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mardi 7 février 2023

LEOPARD DU CANADA

Le ministre de la Défense canadien a indiqué que le premier des quatre Leopard 2A4 promis par le Canada à l'Ukraine est arrivé hier en Pologne. Il a été acheminé par un avion cargo C-17 depuis la base canadienne d'Halifax vers un aérodrome polonais où il devrait être rejoint par les trois autres chars prévus ainsi que par les instructeurs canadiens chargés de la formation des futurs équipages ukrainiens. Les engins destinés à l'Ukraine font partie d'un lot de 80 chars acquis en 2009 auprès des Pays-Bas au moment où ceux-ci ont supprimé leur composante blindée. L'aérotransport de chars lourds ne constitue pas une première pour l'armée canadienne qui a déployé sept de ces engins en Afghanistan entre février 2007 et juillet 2011, date de l'arrêt de la mission de combat de l'armée canadienne dans le pays. Les images de cette opération permettent de rappeler à tous ceux qui l'auraient oublié, qu'un char lourd peut être aérotransporté dans un vecteur adapté ! 

QUELQUES INFOS EN PROVENANCE DES ETATS-UNIS

Les informations relayées ce jour par le Financial Times confirment que les chars Abrams promis à l'Ukraine par Washington seront construits par GDLS (General Dynamics Land Systems) dans son usine de Lima (Ohio). Les sources internes à l'entreprise indiquent que cette dernière pourrait fabriquer jusqu'à une douzaine de chars par mois. Selon ces mêmes sources GDLS attend désormais des éclaircissements  décision de l'administration américaine sur le degré de priorité à accorder à la fabrication des chars destinés à l'Ukraine par rapport aux commandes en cours, notamment celle destinée à la Pologne. Ces informations confirment également que les Abrams promis à Kiev seront dépourvus de tout blindage spécifique et seront profondément dégradés et privés de toute protection évoluée. Washington n'a donné aucune date pour la livraison des chars, l'administration américaine restant encore hésitante sur la version définitive des engins susceptibles d'être exportés vers l'Ukraine. Ce délai sera probablement mis à profit pour débuter la formation des équipages ukrainiens, dont la durée exacte est encore indéfinie. Le stage dispensé par l'armée américaine pour former ses équipages d'Abrams est actuellement de 22 semaines, soit cinq mois et demi ! L'addition ou la superposition des différentes contraintes évoquées laisse penser que les 31 chars promis à l'Ukraine par l'administration Biden ne devraient pas fouler le sol ukrainien avant la fin de l'année à moins qu'ils ne soient jamais être déployés !

lundi 6 février 2023

UNE REDUCTION QUI INTERROGE !

Quelques jours après l'arrivée des premiers soldats ukrainiens au Royaume-Uni pour une formation sur Challenger 2, prévue durer six semaines, la perspective d'une probable offensive russe a motivé la Pologne à raccourcir la formation des équipages ukrainiens sur les Leopard 2 que le pays doit fournir à l'Ukraine dans le cadre de la coalition du Leopard. Cette activité d'une durée initiale de dix semaines a été réduite à cinq semaines grâce à une augmentation du nombre d'instructeurs, une optimisation des temps d'instruction incluant les week-end. Cette décision certainement fondée dur une réelle volonté de faire le maximum pour accélérer le déploiement des Leopard 2 polonais par l'armée ukrainienne pourrait cependant se révéler lourde de conséquences pour les militaires ukrainiens appelés à combattre à bord des engins. Diviser par deux le temps de formation d'équipages n'ayant aucune culture ni habitude des engins occidentaux est un pari risqué, même si ces recrues possèdent les prérequis nécessaires en matière de blindés. Cette supposition reste cependant soumise à caution, au vu des problèmes de recrutement rencontrés par l'armée ukrainienne, qui pourraient forcer cette dernière à confier les chars à du personnel récemment recruté et dépourvu de toute culture blindée. L'optimisation du temps d'instruction et la maximisation du nombre d'instructeurs doit également tenir compte des facultés d'assimilation des stagiaires, confrontés à des semaines "non stop" d'instruction, même si les phases théoriques alternent avec les phases pratiques et de mise en situation. La probable nécessité de traduction des cours dispensés augmentant également de façon importante la durée des sessions de formation, pouvant alors augmenter de 50% par rapport à un cours standard dispensé dans une langue commune aux formateurs et aux stagiaires. Avec cette décision, la Pologne donne l'impression de confondre vitesse et précipitation et pourrait finalement ne pas rendre service aux néo-tankistes ukrainiens appelés à affronter des équipages peut-être plus aguerris et certainement plus familiers de leurs engins. Pour tous ceux qui n'en seraient pas encore convaincus, il est capital de rappeler qu'au-delà de la technique, deux facteurs demeurent essentiels au succès du char que sont l'existence d'un environnement interarmes et le niveau de son équipage. Il n'est pas certain que la décision polonaise aille dans le sens de la seconde exigence !

