Les revers de l'armée saoudienne au Yémen ont permis à certains de penser que le char n'avait plus sa place dans les conflits asymétriques d'intensité variable. Après avoir brossé un tableau de l'état des Véhicules de Combat d'Infanterie dans région, blablachars s'intéresse aujourd'hui aux chars de bataille présents dans les armées de la région. Pour cela, après avoir évoqué les menaces auxquelles ces pays peuvent être confrontés, nous présenterons les parcs en service avant de formuler quelques pistes de réflexion quant à l'avenir de ces parcs.
Région mouvante et parfois déroutante, le Moyen Orient est toujours le théâtre de deux conflits majeurs auxquels le front libyen s'ajoute sans le dire. Le jeu des alliances nouées entre les différents pays de la région rendent la situation complexe et pourraient justifier d'entretenir des armées importantes a défaut d'être efficaces pour certaines. La première menace depuis de longues années est bien sur l'Iran et son rayonnement dans la région dans ce qu'il est convenu d'appeler "l'axe chiite" partant de Téhéran et unissant les rebelles houthis du Yémen, les capitales irakiennes et syriennes tenues par des dirigeants chiites et enfin le sud Liban avec le Hezbollah implanté dans le sud du pays du Cèdre. En termes de puissance blindée et de chars de bataille cet axe regroupe essentiellement des chars d'origine russe, voire soviétiques allant des T-54/55 utilisés au Yémen au T-90S achetés par l'Irak ou utilisés en par l'armée syrienne, sans oublier les adaptations iraniennes dont le dernière déclinaison, le Karrar devrait commencer à équiper les forces terrestres. Bien qu'il soit compliqué d'établir un inventaire précis des chars en service, on peut estimer que les trois pays constituant l'axe chiite possèdent entre 3000 et 5000 chars, la rébellion houthie utilisant pour sa part quelques chars prélevés sur les stocks gouvernementaux. Le Hezbollah pourrait posséder une centaine de chars se trouvant en Syrie et certainement utilisés aux côtés de ceux de l'armée syrienne. Dans cet inventaire, l'Iran possède un arsenal varié et nombreux et conduit avec les soutien de pays étrangers de nombreuses opérations de modernisation et de développement locaux. Outre ses capacités blindées, l'axe chiite possède de nombreuses armes antichars, de nature très variée et en quantité importante. Si l'on ne prend en compte que les missiles, à l'exclusion des roquettes et autres munitions antichar, on dénombre plusieurs milliers de postes de tir pour des engins aussi variés que le Sagger, le Konkurs, le Tow, le Kornet sans oublier quelques postes de tir Milan. A l'exception de ce dernier tous les missiles antichar d'origine étrangère ont été copiés et adaptés par les différents pays. On a vu plusieurs de ces engins en action au Yémen et en Syrie où ils représentent la menace la plus importante pour les chars en service.
Outre cette menace historique constitué par l'Iran et ses alliés, les pays de la région peuvent se trouver confrontés à des conflits les opposants à des groupes armés pouvant menacer la stabilité du pays et de la région. La Guerre du Dhofar qui s'est déroulée de 1964 à 1976 dans la région sud du Sultanat d'Oman a fait plusieurs centaines de victimes a opposé des rebelles soutenus par la Chine, l’Égypte et la Russie à de faibles troupes omanaises appuyées par le Royaume-Uni, la Jordanie et l'Iran. L'épisode de Septembre noir en Jordanie entre 1970 et 1971 illustre également ce type de menace avec des opérations militaires de plus en plus intenses entre des groupes rebelles armés et soutenus par des puissances extérieures et les forces armées du pays concerné. Plus récemment, la guerre en Syrie commencée en 2011 dans la lignée des printemps arabes pour devenir une guerre totale rappelle l'importance de disposer de moyens capables de prévenir l'éclosion de ce type de conflit et de répondre aux opérations armées menées par des factions le plus souvent puissamment armées.
