats allemands en matière d'exportations.
Nous sommes donc aujourd'hui dans une véritable impasse, qui est le résultat de l'abandon depuis de longues années de notre composante blindée mécanisée. Cependant, nous ne devons pas céder à la "panique" et prendre dans l'urgence des décisions que nous pourrions regretter dans quelques années, alors que nous disposons des outils et des compétences pour combler le vide capacitaire actuel. Nos réussites passées (AMX 13, 30, Leclerc) n'appartiennent pas au passé, mais au contraire elles sont le socle de notre avenir blindé. En attendant un futur projet, nous ne devons pas abandonner le Leclerc encore très avance sur bon nombre de ses concurrents et que plusieurs pays regrettent de ne pas avoir acquis et qui voudraient bien voir sa fabrication relancée.
L'été blindé en pente douce, pourrait se transformer en été meurtrier si nous ne saisissons pas l'opportunité qui nous est offerte par l'annonce allemande. Celle-ci confirme que 2025 est bien une année capitale pour l'avenir de notre segment lourd, dont l'utilité sur le champ de bataille n'est plus à démontrer en dépit des nouvelles menaces, mises en lumière par le conflit ukrainien. Ces dernières n'ont pas dissuadé les nombreux pays qui ont fait le choix de se doter d'engins modernes. La France qui observe également ces opérations ne peut ignorer plus longtemps l'importance d'une composante blindée mécanisée dans les engagements modernes et prendre les décisions qui s'imposent pour tenter de réparer des décennies d'abandon !
@blablachars je comprend votre angoisse mais il y a des réalités et la première qui n'est jamais mise en avant est le rôle de la France en Europe , dans L'OTAN.
RépondreSupprimerLa France est plus vu comme une puissance maritime du fait de sa position géographique comme les UK avec sa flotte de sous-marins nucléaires et ses capacités maritimes mais aussi aériennes.
il faut savoir que les UK et la France contrôlent l'atlantique Nord et que le lien entre l'Amérique du Nord et le vieux continent est existentiel.
pour notre armée de terre il y a comme pour les UK la volonté d'avoir 3 divisions , une légère (para, marines) une moyenne sur roue et une lourdes sur chenilles.
pour les chars le Leclerc semble tenir la route par contre les VBCI à roue semblent ne plus être adaptés aux terrains glissants d'Europe de l'Est selon nos généraux.
la France achètera t elle des ASCOD ou des VC90 avec une tourelle en 40mm comme nos amis rosbifs?
penandreff
C'est sûr que la Royale et l'armée de l'air ont de gros besoins et que c'est essentiel, mais la composante lourde de l'adt est tout aussi essentielle, autant sur un potentiel conflit en centre Europe qu'ailleurs dans nos zones d'influences.
RépondreSupprimerEt avec la multiplications des effecteurs, la dronisation massive des armées étatiques comme des "pauvres types en tongs et babouches" il va falloir autre chose que des VBL et des Griffons si on veut pouvoir combattre avec efficacité dans la boue, le désert ou en ville.
Ajouté à ça l'aspect industriel et commercial. Pour notre bitd et pour l'export le marché du char et des VCI se devrait d'être quelque chose d'essentiel vu notre savoir faire, pour aujourd'hui et pour dans 50 ans, 70 ans, c'est ça investie, et le temps passe vite.
C'est tout de même consternant et incompréhensible de posséder l'un des meilleurs char dispo sur le marché depuis 20 ans et de ne pas avoir été foutu de le soutenir pour le vendre, et de l'avoir quasi immédiatement tout simplement abandonné sans pratiquement le moindre upgrade pendant ces mêmes 20 piges.
Malgré ça, il reste l'u des meilleures chars actuels, et sans aucun doute le meilleur dans certains domaines. La france possède un bijou dont le potentiel d'évolution est encore très important, et à l'heure ou les crédits augmentent ce n'est qu'une question de volonté de le faire durer, non pas à minima pour décorer, mais à maxima.
Pour ma part ma religion est faite depuis longtemps: Le Leclerc est sur le bord de la route car l'EMA est noyauté par des officiers donc la doctrine sur l'art de la guerre a exclu le segment lourd de l'adt, et ils n'en démordent pas, ce qui est le propre des doctrinaires.
Je trouve ça d'autant plus révoltant que la réserve, certes nécessaire, des officiers d'actives les empêchent de dire ce qu'ils pensent de cette voie sacrée, du moins publiquement, et du coup, la caravane passe !
Ce n'est pas l'EMA actuel ni celui du proche futur qui va modifier le cape dans les années à venir... A part des décision fortes de différents ministères intéressés au sujet, je ne vois pas le début d'un millimètre de changements à venir, hélas.
Je suis d'accord avec vous et cela ne me réjouît pas. L'imprégnation du Totem de la Roue ne disparaîtra que lorsque les Officiers n'ayant fait que des déploiements sur le Flanc Est seront à l'EMA et ce n'est pas pour aujourd'hui.