UN ENIEME EPISODE DANS LA SAGA DE L'AJAX !

Le Major General Carew Wilks en charge du programme Ajax au sein de GDLS, a démissionné de ses fonctions au sein de ce qui a été qualifié "de plus grand scandale" dans les marchés publics de défense britanniques. Après une carrière dans le domaine des achats de véhicules blindés et de chars pour l'armée britannique, l'ex officier général avait été nommé en 2018 directeur général de l'activité "Land Systems" au sein de la filiale britannique de General Dynamics Land Systems. C'est dans le cadre de cette fonction qu'il supervisait le contrat d'une valeur de 5,5 milliards de Livres Sterling destinés à fournir 589 véhicules blindés Ajax. L'armée britannique n'a reçu à ce jour que 26 exemplaires de l'engin qui ne peuvent être utilisés qu'à des fins de formation.  Parallèlement à la déclaration de l’ancien Secrétaire d’État à la Défense, Mark Francois qualifiant le projet Ajax de "plus grand scandale", la commission des finances a indiqué que le programme devrait être corrigé ou abandonné après "une litanie d'échecs". Cette démission n'est que le énième épisode d'une triste saga dans laquelle apparaissent de nombreux intervenants, civils et militaires agissant au sein d'un contrat majeur en termes de montant et d'enjeux. Dès 2021, la firme américaine imputait les retards importants du programme à des problèmes techniques soulevés par le Ministère de la Défense britannique mentionnant "en particulier les consignes de sécurité émises par le client en 2021 [qui] ont freiné les progrès dans de nombreux domaines"  Le Général Wilks était considéré comme un lien clé entre l'entreprise et l'armée britannique, invitant il y a deux mois les membres du comité restreint de la Défense de la Chambre des Communes à reconnaître les "forts progrès" de l'entreprise sur le programme et à visiter l'usine de Merthyr Tydfil. GDLS n'a pas réagi à la démission du Général Wilks, ce dernier n'a fait aucun commentaire sur sa décision, faisant une pause dans sa carrière au cours de laquelle il a été Directeur de l'équipement terrestre au sein du Ministère de la Défense britannique de 2011 à 2013 avant d'effectuer un passage chez BAE Systems et Nimr et de rejoindre la firme américaine en 2018. En mai 2021, le Général Wilks avait répondu aux questions de la Commission de Défense du Parlement britannique sur le déroulement du programme Ajax. Cette démission aussi brutale qu'inexpliquée est le énième épisode d'une saga aux enjeux financiers et opérationnels majeurs  dans laquelle apparaissent de nombreux interlocuteurs et entités dont les actions n'ont pas permis d'apporter des solutions concrètes aux problèmes rencontrés. Les avatars du programme Ajax pourraient obliger l'armée britannique à reconsidérer ses choix et à trouver un remplaçant à cet engin.