Outre cette menace historique constitué par l'Iran et ses alliés, les pays de la région peuvent se trouver confrontés à des conflits les opposants à des groupes armés pouvant menacer la stabilité du pays et de la région. La Guerre du Dhofar qui s'est déroulée de 1964 à 1976 dans la région sud du Sultanat d'Oman a fait plusieurs centaines de victimes a opposé des rebelles soutenus par la Chine, l’Égypte et la Russie à de faibles troupes omanaises appuyées par le Royaume-Uni, la Jordanie et l'Iran. L'épisode de Septembre noir en Jordanie entre 1970 et 1971 illustre également ce type de menace avec des opérations militaires de plus en plus intenses entre des groupes rebelles armés et soutenus par des puissances extérieures et les forces armées du pays concerné. Plus récemment, la guerre en Syrie commencée en 2011 dans la lignée des printemps arabes pour devenir une guerre totale rappelle l'importance de disposer de moyens capables de prévenir l'éclosion de ce type de conflit et de répondre aux opérations armées menées par des factions le plus souvent puissamment armées.
2. DES PARCS VARIES EN AGE ET EN QUALITÉ.
Face à ces menaces et afin de garantir leur sécurité, les armées locales ont depuis de longues années acquis des chars lourds. La région se caractérise par la possession des chars les plus emblématiques de ces dernières décennies et ont tous été engagés en opération par les armées locales ou celles de leur pays d'origine. En outre, il convient de noter que jusqu'à l'arrivée du T-90 en Irak, les chars de la région étaient tous d'origine occidentale, provenant du Royaume-Uni, des États-Unis, d'Allemagne et de France.
Challenger II omanais et britannique à l'occasion de l'exercice Saif Sareea 3 |
Le Challenger 2 est en service au Sultanat d'Oman depuis la fin des années 90. Le Sultanat en compte 38 exemplaires acquis en deux lots, commandés en 1993 pour 18 d'entre eux et en 1997 pour les 20 suivants. Pour ce contrat, le char britannique a été tropicalisé avec la mise en place d'un système d'air conditionné, de filtres moteurs renforcés et d'éléments de protection permettant au char de combattre en environnement désertique. Les livraisons se sont achevées en 2001. Ces chars sont en service au sein d'un des deux régiments blindés de la brigade blindée (l'autre régiment est équipé de M60) ; chaque régiment comptant trois escadrons de chars. Des rumeurs récentes ont fait état de la présence au Sultanat d'Oman pour des essais d'au moins un exemplaire du char Turc Altay en même temps que le K2 sud coréen. On ne sait si cette hypothétique présence serait liée à une évaluation menée par le Sultanat d'Oman en vue du remplacement de ses Challenger, ou à la conduite d'une campagne d'essais en environnement désertique organisée par les constructeurs des engins.
M1A1 saoudien au Yémen |
Le second char en service dans la région peut être considéré comme le véritable best seller de la région avec plus de 2000 chars en service dans cinq pays de la région. L'Arabie saoudite en posséde 373 au standard M1A1 première version équipée du canon de 120mm M256 auxquels il faut ajouter 133 M1A2S obtenus à partir de M1A1.Les chars saoudiens ont été progressivement portés au standard M1A2S qui bénéficie d'une protection améliorée par la nouvelle disposition des plaques d'uranium appauvri. Parmi les autres équipements intégrés sur ce char, on trouve un viseur chef indépendant (Commander Independent Thermal Viewer ou CITV) stabilisé tout comme celui du tireur. Le tourelleau Le pilote bénéficie d'une vision améliorée grâce à la mise en place d'un moyen de vision thermique. Enfin, le char char reçoit un système de navigation inertielle et d'un système de partage d'informations. Les Saoudiens ont engagés leur M1 au Yémen avec des résultats très mitigés et des images de char isolé, immobile et semblant attendre le coup fatal avec passivité. On ignore le nombre exact de chars perdus dans ces opérations, mais un communiqué daté du mois d'aout 2016 de la Defense Security Cooperation Agency en charge des ventes d'armes américaines ou Foreign Military Sales fait état d'une commande de 153 structures de chars M1A1 /A2 en vue de leur transformation en 133 M1A2S. A cette commande s'ajoutent 20 exemplaires supplémentaires visant à compenser les pertes subies au combat.