SupprimerOn doit garder son sang froid et ne pas se lamenter en vain. Etre pragmatique.
RépondreSupprimerLa priorité qui semble se poser, semble-t-il, c'est de doter l'infanterie méca de la division blindée, d'un vecteur plus mobile, mieux protégé et mieux armé que le VBCI à roues. (Ce qui ne veut pas dire que ces VBCI devraient aller à la casse, car ils pourraient très très utilement étoffer l'appui des unités simplement "motorisées" (sur Griffon et Serval).
Donc, disions-nous, pour l'infanterie blindé/mécanisée, il faudrait surtout un VCI chenillé , bien protégé et bien armé. Mais la France n'a plus du tout le temps, ni l'argent pour développer sa propre formule. Qui viendrait juste s'ajouter aux multiples autres produits européens similaires et éprouvés. Tout en étant hors de prix ). Donc, il faudrait nécessairement choisir un des produits du marché ( suédois, allemand, polonais, Hispano-anglo-autrichien et si nécessaire sud-coréen ) en choisissant et en achetant une de ces plates-formes "sur étagère" . Pour autant, elles seraient éventuellement dotées (surtout pour ménager certaines sensibilités et intérêts industriels légitimes) d'une tourelle française armée du 40 mm CTA ( qu'on l'aime ou pas, il est désormais implanté par le Jaguar, ainsi que dans la Marine). Agir ainsi serait la seule façon de ménager les besoins accrus et avérés du fantassin blindé français, dans un délai "court", compatible avec la dissuasion "conventionnelle" qui est absolument nécessaire si on veut éviter d'utiliser celle qui ne l'est pas....
Il va de soi que cette plate-forme chenillée serait aussi prévue en d'autres versions, parmi lesquelles une importante version anti-aérienne et anti-drones puissante et intégrée . Et peut-être même en une version "mortier-canon" de 120 mm (lisez un mortier 120 mm, sous tourelle, ce qui est le choix judicieux d'alliés de plus en plus nombreux) .
Concernant le char, il y a en effet tout lieu de penser que valoriser au maximum le Leclerc, serait la solution "intermédiaire" la plus rapide, tout en étant payable et tactiquement valide.
Toutefois, le fait que la modernisation (pourtant partielle) du char Leclerc s'étale sur un délai incroyablement long ( fin en 2035) rendrait n'importe qui septique sur les aptitudes et /ou l'agilité de ce secteur spécifique des fabrications militaires locales. Donc, la moindre des choses serait de diviser par au moins trois , le temps actuellement prévu pour la modernisation de ces machines. Cette modernisation doit inclure une vraie aptitude à se défendre "cinétiquement", contre les petits drones. Les suédois , les australiens et les ukrainien ont imaginé des méthodes efficaces basées sur de "simples mitrailleuses" assistées de moyens appropriés d'acquisition et de poursuite des cibles.
En plus, pour le char LECLERC, quitte à confier la chose à de l'expertise externe, il serait utile que des gens très qualifiés se penchent spécifiquement sur la remotorisation du char. Et s'il faut acheter un bon moteur "étranger" , eh bien il faut le faire et sans tarder. On se souviendra qu' adopter certains moyens identiques à ceux d' alliés , peut fortement faciliter les choses en temps de crise, quand tout manque et que tout est devenu compliqué !
Les temps ont changés, et l'ampleur des menaces aussi, chers amis. D'ailleurs, le moteur du SERVAL n'est pas spécialement français, je crois. Et ceux qui ont fait ce choix ont eû bien raison.
Préparer sa défense et préserver la crédibilité militaire d'un Pays , c'est aussi pouvoir faire preuve de réalisme. Il y a suffisamment d'autres domaines technologiques où la France est très estimée à l'international ! P.R.
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RépondreSupprimerC'est une option. Une deuxième option consisterait a développer une plateforme polyvalente de 45/50t ( cad avec un moteur a l'avant) avec des technologies sur étagères, qui ferait le lien avec l'hypothétique MGCS. La troisième option, consiste à considérer comme non prioritaire le développement par l'industrie nationale de véhicules blindés chenillés, en raison d'une plus value économique jugée insuffisante, et de choix militaires privilégiant d'autres vecteurs, essentiellement navals et aériens, ainsi que la guerre numérique.
Dans cette troisième hypothèse, que le discours du Président de la République le 14 juillet semble dessiner en filigrane, et que nos contraintes budgétaires pourraient imposer, ni le VBCI ni le Leclerc ne seront remplacés avant l'horizon 2040.
J'ajoute que l'option 1 exposée par PR semble la plus équilibrée, entre nos contraintes budgétaires et la préservation dune capacité militaire minimum. Elle pourrait donner lieu a des contreparties industrielles. Je pense notamment au développement bien engagé d'une coopération avec la Suède
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