PAS DE LEOPARD 2 GRECS DANS LA COALITION DU LEOPARD

Comme on pouvait s'y attendre la Grèce a exprimé ces derniers jours, par la voix de son premier Ministre son souhait de ne pas fournir de chars à la "coalition du Leopard" en cours de constitution. Pour justifier sa décision, Kyriakos Mitsotakis a indiqué que son pays avait déjà fourni de l'aide militaire à l'Ukraine y compris de véhicules blindés transport de troupes et que les chars Leopard 2 étaient indispensables à la posture de défense grecque. Il a réaffirmé la volonté d'Athènes de soutenir l'Ukraine qui ne doit cependant pas se faire aux dépens des capacités de défense du pays. Concernant les tensions persistantes avec la Turquie, Kyriakos Mitsotakis a indiqué qu'elles étaient liées aux élections présidentielles et législatives devant se tenir en Turquie au printemps, avant d'ajouter qu'il ne craignait pas un possible conflit. En dépit de cette sérénité, la Grèce préfère conserver ses chars, privant la coalition du Leopard des ressources du plus important utilisateur du char allemand en Europe.

FEUILLE DE ROUTE POLONO-COREENNE

Quelques semaines après la livraison des premiers K2 sud-coréens à la Pologne, la feuille de route de ce programme permet de dégager les grandes étapes de cette nouvelle coopération entre les deux pays. Selon toute vraisemblance, la version présentée au salon MSPO 2020, équipée de de sept galets de roulement ne devrait pas voir le jour. "L'abandon" de cette version spécifique du char devrait faciliter sa production et le transfert de technologies prévu dans le contrat. Les K2 polonais devraient en outre recevoir un système de protection active "hard kill" sans que l'on sache quel sera le modèle retenu pour cette intégration. L'examen du calendrier du programme permet de voir que les chars livrés jusqu'en 2025, "gap fillers"seront ensuite rétrofités pour être portés au standard K2PL. La coproduction des engins en Pologne et en Corée du sud devrait être effective à partir de cette même année, tandis que la coopération autour des activités de R&D devrait effective dès cette année, tout comme la recherche et la satisfaction de futurs marchés export. On apprend également que Hyundai Rotem est engagée dans la production de la troisième de série du char K2, en service depuis 2014 au sein des forces armées sud-coréennes. Ce programme illustre parfaitement la portée d'une démarche d'acquisition de chars, qui engage les pays dans une réelle coopération allant bien au delà de la simple fourniture de chars de combat. Un exemple à méditer assurément !

LU DANS LE DERNIER NUMERO DE RAIDS

Le numéro 439 du magazine Raids actuellement en kiosque contient un article particulièrement attrayant pour tous ceux qui s'intéressent à l'actualité des blindés. Intitulé "Prenons soin de nos chars" ce plaidoyer signé Marc Chassillan souligne l'importance de l'entretien (trop longtemps négligé par une fraction de nos décideurs civils et militaires) de notre composante blindée mais aussi son indispensable revalorisation, pour permettre au Leclerc de demeurer réellement opérationnel jusqu'à l'arrivée du MGCS. Cette opération de "recapitalisation" permettrait selon Marc Chassillan d'envisager le développement de deux versions du char, dont l'une baptisée par l'auteur "escorteur de l'avant" dédiée à la lutte antidrone et au tir au-delà de la vue directe. Basé sur un châssis de Leclerc et partageant de nombreux composants avec ce dernier, cet "escorteur de l'avant" pourrait cependant être remplacé par un engin plus conventionnel. L'augmentation du calibre de l'armement principal des VCI actuels et futurs (57mm côté russe et 50mm pour le remplaçant du Bradley), le développement de munitions Air Burst plus performantes et l'intégration de missiles antichars sur de nombreuses tourelles permettrait à un VCI existant de remplir dès maintenant cette mission d'escorte des blindés. En outre, le compartiment fantassins d'un VCI permettrait d'emporter une charge utile importante, qui pourrait être constituée de drones, terrestres et aériens, de munitions rôdeuses ou encore de moyens de recueil du renseignement. La plume experte de Marc Chassillan pose une fois encore des questions auxquelles l'armée de terre ne peut plus faire l'économie de répondre pour des prétextes "philosophiques" ou budgétaires. A lire donc sans modération !