Le Koweït possède 248 exemplaires du char américain au standard M1A2 sans toutefois bénéficier du blindage en uranium appauvri. En 2018, le Koweït a demandé la modernisation de 218 exemplaires à un standard spécifique dénommé M1A2-K et bénéficiant de radio SINCGARS (Single Channel Ground and Airborne Radio Systems) d'un nouveau système de refroidissement, d'une Common Remotely Operated Weapon Station ou CROWS II également montée sur le M1A2SEPV3. Un système de vision infrarouge FLIR (Forward Looking Infra Red) de seconde génération est également prévu ainsi qu'un système de diagnostic intégré, un nouveau viseur tireur et d'autres amélioration font également partie du package saoudien dont la mise en place a été confiée à General Dynamics.
L'Irak utilise 140 chars au standard M1A1, en 2018 Bagdad a loué vingt autres exemplaires à l'armée américaine pour l'entrainement des équipages. En décembre 2014, 190 chars supplémentaires ont été acquis par l'Irak, qui les a regroupés au sein de quatre régiments appartenant à la 9ème Division Blindée. Ces chars ont été engagés dans les opérations menées contre L’État Islamique comme le montre une vidéo tournée en 2016 par l'équipage de M1. On ignore le bilan exact de ces engagements mais on sait qu'au moins neuf chars ont été capturés par les combattants de L’État Islamique avant d'être récupérés quelques mois plus tard. Cet épisode avait fortement irrité les Américains qui avaient suspendu toutes les opérations de soutien et toutes les opérations de modernisation envisagées, mettant fin à une longue période de soutien américain au pays concrétisé par la fourniture de plus de vingt-deux milliards de dollars d'équipement aux forces irakiennes depuis 2005.
Petit pays aux ambitions immenses, le Qatar possède les chars les plus récents de la région avec la livraison à partir de 2015 de 62 Leopards 2A7+. Cette énième et peut être ultime évolution du best seller allemand a été présentée en 2010 au Salon Eurosatory et met l'accent sur ses capacités d'engagement dans des opérations asymétriques voire de basse intensité. Les chars qataris n'ont jamais été engagés au combat au sein de l'armée locale, certains Leopards 2 ayant eux été déployés en Afghanistan, au Kosovo et en Syrie où il a connu quelques revers assombrissant sa réputation de char indestructible. L'acquisition de ces chars faisait partie d'un plan de modernisation des forces armées au sein desquelles les Leopards 2A7+ ont remplacé les AMX 30. Une rumeur récente faisait état d'une commande de 100 chars Altay auprès de la Turquie, cette information n'a à ce jour pas été confirmée par les deux pays concernés.
L'Irak utilise 140 chars au standard M1A1, en 2018 Bagdad a loué vingt autres exemplaires à l'armée américaine pour l'entrainement des équipages. En décembre 2014, 190 chars supplémentaires ont été acquis par l'Irak, qui les a regroupés au sein de quatre régiments appartenant à la 9ème Division Blindée. Ces chars ont été engagés dans les opérations menées contre L’État Islamique comme le montre une vidéo tournée en 2016 par l'équipage de M1. On ignore le bilan exact de ces engagements mais on sait qu'au moins neuf chars ont été capturés par les combattants de L’État Islamique avant d'être récupérés quelques mois plus tard. Cet épisode avait fortement irrité les Américains qui avaient suspendu toutes les opérations de soutien et toutes les opérations de modernisation envisagées, mettant fin à une longue période de soutien américain au pays concrétisé par la fourniture de plus de vingt-deux milliards de dollars d'équipement aux forces irakiennes depuis 2005.
Petit pays aux ambitions immenses, le Qatar possède les chars les plus récents de la région avec la livraison à partir de 2015 de 62 Leopards 2A7+. Cette énième et peut être ultime évolution du best seller allemand a été présentée en 2010 au Salon Eurosatory et met l'accent sur ses capacités d'engagement dans des opérations asymétriques voire de basse intensité. Les chars qataris n'ont jamais été engagés au combat au sein de l'armée locale, certains Leopards 2 ayant eux été déployés en Afghanistan, au Kosovo et en Syrie où il a connu quelques revers assombrissant sa réputation de char indestructible. L'acquisition de ces chars faisait partie d'un plan de modernisation des forces armées au sein desquelles les Leopards 2A7+ ont remplacé les AMX 30. Une rumeur récente faisait état d'une commande de 100 chars Altay auprès de la Turquie, cette information n'a à ce jour pas été confirmée par les deux pays concernés.
Leopard 2A7+ qatari |
T-90 irakien |
Leclerc émirati |
- Une assez grande homogénéité de provenance, quatre chars sur cinq proviennent de pays de l'Otan. Aucun char asiatique, en particulier chinois n'a jusqu'à présent été acquis par l'un des pays évoqués.
- Une homogénéité de type, tous les chars évoqués sont des chars de bataille lourds armés de canon de 120mm ou plus et équipés de blindages conséquents.
- Une disparité des engagements opérationnels de ces chars au sein des armées locales, avec l'Arabie saoudite et les Émirats ayant déployés des chars hors de leurs frontières, l'Irak au sein d'opérations internes tandis que le Koweït et le Qatar n'ont jamais utilisé leurs chars en conditions opérationnelles.
- L'âge de ces chars permet de les classer en plusieurs catégories avec d'un côté des chars de deuxième génération modernisés comme le Leopard 2, le M1 et le Challenger 2 et d'un autre côté des chars de troisième génération comme le Leclerc et le T-90. Séparation que l'on retrouve dans la composition des équipages réduits à trois hommes par l'utilisation d'un chargement automatique sur le Leclerc et le T-90 et de quatre hommes sur le Leopard2, le M1 et le Challenger2. Cette notion d'équipage est importante pour des pays qui peinent à recruter du personnel pour leurs forces armées.
- En termes de poids, la palme revient au M1A2 avec 68.7 tonnes, suivi du M1A1 pesant 67.6 tonnes, précédant d'une court quintal le Leopard 2A7+ avec 67,5 tonnes suivi du Challenger 2 avec 62.5 tonnes. Les deux chars de troisième génération sont les seuls à ne pas franchir la barre des soixante tonnes avec le Leclerc affichant un poids de 56.3 tonnes et le T-90 estimé aux alentours de 50 tonnes.
Dans le domaine des performances, on retrouve une répartition identique avec des chars capables de tirer en roulant comme le M1 ou le Leopard 2, et des chars capables de tirer en marche, comme le Leclerc. Le cas du Challenger 2 est un peu atypique avec un chargement manuel en plusieurs éléments et un tube rayé (le seul de notre panel) conférant une meilleure précision en échange d'une vitesse initiale moindre.
Cet état des lieux des parcs de chars de bataille dans la région montre que les pays utilisateurs doivent maintenant s'interroger sur l'avenir de ces engins au sein de leurs forces terrestres qui passe par une nécessaire modernisation.
3. QUEL AVENIR POUR LE CHAR DE BATAILLE DANS LA REGION ?
Les pays dont nous avons présenté succinctement les chars présentent des caractéristiques géographiques variées en termes de taille et de situation, mais ont tous en commun d'être situés au coeur d'un espace désertique ou semi désertique. En outre, ces pays ont construit de très grandes agglomérations et centres urbains parcourus par de de vastes avenues au tracé géométrique. Ces villes qui s'étendent souvent le long d'un littoral plat abritent des immeubles de grande hauteur qui, sans atteindre les 828 mètres de la Burj Khalifa culminent à plusieurs centaines de mètres et offrent des possibilités d'observation impressionnantes. Enfin, depuis quelques années, les pays de la région ont développé un réseau routier de plus en plus dense, généralement de très bonne qualité et capable d'accueillir des engins de grand gabarit compte tenu de dimensions des voies de circulation, certains de ces axes étant transfrontaliers et permettent de circuler rapidement d'un pays à l'autre en dehors des formalités liées au passage de frontière. Dans un tel contexte, il apparait illusoire de prétendre mener une opération terrestre offensive ou défensive sans recourir à une composante blindée mécanisée.
- Le désert avec ses vastes espaces et ses possibilités d'observation étendues est une zone privilégiée pour le combat blindé. Capables de se déplacer vite et de façon autonome grâce aux aides (moyens inertiels ou satellitaires) à la navigation, les chars peuvent conduire des actions brutales de jour comme de nuit sur un ennemi en mouvement ou en cours de concentration. L'emploi d'engins de combat pour des missions de contrôle et de surveillance dans de tels espaces permet d'économiser le potentiel humain et de lui confier d'autres missions. Cette aptitude à la surveillance étant aujourd'hui renforcée par la variété et les performances des capteurs embarqués ainsi que la capacité des chars modernes à transmettre des informations.
- Les villes modernes de la région n'ont plus rien de commun avec les mechtas et autres bleds réputés impénétrables à tout véhicule. Aujourd'hui dessinées autour d'avenues imposantes, les villes de la région offrent un terrain d'action privilégié pour des unités blindées mécanisées agissant au sein de dispositifs interarmes. Offensive ou défensive, asymétrique ou conventionnelle, une action en zone urbaine dans cette région impose la mécanisation des troupes engagées bénéficiant de la protection offerte par le blindage des véhicules, de la puissance de feu, des capacités d'observation des tourelles modernes et de la mobilité des chenilles pour s'affranchir des obstacles et progresser. Le débat sur le site maximum des armes de bord est ici presque inutile compte tenu de la hauteur des immeubles et de la faible probabilité de voir un combattant grimper les dizaines d'étages à pied pour occuper une position sans grand intérêt, en raison de sa hauteur. Les autres caractéristiques techniques du char évoquées ci dessus sont par contre des atouts essentiels pour celui qui posséde de tels engins.
- Les axes routiers offrent des possibilités intéressantes pour l'emploi des chars. Sillonnant les pays ces voies routières permettent d’effectuer des déplacements stratégiques de grande amplitude. Embarqués sur des engins porte-chars, les blindés peuvent ainsi parcourir aisément la distance les séparant d'une zone de regroupement ou d'une zone d'embarquement dans le cas d'une projection. L'utilisation de ces axes peut également être envisagée pour des déplacements tactiques entre différents points ou zones du terrain. On peut penser que ce maillage routier serait un facteur favorable à la roue et à sa "légendaire" mobilité stratégique, ce serait vite oublier qu'une fois sortis de ces axes de liaison, les engins concernés vont devoir combattre et se déplacer dans un environnement désertique. A noter que la plupart des chars modernes sont capables d'assurer la sureté d'un convoi en mouvement grâce à leurs capacités d'observer en roulant sur 360° et à longue distance grâce à des viseurs indépendants le plus souvent disponibles au poste du chef de char (Viseur Chef du Leclerc, Commander Independant Thermal Viewer du M1). A cette capacité s'ajoute la possibilité d'effectuer des tirs précis à grande distance sur des objectifs menaçant la sureté du convoi.
- Enfin et indépendamment de ces facteurs géographiques, le char avec ses qualités de protection, de puissance de feu, de mobilité et de communication demeure un élément essentiel des forces terrestres. Instrument de puissance, il est capable d'affronter des menaces multiples dans des environnements difficiles. Pour les pays de la région, il est l'outil capable de défaire une menace blindée-mécanisée mais aussi d'être engagé dans des opérations de moindre intensité face à un ennemi peu ou pas blindé. Ses aptitudes sont bien sur démultipliées par une réelle coopération interarmes sans laquelle le char n'est qu'un élément isolé et condamné. Cela exige de la part des armées utilisatrices un réel investissement dans la formation et l'entrainement des équipages rendus plus efficaces par l'arrivée d'une nouvelle génération de simulateurs, embarqués et encore plus performants. Ces outils de formation doivent être inclus dans les programmes de revalorisation des chars en service pour permettre leur intégration dans les tourelles modernisées.
4. QUELQUES PISTES D’ÉVOLUTION
Après avoir évoqué (démontré ?) la pertinence pour les pays de la région de posséder des chars de bataille et au regard des parcs décrits supra, il est intéressant d'évoquer les possibles solutions d'évolution de ces engins pour les années à venir.
- Pour la majorité des pays de la région, le remplacement des flottes par des chars neufs ne semble pas être la voie privilégiée par les pays de la région pour la conservation d'une capacité blindée. Disposant de ressources financières en dépit de la récente crise sanitaire, les pays de la région pourraient envisager une telle opération.
- La modernisation des chars en service semble donc être l'hypothèse la plus envisageable au regard des circonstances actuelles, mais qui doit être modulée en fonction des pays et des chars concernés.
- Le Qatar doit simplement accélérer le processus d'acquisition de Véhicules de Combat d'Infanterie capables de suivre les Léopards récemment acquis et pour lesquels aucune modernisation immédiate ne semble requise ni envisageable, compte tenu du poids de l'engin ; L'ajout du moindre équipement additionnel aurait des conséquences importantes sur la mobilité du char. Le VCI à roues tel que Doha le souhaite devra permettre aux Qataris d'acquérir une véritable capacité de combat blindée mécanisée qui souffre aujourd'hui de l'absence d'infanterie sous blindage.
- Le Koweït a entamé une modernisation "adaptée" de ses M1A1 qui semblent pour le moment lui donner satisfaction, l'armée américaine disposant de plusieurs bases dans le pays semble offrir à l'émirat une protection bien supérieure à celle des 248 M1 servis par des équipages dont les performances restent quelque peu inconnues. En 2017, le Koweït avait manifesté un grand intérêt pour le T-90MS, évoquant la possible signature d'un contrat d'achat entre l’Émirat et la Russie. En 2019, l'armée koweïtienne a fait savoir que cette acquisition était retardée mais pas annulée.
- Pour le Sultanat d'Oman l'hypothèse d'une modernisation de ses Challenger 2 est de moins en moins probable. Quelle solution s'offre au Sultanat pour conserver une composante blindée ? Pour conserver une telle capacité, plusieurs pistes ont été évoquées dont la possible acquisition de 70 Leopards 2 ou de chars turcs Altay. Le Sultanat ayant déjà commandé auprès de la Turquie 172 Véhicules de Combat d'Infanterie Pars III fabriqués par FNSS. Adepte d'une diplomatie mesurée et soucieux de garder ses distances avec les grandes alliances, le Sultanat pourrait faire un choix plus "exotique" en privilégiant un char moderne servi par un équipage de trois hommes, caractéristique importante pour un pays disposant de peu de main d’œuvre. La présence non vérifiée du char Altay et du K2 sud coréen dans le pays ces derniers mois pourrait confirmer l'hypothèse d'une évaluation de ces deux engins en vue d'une future acquisition. Otokar, le fabricant du char turc attendant toujours une motorisation lui permettant de lancer l'industrialisation de la seconde tranche de l'Altay.
- L'Arabie saoudite pourrait quant à elle envisager une modernisation de ses M1A1, opération qui a déjà débuté avec la conversion d'un certain nombre de ses chars au standard M1A2S. Plusieurs équipement additionnels pourraient être intégrés sur une version modernisée du char à commencer par un renforcement de la protection avec l'ajout de slat armor et au moins d'un système de protection active soft kill couplé à un détecteur d'alerte laser. Le renforcement du système de lutte contre l'incendie devrait être également envisagé ainsi que son automatisation. L'objectif est bien sur d'améliorer la survivabilité du char, que l'on a vu s'embraser à plusieurs reprises, après avoir subi l'impact d'un projectile antichar. Cette modernisation doit s'accompagner d'une reprise totale de l'entrainement individuel et collectif des équipages saoudiens. L'apport de la technologie ne pourra pas compenser les lacunes observées au Yémen en termes de savoir faire tactiques et techniques.
- Les Émirats Arabes Unis avec le Leclerc possèdent un char présentant deux avantages, à savoir une marge d'évolution importante et un engagement opérationnel réussi. Le premier de ces avantages permet d'envisager des solutions innovantes sans compromettre la mobilité et la compacité du char. Le
Dans le domaine de la protection, l'ajout d'un système de protection active soft et hard kill constituerait une amélioration majeure, complétant les kits de blindages additionnels. La puissance de feu pourrait être augmentée avec l'adoption de nouveaux viseurs capables de détecter et suivre un objectif et le tir de nouvelles munitions pus performantes. L'intégration du char dans son environnement pourrait être améliorée avec la mise en place d'un nouveau système de commandement et de gestion de l'information. Dans ce domaine, la mise en place d'une liaison Bluetooth avec les éléments d'infanterie se trouvant dans l'environnement du char. La surveillance de l'environnement du char pouvant être effectuée via un réseau de caméras couvrant 360° autour du char et dont les images pourraient être valorisées par l'utilisation de la réalité augmentée. A la différence de chars de conception plus ancienne, le Leclerc peut intégrer ces évolutions pour devenir encore plus performant, quelque soit l'intensité et la nature des opérations. C'est le sens de la rénovation menée par l'armée de terre dans le cadre du programme Scorpion.
Leclerc Scorpion |
5. UNE MODERNISATION EN CIRCUIT COURT.
Parmi les pays évoqués dans ces lignes, certains ont réussi à développer des versions locales de chars souvent anciens en service dans leurs armées. On peut bien sur citer l'Iran mais aussi l'Irak avec une version locale du T-55, sans oublier l’Égypte et la modernisation des M-60. A côté de ces tentatives, on a vu naitre ces dernières années dans les pays du Golfe des sociétés de défense locales. On peut citer Emirates Defense Technology créée en 1996 à Abu Dhabi, ou encore Emirates Defense Industries Company. A l'inverse des deux entités émiraties, la société qatarie Barzan Holding est dépourvue de toute capacité industrielle ou d'ingénierie, son action se limitant à la conclusion de partenariats stratégiques avec des groupes industriels de pays étrangers. Ces accords servent de cadre à la fourniture d'équipements pour les forces armées qataries. Dernière venue chronologiquement la SAMI ou Saudi Arabia Military Industry a été créée en 2017 dans le cadre du Plan Vision 2030, lancé par le Prince Héritier Mohamed Bin Salmane, en vue de doter le pays d'une industrie de défense nationale. Depuis sa création la SAMI a noué de nombreux partenariats en vue de créer des capacités locales de développement, de fabrication et d'assemblage de véhicules de combat. Ces sociétés qui représentent l'avenir des industries de défense locales, cherchent à acquérir de nouvelles compétences en vue de maitriser toutes les étapes du développement et de la fabrication de véhicules blindés. Certains de ces pays comptent déjà des sociétés ayant développé et fabriqué plusieurs véhicules, comme Nimr aux Émirats Arabes Unis dont la gamme s'étoffe au fil des années ou Emirates Defense Technology engagée dans la conception du blindé Enigma. En Arabie saoudite, outre la SAMI et ses nombreux partenariats, on peut citer Al Tadrea qui a crée il y a quelques mois avec Oshkosh la société OTM (Oshkosh Al Tadrea Manufacturing) en vue de produire dans le Royaume des véhicules tactiques bénéficiant de l'expertise du constructeur américain du JLTV. Au Qatar l'ambition de Barzan Holdings est similaire avec le développement d'activités de R&D, des investissements stratégiques et des achats ciblés permettant de développer le secteur industriel local de la défense.
Ces groupes et sociétés concrétisent la volonté politique des dirigeants et possèdent de réelles compétences technologiques qui pourraient leur permettre de jouer un rôle actif dans la revalorisation et la modernisation des matériels en service dans leurs armées. Dans le cadre d'accords avec les manufacturiers originaux des engins, ces sociétés pourraient se voir confier des activités de modernisation de véhicules de combat. La récente crise sanitaire qui a également affecté les économies des états de la région pourraient les inciter à favoriser une voie locale pour la conduite de certaines opérations de modernisation, option économiquement plus intéressante que la facturation in extenso de la totalité des opérations de revalorisation par le manufacturier original. Les futurs contrats d'armement conclus avec ces pays feront une place plus importante aux industries locales et à leurs capacités.
Arrivé au terme de ce tour d'horizon, force est de constater que le char conserve toute son importance dans les forces armées des pays de la région. Certains ont cru voir dans les déconvenues des chars saoudiens engagés au Yémen, le symbole de l'inadaptation du char aux conflits asymétriques d'intensité variable, alors qu'il ne faut y voir que les lacunes d'équipages démotivés et mal formés. Cependant, les chars en service doivent obligatoirement être modernisés pour rester efficaces face aux menaces présentes dans l'environnement des pays. Les industries de défense locales naissantes peuvent être impliquées dès maintenant dans la réalisation des opérations de revalorisation / modernisation avant de jouer un rôle plus important dans le développement et la fabrication de leurs futurs véhicules de combat.
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
RépondreSupprimerJ'indique un doublé au début de la présentation avec la guerre du Dhofar :
RépondreSupprimerLa Guerre du Dhofar qui s'est déroulée de 1964 à 1976 dans la région sud du Sultanat d'Oman a fait plusieurs centaines de victimes a opposé des rebelles soutenus par la Chine, l’Égypte et la Russie à de faibles troupes omanaises appuyées par le Royaume-Uni, la Jordanie et l'Iran. "Ce conflit a pris fin en 1976 et a fait plusieurs centaines de victimes."
Égypte à mettre sur le paragraphe du T-90 a la place du pays :
L'avenir leur a donné raison avec la commande annoncée en juin de cette année de 500 T-90MS devant être assemblés "dans le pays". Ces chars vont retrouver sur les berges du Nil d'autres productions russes plus ou moins vaillantes comme les 34 T-80U, les 840 T-54/55, ou les 200 (sur un total de 500)T-62 en service.
bonjour, merci de votre vigilance ! Les corrections ont été effectuées, bonne lecture !
SupprimerLa guerre au Yémen, présentée comme une guerre anti-Iran est bien plus meurtrières (et toujours d'actualité)...
Supprimerhttps://www.lefigaro.fr/international/au-yemen-une-guerre-sans-fin-qui-ne-dit-pas-son-nom-20221009
Bonjour,
RépondreSupprimerLe sultanat d'Oman s'est dernièrement équipé en véhicules turcs:
https://blablachars.blogspot.com/2020/08/fin-des-livraisons-de-pars-oman.html
Ce pays discute avec tout le monde au Moyen-Orient et il est souvent le terrain de rencontres diplomatiques informelles.
En ce moment, il doit répondre à de nombreux défis:
https://orientxxi.info/magazine/le-sultan-d-oman-retructure-le-pouvoir,4091
https://orientxxi.info/magazine/oman-le-nouveau-sultan-face-a-cinq-defis,3759
Oui le Sultanat d'Oman est un pays a part dans la région tant par son positionnement ggéographique que pzr sa diplomatie !
SupprimerLe RETEX le plus cité concernant les Leclerc au Yémen:
RépondreSupprimerhttp://ultimaratio-blog.org/archives/8148
Sur le même site, l'analyse du comportement des chars dans le type de combat le plus craint: le combat en localité.
En Ukraine:
http://ultimaratio-blog.org/archives/8096
En Syrie:
http://ultimaratio-blog.org/archives/8102
Les industriels de l'armement français pourraient bientôt construire leurs usines au Qatar...
RépondreSupprimerhttps://mobile.twitter.com/canardenchaine/status/1597855448165765122